Le Matin Eco: Où en est le projet de la cité de l’innovation de Marrakech ?
Abdellatif Miraoui : La cité de l’innovation de Marrakech (CIM) est en phase de création. Le projet a été revu et redimensionné par une commission de professeurs de haut niveau de notre université UCA. Cette commission est bien informée sur les défis et enjeux de la valorisation de la recherche dans notre pays. Elle a enrichi le projet en affinant la partie technique tout en respectant la modularité et la disponibilité de tous les éléments nécessaire au chercheur dans son activité quotidienne, en particulier les fluides. Le bâtiment sera respectueux de l’environnement avec une priorité aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique et au traitement de certains déchets spécifiques. A l’heure actuelle, les plans sont validés et l’autorisation de construire accordée, les appels d’offres pour les bureaux d’étude et bureau de contrôle ont été lancés et nous espérons lancer les appels d’offres pour la construction au mois d’octobre prochain. Un comité de pilotage, constitué du ministère des Finances, ministère de l’Industrie du Commerce et des nouvelles technologies, notre ministère de tutelle et notre université, est chargé de définir les orientations stratégiques du projet en attendant la mise en place des statuts. Il passera ensuite le relai au conseil d’administration de la cité de l’innovation. Quatre axes de recherche prioritaires ont également été identifiés: énergie, eau et développement durable; nouvelles technologies appliquées à l’agr alimentaire et au tourisme ; matériaux et mobilité urbaine. Les partenariats de la CIM seront établis autour de ces thématiques aussi bien pour les prestations de service, la formation continue que pour les contrats de R&D.
Quel financement pour votre projet ?
L’essentiel de l’investissement est fourni par notre Université. ll se monte à 50 millions de DH sans compter le terrain. Cette somme sera consacrée à la construction des locaux dont la superficie prévue avoisine les 10.000 m2. Notre ministère de tutelle contribue à hauteur de 15 millions de DH. Idem pour le département de l’Industrie. Ces deux contributions serviront aux achats d’équipements et aux premiers recrutements RH de la CIM.
Quel est le modèle économique de votre cité de l’innovation?
Le business plan de la CIM prévoit dès la première année de fonctionnement le recrutement progressif d’une vingtaine de personnes, ainsi qu’un budget de fonctionnement annuel qui avoisine les 3 millions de DH. Plusieurs recettes potentielles sont prévues : location d’espaces entreprises et de centres d’affaires et de conférences, formation continue, analyses, essais et caractérisations, gestion de la production intellectuelle, mise à disposition de matériel, contrats nets de collaboration/prestation R&D.
Les premiers projets seront lancés dès l’adoption des statuts de la CIM par les membres fondateurs. Signalons également que l’UCA dispose d’équipements lourds mutualisés installés au niveau du centre d’analyse et de caractérisation - CAC - de l’UCA. Ce centre servira de plateforme de démarrage de la cité de l’innovation dès la rentrée prochaine. Il abrite également l’incubateur et pourra héberger les premiers projets R&D financés dans le cadre de la CIM.
Comme se décline le soutien de l’Etat ?
Notre tutelle et le ministère de l’Industrie, du Commerce et des nouvelles technologies ont apporté un soutien initial, d’autres soutiens existent surtout pour l’entrepreneuriat : pour l’incubation, le Réseau marocain d’incubation et d’essaimage (RMIE) permet de financer chaque projet incubé à hauteur de 230.000 DH. En outre, les fonds Intilak et Tatwir permettent d’accompagner les porteurs de projets innovants dans la concrétisation de leur projet directement sur le terrain.
Quels genres de problèmes rencontrez-vous ?
Le principal problème rencontré par la CIM est le retard de création de la société de valorisation qui permettra d’améliorer la souplesse de gestion des contrats de recherche et autres prestations à l’instar de ce qui se passe au niveau des grandes universités internationales. La loi prévoit la création de ce type de société au sein de nos universités, mais à ce jour aucune n’a pu disposer de cet outil qui permettrait de donner un nouvel élan au partenariat université-entreprise en améliorant les délais d’acquisition des équipements et l’indemnisation des chercheurs et enseignants dans de meilleures conditions.
Parmi les objectifs tracés figure le rapprochement Entreprise-Université. Quels sont vos projets à ce niveau ?
Notre université possède plusieurs partenariats historiques avec son environnement socio-économiques en particulier avec l’OCP, Managem et Cosumar. La cité de l’innovation permettra de donner plus de visibilité aux compétences en R&D au sein de notre université puisqu’elle hébergera les centres de recherche qui fédéreront plusieurs laboratoires tout en mettant en valeur leurs principaux résultats. Cette visibilité de la recherche au sein de la CIM rendra accessibles ces résultats aux industriels intéressés. La CIM hébergera également des plateformes regroupant des équipements lourds susceptibles d’intéresser les industriels. Une partie de ces équipements est dores et déjà accessible au sein du Centre d’Analyse et de Caractérisation et du Centre National d’Etude et de Recherche sur l’Eau et l’Energie –CNEREE-. Des prestations pourront être réalisées au bénéfice des industriels dès que les statuts de la CIM seront validés.
En outre, deux projets hébergés au sein de l’incubateur ont débouché sur la création d’entreprises au cours de l’année écoulée: Biodech qui commercialise du composte de haute qualité à partir des écumes des betteraves en partenariat avec Cosumar et la Société Fire spécialisée dans les fours solaires à fort rendement de réutilisation. D’autres sociétés verront le jour cette année.
Quelle est la prochaine étape ?
Dès la validation des statuts de la CIM que nous espérons pour la rentrée prochaine, nous pourrons démarrer les différentes activités prévues par la cité au niveau du CAC : prestation de services et ouverture de l’incubation à d’autres projets innovants. Nous pourrons également lancer les premiers appels à projets R&D. Pour mener à bien ces activités, il sera bien entendu nécessaire de procéder à quelques recrutements de personnel. En parallèle, il faudra lancer l’acquisition d’autres équipements et démarrer le chantier de construction de la CIM. Nous prévoyons également le lancement d’appels à projets pour la création des centres de recherche possédant une masse critique de chercheurs de qualité. Tous les ingrédients seront ainsi réunis pour faire de la cité de l’innovation un haut lieu de création de la richesse à partir de la matière grise disponible au niveau de notre université et largement sous exploitée.
