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Le programme menacé par trop de précipitation

À force de vouloir faire dans l'urgence, la machine s'est grippée et les pouvoirs publics se sont rendus à l'évidence que ‘'le morceau est trop gros pour en faire une simple bouchée''

Le programme menacé par trop de précipitation
Le programme ''Villes sans bidonvilles'', ou sous son acronyme usuel ''VSB'', est un parfait exemple de l'imbrication qu'un projet d'envergure peut avoir. Déjà par la multiplicité des intervenants: ministères de l'Intérieur, de l'Habitat, les wilayas, les communes, les banques et le secteur privé. Difficile de mettre en harmonie un tel cocktail pour une synergie dans l'action. Une étude de la Banque mondiale sur le sujet en juin 2006 a justement mis le doigt sur cette contrainte parmi tant d'autres. Depuis 2004, année du lancement de ce programme, les réalisations posent encore la question de la viabilisation de l'acquis, étant donné que le phénomène de l'habitat insalubre continue de pousser comme une gangrène. Tant et si bien que la lutte contre ce fléau commence à mettre en doute l'ensemble de l'arsenal mis en place surtout dans une ville comme Casablanca qui abrite pratiquement le tiers des bidonvilles du pays. Des défis systémiques pourraient ralentir l'exécution du programme ''VSB'' telle qu'elle est prévue et qui pourraient compromettre ses chances de réussite, indiquait l'étude. Et pour cause, une collaboration inadéquate et l'incohérence qui en résulte au sein des organes nationaux, régionaux et des collectivités locales. Il faut dire qu'après les attentats du 16 mai 2003, un réel coup de fouet a été donné à la politique de recasement des bidonvillois. Mais à force de vouloir faire dans l'urgence, la machine s'est grippée et les pouvoirs publics se sont rendus à l'évidence que ''le morceau est trop gros pour en faire une simple bouchée''. L'exode rural de plusieurs décennies, combiné récemment à un mouvement interurbain de couches sociales précarisées, a corsé la partie. Il est donc apparu clair que le programme ''VSB'' nécessite plus qu'une volonté politique, une réelle réflexion sur sa déclinaison sur le terrain avec toutes les considérations sociales et intégratives qu'il faut prendre en compte.

À l'horizon 2012
Aujourd'hui, et comme par enchantement, le gouvernement veut se débarrasser de ces habitations de fortune à l'horizon 2012. En 2004 déjà, l'on avait nourri l'espoir d'arriver au même résultat en cette année 2010. Nous en sommes aujourd'hui à une rallonge de deux ans dans un contexte moins encourageant. Car en six ans, malgré les efforts fournis et les budgets colossaux alloués, la situation est loin d'être reluisante. Sur 83 villes et centres urbains concernés par le programme, juste une quarantaine ont été déclarés ''VSB''. Le taux de réalisation correspond peu ou prou aux annonces courageuses exprimées il y a quelques années.

Pas plus loin que lundi dernier à Tétouan, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Habitat, chargé du Développement territorial, Abdeslam El Mesbahi, ''s'est jeté à l'eau'' en affirmant que ce rêve est réalisable. Mieux encore, le ministre istiqlalien joue son optimisme à fond lorsqu'il promet que d'ici un an seulement, une vingtaine de villes marocaines seront sans bidonvilles. Contrairement à l'enthousiasme d'El Mesbahi, tout porte à croire que le sujet est loin d'être la priorité de ce gouvernement. Le Premier ministre dans sa récente déclaration au Parlement n'a pas jugé bon de s'y appesantir. Deux bonnes questions nous viennent aussitôt à l'esprit. Primo, peut-on réussir en deux ans ce que l'on n'a pas pu faire en six ans ? Sur les 83 villes concernées par le fléau en 2004, seuls 40 ont été déclarées cette année ''VSB''. Secundo, est-ce que la ville de Casablanca, qui compte le tiers des bidonvilles du pays, est concernée par ce plan d'urgence ? Sachant que les habitations improvisées poussent comme des champignons dans la capitale économique, il est devenu difficile de les recenser encore moins d'en définir l'origine. A Casablanca et Mohammedia, l'on est face à plus de 300 bidonvilles dispersés un peu partout même dans des périmètres où on les soupçonnait le moins. Selon un responsable au Conseil de la ville, il est primordial de commencer par un recensement définitif de ces points noirs pour en limiter la propagation. Ensuite, ajoute-t-il, les intervenants dans le domaine, wilaya, mairie, communes et ministères concernés, doivent signer une charte d'éthique pour mieux s'attaquer aux poches de résistance qui se nourrissent du statu quo de la situation. Mais là n'est pas toute l'histoire, les bidonvilles portent en eux plusieurs connotations dont les imbrications touchent à des aspects sociétaux et politiques. Ils peuvent facilement reconfigurer la géographie électorale au profit de ceux qui en sont les instigateurs. Selon nos sources, certains parlementaires se sont reconvertis en promoteurs de l'anarchique à des fins électoralistes.

L'économie parallèle
Des représentants de l'Etat en ont fait un business juteux en connivence avec des élus locaux. C'est un secret de Polichinelle: cette économie parallèle que les habitants des bidonvilles ont découverte depuis quelques années et qui consiste à morceler une baraque pour la revendre au prix fort. D'aucuns ont sauté sur l'aubaine et construit des ''villes crépusculaires, flanquées de noms bizarres''. D'autres se sont appropriés des lopins avec leurs bidonvilles qu'ils comptent mettre sur le marché juteux de l'immobilier. Pour récupérer ces terres aux fins de recasement, l'Etat devra sortir la grosse artillerie en respect de la nouvelle procédure d'expropriation. Ces promoteurs de bidonvilles sont, aujourd'hui, appelés par certains responsables locaux à mettre la main à la pâte pour soutenir financièrement ces opérations de recasement. Enfin, les plus endurcis veulent que la même procédure utilisée pour le déblocage du ''projet Hassan II'' soit de mise pour les autres. L'autre blocage essentiel a, cette fois-ci, trait à l'accès des populations cibles au Fogarim pour prétendre à un logement décent. Il y a plusieurs mois, ce système est entré dans une phase de régime bas et vu les conditions d'éligibilité, une bonne partie de la population concernée s'en trouve d'office exclue.

Cela rappelle en quelque sorte le glissement irréversible que la Caisse de compensation a connu, en ratant, justement, sa cible. Mais là où le bât blesse, c'est que ces projets même de recasement posent un sérieux problème d'insalubrité dont certaines régions de Casablanca donnent la parfaite et pas moins désolante illustration.

A Lahraouiyines, par exemple, nous sommes face à un dilemme qui perdure et devient de plus en plus difficile à résoudre. Ces bombes à retardement qui pullulent dans la périphérie casablancaise sont autant de ghettos qui compromettent l'harmonie urbanistique tant voulue de la métropole. Le sentiment d'exclusion s'exacerbe aussi chez ces populations parquées dans des agglomérations sans le minimum requis de services ni d'ouverture sur la ville. Ce qui n'est pas sans rappeler quelques expériences qui se sont avérées autant d'échecs comme les HLM et assimilées. Il est temps aujourd'hui de repenser la politique des ''VSB'' pour ne pas reproduire les mêmes aberrations. L'effet d'annonce n'émeut plus personne. Les Casablancais savent aujourd'hui pertinemment que le schéma de recasement est un plan dangereux qu'il va falloir rectifier.
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Un budget de 25MMDH

Selon le programme du ministère de l'Habitat, tel que réactualisé, le programme «Villes sans bidonvilles» vise la résorption des bidonvilles dans les villes et centres urbains. Sa stratégie se base sur la ville comme unité de programmation. La réalisation de ce programme s'étale sur la période 2004-2012 et concerne 83 villes et 298.000 ménages résidant dans près de 1.000 bidonvilles. Globalement, le programme ‘'V'SB'' devra mobiliser un investissement d'environ 25 milliards de dirhams, dont une subvention du Fonds Solidarité Habitat, estimée à près de 10 milliards de dirhams. A avril 2009, 31 cités ont été déclarées ‘'villes sans bidonvilles'' et près de 136.000 baraques démolies, tandis que 10.000 unités d'accueil disponibles n'ont pas encore été attribuées. A noter, par ailleurs, que près de 46.000 unités sont en cours de réalisation. Au début 2010, le gouvernement a annoncé qu'une quarantaine de villes marocaines ont reçu le label ‘'VSB''.
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