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Quel sort pour la nouvelle réglementation thermique ?

Quelques mois seulement nous séparent de l’entrée en vigueur de la réglementation thermique dans le bâtiment.
Si les professionnels des matériaux de construction affirment être prêts pour son application, les promoteurs immobiliers, eux, se soucient de l’incidence sur leurs coûts de production. Pour les architectes, il s’agirait de simples réflexes à intégrer dans leur démarche de conception. Décryptage.

Quel sort pour la nouvelle réglementation thermique ?
Si elle est appliquée à la lettre, la RT devrait permettre la réduction de 39 à 64% les besoins thermiques de chauffage et de climatisation des bâtiments résidentiels. b Ph. DR

Le compte à rebours a commencé pour l’application de la réglementation thermique dans le bâtiment. Dans une déclaration au «Matin éco», l’Agence nationale pour le développement de l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables (Aderee) affirme que ce nouvel arsenal juridique entrera en vigueur en 2015. Plus donc que quelques mois pour que toute la chaîne de valeur de la construction bascule vers une nouvelle façon de bâtir.
Que va-t-il changer ? Selon Saïd Mouline, directeur général de l’Aderee, chaque permis de construire d’un nouveau bâtiment devra désormais tenir compte des performances thermiques, fixées par le décret d’application de la réglementation thermique.

Certificat de conformité

Concrètement, l’autorisation de construire d’un nouveau bâtiment sera obligatoirement conditionnée à la délivrance d’un certificat de conformité à la règlementation thermique (RT). «Nous avons entamé la dernière phase dédiée à la diffusion des outils et logiciels de vérification technique de la réglementation et des supports de sensibilisation, avec le lancement cette année de campagnes régionales et nationales auprès des professionnels, architectes, agences urbaines, communes, etc.» nous confie Mouline.
Pour l’Aderee, la situation est intenable : le bâtiment est le premier consommateur d’énergie du pays avec une part de 36%, dont 29% pour le résidentiel et le reste pour le tertiaire. «Cette consommation énergétique est appelée à augmenter rapidement dans les années futures eu égard à l’évolution importante du parc de bâtiments», affirme l’Agence.

Pour stopper l’hémorragie, l’État veut réaliser une économie d’énergie primaire d’environ 12 à 15% à l’horizon 2020 à travers évidemment la mise en place du fameux plan d’efficacité énergétique dans différents secteurs économiques, dont le bâtiment. «La réglementation thermique appartient à une nouvelle génération de réglementation thermique alliant l’approche de performance thermique et énergétique du bâtiment à l’approche prescriptive (prescriptions techniques minimales). Ses textes de forme pratique offrent une facilité et une simplicité d’application», font valoir les experts de l’Aderee. Cette dernière soutient que si elle est appliquée à la lettre, la RT devrait permettre la réduction de 39 à 64% les besoins thermiques de chauffage et de climatisation des bâtiments résidentiels et de 32 à 73% ceux des bâtiments tertiaires par rapport à la situation actuelle.

Questions essentielles : les opérateurs de la construction sont-ils réellement préparés à ce mini big-bang ? Les promoteurs vont-ils s’y mettre sérieusement ? Les fabricants de matériaux de construction s’aligneront-ils sur les nouvelles exigences de la réglementation thermique ? Autant de questions qui taraudent aussi bien l’esprit des opérateurs de la construction que des architectes. Pour Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), le secteur de la promotion immobilière n’est pas du tout préparé à l’application de la nouvelle réglementation. Son argument : «il n’y a pas eu suffisamment de campagnes de sensibilisation et de communication autour de cette réglementation auprès de la profession». Ce qui inquiète le patron de la FNPI, c’est que jusqu’à présent, la profession est incapable de calculer l’incidence de l’application de la nouvelle réglementation sur les coûts de production. «Naturellement, à chaque fois qu’il y a de nouvelles normes, il y a forcément des surcoûts.
À combien s’élèvent-ils ? Nous ne pouvons pas sincèrement les évaluer pour le moment. En plus, nous n’avons pas été associés au processus d’élaboration pour être bien au fait du dossier», claironne Ibn Mansour.

Au sein de la corporation des matériaux de construction, l’on jure que le secteur est bien préparé. «Les opérateurs sont prêts à l’application de la réglementation thermique», confirme David Tolédano, président de la Fédération marocaine des matériaux de construction (FMC). Tolédano affirme ne pas parler dans le vide : «la FMC a signé dernièrement une convention avec Masen (Agence marocaine de l’énergie solaire, NDLR) pour la mise en place d’un cluster qui va en effet favoriser la création d’entreprises ou d’unités de production spécialisées dans la production de plusieurs produits dans le secteur de la construction conformes aux exigences de la nouvelle réglementation thermique».

Plus de 50% des matériaux de construction feraient déjà l’affaire

Pour le patron de la FMC, la profession pourra adapter son processus de production sereinement aux normes qu’impose la RT dans le secteur de la construction. «Nous faisons actuellement tout pour que non seulement la profession puisse assurer la disponibilité de matériaux conformes aux nouvelles normes, mais pour qu’elle soit entièrement préparée à l’application de la réglementation thermique», fait-il valoir. À l’en croire, la corporation assure déjà plus de 50% de matériaux qui peuvent facilement répondre aux exigences de la RT. «Je pense que ce qui est important, c’est la façon de faire. C’est-à-dire être en mesure de répondre à tous types de coefficient d’isolation thermique en fonction bien sûr du zonage climatique», explique Tolédano. L’opérateur souligne que plusieurs entreprises du secteur se sont lancées bien avant dans la fabrication des doubles cloisons vitrées qui répondent à la RT. «Donc, le basculement vers la RT ne leur posera aucun problème», lance-t-il. Seul bémol, selon lui, il va falloir veiller à la bonne applicabilité de la réglementation. «Une réglementation ne vaut rien sans un contrôle rigoureux et un suivi permanent», insiste Tolédano.

Le logement économique et social disqualifié ?

Mais qu’en pensent les architectes ? Pour Anouar Arradi, architecte membre du Conseil régional des architectes de Rabat, l’application de la réglementation thermique devrait être compliquée surtout dans le logement économique et social. «Le logement économique à 140.000 dirhams est par définition constitué à la livraison de murs et de la peinture en plus de la porte principale et celle de la salle de bain. Cela veut dire qu’avec 140.000 DH, le promoteur ne peut même pas envisager un revêtement supplémentaire.
Donc, inutile de parler d’efficacité énergétique dans ce genre de bâtiment qui induit l’isolation thermique, le chauffage en groupe ou l’eau chaude par panneau solaire. C’est quasi impossible !» tranche Arradi. Et dans le moyen standing ? Notre architecte affirme que dans cette catégorie de logement même à 7.000 dirhams le m2, le promoteur ne pourra pas respecter à la lettre la réglementation thermique, auquel cas il sera obligé de demander des subventions spéciales de l’État. «Je pense que ceux qui peuvent le faire sans douleur, ce sont les promoteurs spécialisés dans le haut standing qui doit normalement prendre en considération la dimension de l’efficacité énergétique.

Et puis, il faut noter que l’État et les promoteurs immobiliers du haut standing n’arrivent toujours pas à sortir une vraie classification de ce qu’est un logement haut standing. Malgré cela, on peut quand même avancer que le haut standing est le seul segment où peut le promoteur peut appliquer à la lettre la réglementation thermique sans pour autant impacter négativement ses profits», détaille Arradi. Sa conclusion : la mise en œuvre de la réglementation thermique n’est pas réalisable dans le logement économique encore moins dans le social et le moyen standing, en tout cas «sans que l’État ne mette la main à la poche».

Certification HQE pour les architectes

Les architectes sont-ils préparés à son application ? «Pour les architectes, il s’agit plutôt de simples réflexes à intégrer dans leur démarche de conception. Toutefois, je dois préciser que ceux qui ne font que le R+2, le social et l’économique auront quelques difficultés. Mais cela ne leur est pas impossible. Par contre, là où il y a vraiment problème au Maroc, c’est la rareté de bureaux spécialisés dans la certification HQE – Haute qualité environnementale –», précise Arradi. Sa recommandation : favoriser l’installation de cabinets spécialisés pour que les architectes puissent décrocher la certification HQE».


Le marché de l’autoconstruction suivra-t-il ?

Pour plusieurs spécialistes, la réglementation thermique aura du mal à s’appliquer à l’autoconstruction. Pourtant, c’est un marché qui pèse lourd dans le secteur de la promotion immobilière. Selon les statistiques du ministère de l’Habitat et de l’urbanisme, l’autoconstruction représente plus de 50% du secteur. «Dans le marché de l’autoconstruction, il serait difficile de faire appliquer la RT pour les R+2 et R+3. Car l’expérience a montré que les développeurs de ces logements font le minimum requis faute de moyens financiers. Du coup, ils ne pourront supporter les surcoûts induits par la RT», indique un promoteur.
Pour Anouar Arradi, architecte membre du Conseil régional des architectes de Rabat, il ne faut pas oublier une grande problématique qui ronge ce secteur : «la majorité des autoconstructeurs est à la merci des techniciens des communes qui les dirigent vers des architectes peu scrupuleux.
C’est l’un des plus grands maux de ce marché». Pour faire respecter la réglementation thermique, estime-t-il, il va falloir d’abord combattre les pratiques de certains techniciens et pourquoi pas leur ôter la prérogative de signer les plans ou au moins contrôler régulièrement leur travail. «À partir de là, l’on peut passer à la réglementation thermique et veiller à sa bonne applicabilité. Il va falloir aussi prévoir des subventions. Car comment veut-on qu’un autoconstructeur qui n’arrive même pas à revêtir les murs de sa maison achète un panneau solaire ou un matériel pour la double isolation ? C’est irréaliste !» assène notre architecte.
Le problème devrait également se poser pour les projets immobiliers déjà existants. Des experts affirment que l’application de la RT pour ces bâtiments va coûter encore plus cher. «Cela reviendrait plus cher, car il va falloir utiliser des matériaux qui n’existent pas sur le marché local comme les gaines, les produits spécifiques pour l’étanchéité, l’isolation thermique des murs, etc. L’On est donc dans la réhabilitation thermique qui coûte plus cher que la construction à zéro», soutient Ahmed Lakrim, un promoteur immobilier. Un raisonnement que corrobore l’Aderee. L’agence affirme que la RT focalisera essentiellement sur le neuf, du moins dans une première phase. «Bien que la problématique de l’efficacité énergétique dans les bâtiments existants soit très importante compte tenu de l’ampleur du parc au Maroc, la réglementation thermique proposée ne couvre, dans un premier temps, que les bâtiments neufs», souligne l’agence. Les services de Saïd Mouline expliquent que l’intégration, à ce stade, du segment des bâtiments existants dans la réglementation posera un certain nombre de contraintes dont l’importance des surcoûts et la qualification de la main-d’œuvre qui risquent de retarder le lancement de la réglementation. «Toutefois, dans le cadre d’une stratégie intégrée de maîtrise de l’énergie, telle qu’adoptée aujourd’hui par les pouvoirs publics, ce segment pourra être traité à travers les audits énergétiques et la mise en œuvre des mesures d’efficacité énergétique qui en découlent», développe l’Aderee. Dans son plan d’action, les bâtiments existants seront ciblés à travers les audits énergétiques qui seront suivis de mise en œuvre d’actions identifiées.
D’ailleurs, le programme 2011-2014 concerne en particulier des audits énergétiques dans 130 établissements tertiaires qui devraient permettre des économies d’énergie à l’horizon 2020 d’environ 320 ktep (tonnes équivalent pétrole) par an et une réduction de gaz à effet de serre de près de 1,7 MTE CO2/an (millions de tonnes équivalent CO2).


Les principes de la réglementation thermique

La réglementation thermique des bâtiments renferme tout un magma de prescriptions techniques. Selon l’Aderee, ce cadre normatif est venu remplir plusieurs objectifs, dont une réduction des besoins de chauffage et de climatisations des bâtiments, une amélioration du confort des bâtisses non climatisées, la réduction de la puissance des équipements de chauffage et de climatisation à installer et l’incitation des architectes, ingénieurs et maîtres d’ouvrage à utiliser des approches de conception thermique performante de l’enveloppe du bâtiment.
Dans le logement, la réglementation couvrira pratiquement toutes les catégories socio-économiques des bâtiments à savoir l’économique et le standing. La RT comprend par ailleurs une carte de zonage climatique. Celle-ci a défini six zones climatiques, circonscrites en respectant les limites administratives. L’objectif est de faciliter l’application de la réglementation. Les zones sont représentées climatiquement par les villes d’Agadir, Tanger, Fès, Ifrane, Marrakech et Errachidia.
Concrètement, la RT fixe pour les composantes de l’enveloppe du bâtiment des critères de performance dont les niveaux retenus conduiront à réduire les besoins de chauffage et de climatisation, les consommations énergétiques liées à ces postes et la puissance électrique requise pour l’exploitation du bâtiment.
Pour les bâtisses non climatisées, ils réduiront les périodes d’inconfort thermique. Les spécifications techniques minimales des performances thermiques sont exprimées pour chaque zone climatique et chaque type de bâtiment. Les matériaux utilisés dans la construction seront définis en fonction des coefficients thermiques de chaque zone climatique. Selon l’Aderee, l’application de la réglementation thermique devrait permettre des gains allant, selon les zones climatiques définies, de 40 à 65% par rapport à une situation de référence. Si le ménage chauffe et/ou climatise, ces gains se traduiront par des économies sur la consommation d’énergie finale, sinon, ils se traduiront par une amélioration du confort thermique des occupants. Les explications fournies par les services de Saïd Mouline indiquent que le respect des exigences de la réglementation thermique proposée pour les bâtiments résidentiels devrait permettre une réduction significative des besoins thermiques en chaleur et en froid par rapport à une situation de référence. Notons que les gains annuels en chauffage et climatisation varient de 25 kWh/m²/an dans la zone climatique représentée par Agadir à 116 kWhm²/an dans la zone froide représentée par Ifrane. Et compte tenu de la nature générale du climat au Maroc, les gains en chauffage sont en général plus importants que ceux pour la climatisation sauf dans le cas des zones à climat chaud, comme Marrakech et Errachidia.

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