Les viandes rouges marocaines seront bientôt exportées. Le contrat-programme qui sera signé lors du Salon international des viandes rouges (5-7 décembre prochain à Casablanca) entre l’Etat et la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges (FIVR) devrait prévoir des mesures d’incitation pour encourager les opérateurs de la filière à exporter leurs produits. Selon Hammou Ohelli, président de la FIVR, l’export est envisageable, mais doit d’abord passer par des abattoirs agréés par l’ONSSA (Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires) et aussi par des commissions de l’Union européenne. «Or, malheureusement au Maroc, seul un abattoir communal et un privé le sont par le ministère de l’Agriculture. C’est vous dire le chemin à faire. Autrement, nous produisons un bétail de qualité, souvent naturel et facilement certifiable bio donc prisé à l’export», décrypte-il.
Si la filière peine à s’imposer à l’export, c’est que l’aval de la chaîne rencontre encore des difficultés structurelles. De fait, l’industrie de la transformation est très faiblement développée avec à peine 11 unités de découpe agréées, 13 charcuteries et seulement 16 boyauderies agréées à l’export vers le marché UE. Et en amont, les lacunes sont également légions : morcellement du tissu de production avec une grosse part des petites exploitations à très faible productivité, circuit de commercialisation très traditionnel (vente des animaux en souks avec une présence importante de spéculateurs impactant les prix) et faible cadre sanitaire assorti d’un manque de traçabilité. «Il s’agit là de données réelles que nous essayons de dépasser. Historiquement, la filière des viandes rouges a été délaissée au profit d’autres productions. Le Plan Maroc Vert est venu justement rattraper cette lacune», déclare au Matin Eco Ohelli. Pour lui, même petits, les éleveurs sont professionnels, mais il leur manquerait le soutien et l’organisation. «Actuellement, ils adhèrent en masse au programme d’’insémination artificielle pour améliorer la productivité du cheptel sous l’impulsion des subventions de l’Etat pour les bovins. De même, l’amélioration génétique progresse beaucoup pour les ovins et caprins. Le progrès au niveau de la production est indéniable grâce à l’amélioration de la génétique, de la santé animale et une meilleure gestion nutritionnelle», assure le président de la FIVR.
25 millions de têtes
Selon les données de l’Agriculture, le Maroc dispose d’un cheptel de plus de 25 millions de têtes dont 2/3 d’ovins. La filière crée chaque année 1,8 million d’emplois et pèse, en moyenne annuelle, 20 milliards de dirhams de chiffre d’affaires. Les 179 abattoirs municipaux et 674 tueries rurales produisent à peu près 425.000 tonnes de viandes rouges par an avec une croissance annuelle estimée à 2,5%. Un volume qui devrait frôler, selon les prévisions de l’Agriculture, quelque 450.000 tonnes en 2014. L’activité abattage et le transport de viandes rouges connaissent également des difficultés structurelles.
D’abord, le monopole des chevillards et des abattoirs municipaux. Ensuite, la forte régionalisation en raison de l’interdiction de transport des viandes. Conclusion, la modernisation de toute la filière devient plus qu’urgente. La recette selon Ouhelli : «une modernisation de tout le secteur via la mise à niveau des abattoirs et le remplacement progressif des lieux d’abattage vétustes et non conformes par des structures répondant aux normes d’hygiène et respectant l’environnement».
Pour le président de la FIVR, il va falloir traiter l’abattage comme une activité industrielle à gérer par des investisseurs privés ou via concession, quand la commune est propriétaire de l’abattoir. «Et lorsque les abattoirs sont modernes, ils ouvrent plusieurs perspectives», développe-t-il. Exemple : le froid sur toute la chaine qui permet non seulement l’assurance de la qualité et la salubrité des produits, mais également la création des emplois liés à l’ingénierie du froid. «En plus, les opérateurs travaillent dans des conditions dignes. La viande issue de ces installations permet de concocter des plats cuisinés de haute valeur ajoutée et pouvant être facilement exportables», analyse la Fédération.
Pour moderniser l’abattage, le Maroc autorise désormais les investissements dans le cadre de projets d’agrégation viandes et fermes productivistes. Intéressant, oui mais cela nécessite des paramétrages d’accompagnement. «Le Maroc autorise les investissements dans les secteurs de grandes fermes d’engraissement (Feed Lot) dans les abattoirs et même l’Etat les subventionnent à hauteur de 10%. Ce que nous demandons c’est qu’après ces investissements lourds les autorités ferment en parallèle les établissements non conformes qui sont à proximité», revendique Ohelli.
Notons que le contrat programme à signer prochainement concerne notamment l’amélioration de l’alimentation, de la génétique (suite à la réussite du précédent contrat dans ce domaine), la modernisation de la commercialisation du bétail et des viandes ainsi que l’amélioration des conditions d’abattage. «A la lumière de ce cadre contractuel, nous, professionnels, poursuivrons nos efforts d’investissement dans le secteur», affirme le président de la Fédération.
La viande rouge trop chère ?
La viande rouge demeure encore un produit cher au Maroc. Cette denrée est consommée pour les deux quarts dans les occasions festives, selon une analyse d’Ernst & Young, alors que le pays recèle un potentiel important. Du coup, les prix devraient normalement être à la portée des faibles revenus. Un constat que contredit Ohelli. A l’en croire, grâce aux efforts fournis par les intervenants dans la filière, la viande rouge garde les mêmes prix depuis plusieurs années et ce malgré l’inflation et la flambée des prix des aliments de bétail. «Bien entendu, il y a des moments où la demande est forte en particulier en été hors mois de Ramadan pendant lequel les prix restent bas. Je vous rappelle aussi que la quasi-totalité des viandes rouges consommées sont de production nationale, indique Ohelli. Nous maintenons nos efforts pour stabiliser les prix, voire les réduire pour augmenter la moyenne de consommation par habitant qui reste en-deçà de la moyenne internationale».
