Une clinique de chirurgie dentaire, basée à Casablanca, assure que : «Tout est mis en place pour faciliter la préparation de votre séjour, qu’il s’agisse de transfert ou d’hébergement. Notre direction est à votre service pour vous aider dans l’organisation de votre voyage sans omettre de vous faire partager tous les plaisirs de la culture culinaire festive du Maroc, sous une température clémente et un ciel bleu et ensoleillé ! » Ainsi donc, cet établissement médical, et bien d’autres, s’adressent explicitement à une clientèle étrangère à qui il est proposé des prestations alliant bistouri et soleil. Cette tendance qui semble prendre de l’ampleur au Maroc porte un nom : le tourisme médical qui passe essentiellement par la toile.
Les projets en cours
Face à cet engouement pour un pays déjà célèbre pour son attrait touristique, la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT), organisme public qui contribue à l’élaboration de la nouvelle stratégie Vision 2020 du tourisme, a inclus tout récemment dans son agenda un programme pour le développement du tourisme médical. Encore en cours d’élaboration, ce programme porte sur «les Affaires, la Santé et le Bien-être» considérés comme niche à forte valeur ajoutée. «Ce programme vise à faire du Maroc une nouvelle destination internationale du bien-être et de la santé. Il s’agit de capter un touriste d’affaires et de prolonger son séjour à travers l’organisation en synergie avec les segments sport, bien-être, animation et culture», est-il précisé sur le site Internet de la SMIT.
«Prolonger le séjour du touriste» tel est le leitmotiv de l’ensemble des professionnels rencontrés pour les besoins de cette enquête. En plus des structures qui allient médecine et séjour d’agrément, plusieurs chantiers sont lancés. Le dernier en date est le partenariat entre la Sothermy, filiale de la CDG Développement et en charge de la gestion des thermes de Moulay Yacoub, et le groupe français Vichy pour la modernisation des thermes nécessitant un investissement de 400 millions de DH (voir l’article consacré aux thermes de Moulay Yaâcoub).
40 millions de dollars pour le Marrakech Healthcare City
Déjà première destination touristique du Royaume, l’offre de la ville ocre vient de se diversifier avec le lancement, en décembre dernier, du projet intitulé Marrakech Healthcare City pour lequel 40 millions de dollars US ont été mobilisés. Marrakech Healthcare City sera décliné sous forme d’un complexe de villégiature médicale comprenant un hôpital de 160 lits où différentes spécialités seront assurées, d’un hôtel de luxe de 40 chambres, et d’un complexe résidentiel de 56 appartements dont la surface varie de 120 m2 à 145 m2. La livraison est attendue en 2014. De son côté, la capitale économique du pays ambitionne de s’ériger en destination de tourisme médical en plus de celui des affaires qui s’y pratique déjà». À cet effet, le professeur Zemmouri Mohammed Saâd, spécialiste en parodontie et implantologie orale, a signé, en mars 2006, contrat de partenariat avec le groupe portugais Malo Group. «Ce partenariat porte sur la création d’un centre intégré comportant une clinique medico-chirurgicale pluridisciplinaire, un spa médicalisé, 220 villas résidentielles, un centre de formation continue post universitaire, un centre de recherche et un hôtel 5 étoiles», a déclaré au Matin Zemmouri Mohammed Saâd. Ce complexe médicotouristique est développé par le Groupe Palmeraie Développement au sein du resort de luxe appelé «Les Jardins de l’océan» à Dar Bouazza pour un investissement total de 280 millions de DH dont «108 millions de DH pour la réalisation de la seule clinique», précise le chirurgien dentiste.
Aux petits soins des touristes
Si, au Maroc, la tradition de la chirurgie esthétique remonte aux années 50, cette discipline est actuellement dispensée par 80 plasticiens exerçant dans dix cliniques spécialisées. Selon Oxford Business Group, près de 15% des quelque 14 500 opérations de chirurgie esthétique qui ont lieu chaque année au Maroc sont effectuées sur des patients étrangers dont 75% sont des femmes. «Le Maroc attire de plus en plus d’étrangers vu sa stabilité politique, la proximité avec l’Europe et surtout en raison des couts compétitifs et la compétence avérée de ses chirurgiens. Ils viennent ici pour joindre l’utile à l’agréable» témoigne dans sa clinique casablancaise de chirurgie esthétique le Professeur Kamel Iraqi Housseini qui a présidé durant deux mandats la société marocaine de chirurgie esthétique. Dans cette clinique, composée de deux blocs opératoires et de quatre chambres d’hôpital, un lifting coûte entre 10 000 à 20 000 DH, une liposuccion entre 10 000 à 20 000 DH. La réduction ou l’augmentation des seins est facturée entre 15 000 à 25 000 DH alors qu’une injection de botox varie de 2 000 à 4 000 DH. «Les tarifs changent aussi selon la notoriété du médecin» estime le Professeur Salaheddine Slaoui, chirurgien plastic et directeur de la clinique du même nom basée à Rabat (voir l’entretien). Ce dernier n’hésite pas à parler de «spécificité marocaine» qu’est la plastie abdominale ou abdominoplastie. Les actes chirurgicaux plastics les plus demandés aussi bien par la clientèle nationale qu’étrangère sont l’augmentation ou la réduction mammaire dont le coût varie de
20 000 à 30 000 DH, la rhinoplastie pratiquée entre 5 000 à 20 000 DH, la greffe de cheveux facturée entre
10 000 à 20 000 DH.
Jusqu’à 50% moins cher qu’en Europe
En plus des infrastructures haut de gamme et la compétence des chirurgiens marocains, le prix est aussi un atout de taille. Un magazine français note à ce propos : «Au Maroc, il vous coutera en moyenne 1 600 euros une blépharoplastie (réparation des paupières) contre 3 000 euros en France».
Si l’augmentation de patients étrangers, essentiellement Européens, Subsaharienne et Algériens, qui viennent pour la chirurgie plastique et dentaire, est confirmée, il reste cependant malaisé d’établir une approximation du chiffre d’affaires de cette niche.
Un secteur éclaté
«Je ne peux vous dire combien d’étrangers viennent pour des soins au Maroc, ça varie d’un médecin à autre», témoigne Kamel Iraqi Housseini. Ce constat est partagé par son confrère Mohamed Saad Zemmouri qui atteste que : «Il est important de rappeler que le tourisme médical reste embryonnaire, car les praticiens qui sont impliqués dans ce domaine travaillent de manière individuelle et éparse. Il est nécessaire de mettre en place un plan pour le afin de lancer une politique de promotion de la destination Maroc». Si ce dernier donne comme exemple l’expérience thaïlandaise, il reste que le premier concurrent du Maroc est la Tunisie qui pratique des tarifs encore plus bas que ceux facturés Maroc. À titre d’illustration, une clinique de chirurgie esthétique tunisienne affiche sur son site Internet une liste comparative de ses tarifs et ceux pratiqués au Maroc où la différence est plus qu’évidente. Histoire de dire aux patients étrangers, n’allez pas au Maroc. Mais là n’est pas le seul écueil sur lequel bute le tourisme médical marocain : «Les médecins étrangers refusent d’assurer le suivi de leurs patients une fois de retour dans leur pays d’origine, car ils n’acceptent pas que leurs patients se fassent soigner à l’étranger. Pour eux c’est un manque à gagner», affirme le docteur Kamel Iraqi Housseini. Cet avis est partagé par le docteur Salaheddine Slaoui qui parle de «manquement à l’éthique et à la déontologie» (voir l’entretien).
Tour-opérateurs et médecins : confusion des rôles ?
«La Tunisie a pris de l’avance, car elle a industrialisé son tourisme médical il y a de cela une dizaine d’années en jouant sur les interventions discount. Au Maroc on ne propose pas les mêmes tarifs qu’en Tunisie, car on ne prend pas les mêmes risques qu’en Tunisie où il ya eu des cas de complication.
Au Maroc nous ne sommes pas dans une logique de prix, mais dans une logique de qualité. En Tunisie il y même des cliniques installées dans des zones franches où il n’y a aucun impôt à payer» atteste pour sa part Othmane Ghorfi, directeur de Medicadviser, portail dédié au séjour médical et qui existe depuis septembre 2012. Mais une interrogation s’impose : le fait qu’un intermédiaire, donc non-médecin, s’interpose entre un patient et son praticien peut-il provoquer des appréhensions de la part de ce dernier ? À cette question, Othmane Ghorfi répond : «L’intermédiation peut effectivement freiner les patients. Mais où là où nous sommes novateurs c’est que nos médecins sont mis en avant. Sur le site, chaque médecin a une fiche de présentation, ses vidéos…» Et de préciser que lorsque la personne est à l’étranger, nous mettons en contact le patient et son médecin via des visioconférences. «Depuis le mois d’octobre, j’ai reçu 50 demandes venues de l’étranger majoritairement pour des problèmes d’obésité». Enfin, il ressort que les compétences sont réelles au Maroc, que les soins qui y sont prodigués sont de qualité internationale… mais il reste à mettre en synergie ces potentiels. Pour la bonne santé du tourisme médical.
