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Encore du chemin à faire

La publication des chiffres annuels de la bancassurance par la Direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale est une occasion d’effectuer un état des lieux de cette activité et d’esquisser les grandes lignes de son évolution.

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Un démarrage difficile

La bancassurance a fait son apparition, à la fin des années 1980, grâce à quelques banquiers et assureurs pionniers qui ont réussi à l’imposer comme une réalité. Rappelons qu’à l’époque, elle n’était encadrée par aucun texte de loi. Les banques n’étant pas habilitées à distribuer des produits d’assurances contournait cette vacance juridique en passant par les bureaux directs des compagnies d’assurances pour servir leur clientèle. Il a fallu attendre l’année 2003 et l’entrée en vigueur du code des assurances pour lui reconnaître l’existence, en la limitant toutefois aux assurances de personnes. La bancassurance peut être définie comme étant un partenariat entre un établissement de crédit et un organisme d’assurances. Le premier met à la disposition son réseau de distribution et sa clientèle (en contrepartie d’une commission sur les primes et/ou les encours) et le second fournit sa gamme de produits et son expertise technique. Ce partenariat peut être capitalistique (Groupe Attijariwafa bank, Groupe BMCE, Société Générale) ou sous forme d’accord de distribution (BMCI, Banque Populaire,...).

Etat des lieux en 2012

Dans son dernier rapport sur la bancassurance au Maroc, la DAPS fait état d’une activité générant un encaissement de primes ayant dépassé pour la première fois cette année, la barre symbolique des 5 milliards de dirhams, à 5,8 milliards. Elle affiche ainsi une croissance par rapport à l’année 2011 de presque un milliard de dirhams (925 millions en valeur) et de 18,9 en pourcentage. Le premier phénomène qui frappe le lecteur des chiffres de ce rapport est la persistance de la très forte focalisation de l’activité sur les assurances vie - capitalisation (92,1% des primes en 2012 et 91,4% en 2011). Cette forte concentration s’explique par deux facteurs majeures. D’abord, la proximité des assurances vie, du point de vue technique, du métier traditionnel de banquier. Les produits d’épargne sont en général vendus à l’ouverture de comptes bancaires et les couvertures en décès sont adossées aux crédits consommation et habitat ; et la second explication réside dans le fait qu’une partie des Dépôts à Terme est convertie par certaines banques en produits d’épargne capitalisation pour permettre à leur filiale assurance d’améliorer leur CA et, par conséquent, leur classement.
En 2012, les assurances vie et capitalisation distribuées via les réseaux bancaires se sont montées à 5,4 milliards de dirhams, en progression de 19,8% sur l’année 2011.

Les assurances maladie et les assurances contre les accidents corporels sont, en revanche, très faiblement développées avec un CA de 40 MDH (contre 39 MDH en 2011). Ces branches recèlent un fort potentiel de croissance, pour peu que les processus de remboursement entre les banques et les assurances soient plus fluides et plus diligents, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, car il s’agit de métiers à caractère indemnitaire loin des métiers classiques de banque. L’encaissement de primes de toute la bancassurance dans ces branches est, hélas, inférieur à celui d’un cabinet de courtage de taille moyenne ! Ceci montre que les banques sont loin de concurrencer les réseaux traditionnels des assureurs (agences et courtage) dans des activités autres que la vie.

L’analyse des chiffres de la bancassurance par acteur montre que le Groupe Attijariwafa bank se maintient toujours en tête du classement avec une part de marché de 38,7% (contre 40,4% en 2011), loin devant le Groupe BMCE avec une part de marché de 27,8% (contre 25,7% en 2011) et le Groupe Banques Populaires avec une part de marché de 15,4% (contre 17,3% en 2011).
En termes de rendement par agence, les réalisations sont très disparates et montrent des écarts de performance entre un premier groupe formé d’Attijariwafa bank (AWB), BMCE (BCE) et du Crédit du Maroc (CDM) et un deuxième groupe aux résultats moins bons constitué du Groupe Banques Populaires (CPM), d’Al-Barid Bank (ABB), du Crédit Agricole (CAM), de la BMCI (BCI), de la SGMB et du CIH. Par rendement par agence, nous entendons la comparaison entre la part de marché en primes et celle en nombre d’agences. Le tableau ci-dessous en fournit le détail par banque en 2012. En termes de rémunération, l’étude du ministère des Finances montre également de fortes disparités entre les banques. (Voir le tableau sur les primes, les commissions et les taux de commissions par banque en 2012).
Ainsi sur les trois premières banques en terme de classement, le groupe Banques Populaires arrive à peine à dégager un taux de commission supérieur à la moyenne. Pour AWB et la BMCE, la faiblesse des taux de rémunération s’explique par la prédominance dans leur CA des produits de capitalisation (conversion des DAT) aux commissions relativement faibles.

Enjeux et perspectives

La distribution par les banques des produits d’assurances est une véritable «success story» au Maroc. Elle a permis, non seulement de promouvoir l’assurance vie grâce à l’étendu du réseau bancaire (plus de 5.000 agences en 2012), mais de drainer efficacement l’épargne privée et l’orienter vers les différents compartiments du marché financier.
Cette réussite a été rendue possible grâce aux éléments suivants :

• Enrichissement de l’offre qui s’étend désormais à la retraite, à l’épargne éducation, à l’épargne pure, aux assurances contre le décès (surtout celles adossées aux crédits), aux accidents de la vie courante et à la santé individuelle.

• Attractivité des taux de rendement de ces produits par rapport à d’autres placements,

• Avantages fiscaux encourageants : abattement de 40% après une détention de 8 ans d’un produit d’assurance vie.

• Extension des réseaux bancaires, le nombre d’agences bancaires a plus que doublé, passant de 2.826 en 2006 à 5.819 en 2012.

• Augmentation du taux de bancarisation des Marocains à 50% contre moins de 25% il y a quelques années à peine, ce qui a ouvert un champ additionnel au développement de la bancassurance

• Développement du savoir-faire managérial aussi bien en termes de conception de nouveaux produits, d’animation, de formation que de pilotage de l’activité.

• Intégration de la culture des produits d’assurances auprès des réseaux bancaires et mise en place de système d’intéressement généreux au profit des conseillers de clientèle pour la vente de tels produits.
Toutefois, trois défis nous semblent devoir être relevés par les bancassureurs marocains pour asseoir cette activité sur des bases saines.

• Tout d’abord, il y a lieu de régler le problème de la profitabilité de cette activité pour les assureurs. En effet, la bancassurance fortement concentrée sur la branche vie - capitalisation dégage de très faibles marges pour les compagnies, même si elle leur permet d’augmenter leurs primes et d’améliorer leur classement dans le secteur.

• L’autre enjeu est la faible pénétration de la bancassurance auprès des clients entreprises. Pour l’instant, c’est une activité qui se vend essentiellement dans les guichets bancaires à des clients particuliers. Les banques et les assurances n’ont toujours pas trouvé un bon mode opératoire pour étendre leur synergie au segment Corporate.

• La diversification des produits et la déconcentration des portefeuilles est également un autre défi à relever, notamment par la promotion de la santé individuelle et des garanties contre les accidents de la vie.

• Enfin, les trois premiers bancassureurs marocains (AWB, CPM et BMCE) exportent très mal leur modèle dans la région, en dépit d’une présence très soutenue à l’international.

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