À quelques encablures de la gare de l’Oasis, dans le quartier du même nom à Casablanca, la construction d’un immeuble est pratiquement achevée et n’attend que l’arrivée de ses futures locataires, des étudiants. «C’est une entreprise familiale privée qui a réalisé ce projet d’un investissement de 50 millions DH. La cité ouvrira ses portes pour cette rentrée universitaire», déclare le directeur qui n’a souhaité décliner ni son identité ni le nom de son entreprise.
1,2 milliard de DH d’ici à 2016
Il précise, cependant, que c’est le déficit chronique dont souffrent les résidences pour étudiants qui a amené son entreprise à investir dans la réalisation de telles infrastructures : «Nous avons investi dans ce créneau, car il y a un besoin qui pousse les étudiants à louer chez des particuliers, d’où des problèmes de cherté du loyer, de cohabitation et de transport».
Cette initiative, qui rejoint celles de la Fondation Miloud Chaâbi et de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), s’aligne sur le programme gouvernemental qui prévoit de porter la capacité d’accueil des cités universitaires à 100 000 lits d’ici à 2016. Ce programme s’étale sur quatre phases. En 2013, il est en effet prévu la création de 4 700 nouveaux lits. Pour un investissement de 197,40 millions de DH, cette phase comprend la construction de nouvelles cités universitaires à Kénitra, à Marrakech et à El-Jadida. Il est également prévu, lors de cette première phase, l’extension des cités de Rabat-Agdal, Rabat-Souissi et la Cité de filles de Marrakech.
En 2014, le ministère de l’Enseignement supérieur envisage 7 000 nouveaux lits pour une enveloppe de 294 millions de DH. Cet investissement servira à l’aménagement de nouvelles cités à Tétouan, Rabat, Taroudant, Ouarzazate, Guelmim et Laâyoune. En 2015, quelque 306 millions de DH serviront à la construction d’autres nouvelles résidences pour étudiants à Larache, Safi, Mohammedia, Rabat, Errachidia, Oujda, Al-Hoceima, Marrakech et Khouribga. Il est attendu à travers cette opération une capacité de 73 000 nouveaux lits. Enfin, dernière étape de ce plan, l’année 2016 verra 8 900 nouveaux lits qui viendront élargir cette capacité globale via la construction de nouvelles résidences pour étudiants à Casablanca, Taza, Oujda, Marrakech, Agadir, Kénitra, Béni Mellal et Mohammedia.
Ainsi, pour résorber le défit des cités universitaires, le Maroc prévoit de dépenser durant les quatre années à venir près de 1,2 milliard de DH afin de doter les cités universitaires – extensions et nouvelles structures comprises – de 27 900 nouvelles places. Rappelons que pour la saison universitaire 2010-2011, l’ensemble des cités du Royaume accueillait 34 643 étudiants.
Pour la réalisation de ce vaste programme, le ministère a appelé le secteur privé, les opérateurs économiques et les ONG à prendre part à cet investissement. Et visiblement, ces différentes parties ont répondu présent. La première à l’avoir fait a été la Fondation Miloud Chaâbi, laquelle a lancé en 2005 la construction de la première citée universitaire privée dans l’histoire du Maroc. «Actuellement, nous disposons de deux résidences pour étudiants l’une à Kénitra et l’autre à Agadir, et nous sommes en négociations pour la construction d’une troisième cité», indique-t-on auprès de la Fondation. Cette initiative sera suivie par la CDG à travers sa filiale Dyar Al Madina. Une source proche de la direction de cette dernière précise : «Nous avons construit, à l’heure actuelle, trois résidences, à Rabat, à Meknès et à El-Jadida. À Casablanca, nous en développons une quatrième. Nous avons investi dans ce secteur afin d’alléger la pression qui se fait sur les cités de l’État».
Loyer et services : combien ça coûte ?
Dyar Al Madina développe et gère des résidences pour étudiants en partenariat avec différentes universités. «Nous disposons actuellement de 3 000 lits et nous comptons arriver à 5 000 unités d’ici à septembre 2013. Toutes nos résidences affichent un taux d’occupation de 100%. En plus de l’hébergement, nos cités disposent de commerces de proximité. Quant à la restauration, elle est sous-traitée par des spécialistes», assure la même source qui précise qu’à Rabat les tarifs, hors restauration, varient entre 1 300 DH pour une chambre double et 1 800 DH pour une chambre individuelle, tandis qu’à Meknès le tarif est de 550 DH. «Nos tarifs sont les mêmes que ceux qui sont pratiqués par les confrères», déclare, de son côté, le responsable de l’entreprise familiale, précitée. Cette résidence casablancaise, un immeuble de quatre étages muni d’un ascenseur et dont le rez-de-chaussée est réservé aux personnes à besoins spécifiques, est constituée de 300 chambres de 14 et de 20 mètres carrés, disposant toutes de toilettes et de salle de bain individuelles : «Nous avons également une salle de conférences, plusieurs salles d’étude, des salles de sport et une piscine. Ces deux dernières sont en option et ne sont pas comprises dans le loyer». Mais quid de la mixité ?
Un responsable témoigne : «Nous accueillons aussi bien les filles que les garçons, mais il y une séparation totale. Il existe, en effet, une aile pour les garçons et une aile pour les filles», précise-t-il tout en indiquant qu’il dispose de plusieurs atouts : la cité est située dans un quartier résidentiel, l’Oasis, à proximité du campus sis sur la route d’El-Jadida, du centre-ville et de la gare.
Cela dit, les tarifs pratiqués dans les cités universitaires privées sont de loin supérieurs à ceux du secteur public où les étudiants payent 40 DH par mois.
Des incitations fiscalesà partir de 2008
Si du côté de l’entreprise familiale, le directeur assure qu’il n’a pas eu recours aux incitations fiscales prévues par le gouvernement, car «cela aurait impliqué un partenariat avec l’État et la lourdeur administrative qui s’en suit», en revanche, à Dyar Al Madina, on aurait apprécié davantage de facilitations fiscales : «Nous souhaiterions que le client soit aussi exonéré, ce qui nous permettrait de développer davantage de cités». Pour intéresser le secteur privé, le gouvernement a mis en place toute une batterie d’incitations fiscales au profit des promoteurs immobiliers qui investissent dans «des constructions de cités, résidences et campus universitaires».
Selon la Direction générale des impôts (DGI), la loi prévoit trois types de facilitations concernant, en l’occurrence, l’impôt sur le revenu (IR), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la taxe professionnelle. Concernant le premier point, la DGI précise que «les établissements d’enseignement privé ou de formation professionnelle bénéficient de l’application du taux réduit de 17,5% au titre de l’impôt sur les sociétés et de 20% au titre de l’impôt sur le revenu pendant les cinq premiers exercices consécutifs suivant la date du début de leur exploitation». Sont exonérées de TVA, les constructions de cités, résidences et campus universitaires réalisés par les promoteurs immobiliers pendant une période maximum de trois ans à partir de la date d’autorisation de construire et constitués d’au moins 250 (au lieu de 500) chambres dont la capacité d’hébergement est au maximum de deux lits par chambre à compter du 1er janvier 2008». Enfin, la DGI prévoit concernant la taxe professionnelle, «l’exonération totale permanente au titre de ces taxes, des établissements privés d’enseignement général ou de formation professionnelle, pour les locaux affectés à l’instruction et au logement des élèves».
