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Licencier pour un motif économique

L'entreprise doit étayer sa demande pour que le motif « économique » soit pris en considération

Licencier pour un motif économique
Bouchaib Serhani, Consultant RH Associé, Gesper Services.

Responsabilités du salarié

Le travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé et son intégrité physique.En contrepartie, il doit se conformer au règlement interne et aux consignes de sécurité et utiliser les équipements de protection collective et individuelle mis à sa disposition.
La non-observation de ces obligations par un salarié dûment informé peut être considérée comme faute grave donnant lieu à un licenciement sans préavis, ni indemnité de licenciement, ni dommages et intérêts. (Art. 293 du code du travail).

Obligations DE L'EMPLOYEUR

L'employeur a une obligation générale : il doit prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés.
- Responsabilité pénale
Elle repose sur le chef d'entreprise ou ses préposés dotés d'une délégation de pouvoir.
Les infractions au Code du travail sont sanctionnées par des peines d'amende qui peuvent être assorties d'une fermeture temporaire de l'établissement.
- Responsabilité civile
L'employeur est civilement responsable des dommages à autrui causés par sa faute ou par la faute des personnes dont il répond.
Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont réparés selon un système d'indemnisation spécial qui prévoit une réparation, non intégrale et forfaitaire.

CONSEILS

VERSION DU SALARIE
Je suis salarié au sein d'une filiale de multinationale spécialisée dans l'industrie.
Récemment les représentants du personnel de la « section x » nous ont réunis pour nous informer que la société va procéder à des licenciements pour raison économique. Suite à notre insistance sur ce qui motive cette future démarche, il nous a été dit que le seul client étranger pour lequel nous travaillons au niveau de cette section a résilié le contrat qui le lie à notre société et par conséquent notre section se retrouvera en chômage technique. Les produits que nous concevons pour ce client lui sont spécifiques et ne sauraient être proposés sur le marché local. Notre employeur avance que le non renouvellement de la convention le liant à ce client étranger va se traduire par la suppression de notre section et par conséquent un licenciement de ses membres pour motif économique. Mon employeur a-t-il ou non le droit de procéder à ce licenciement collectif ?

VERSION DE L'ENTREPRISE
Notre société, filiale d'une multinationale française, développe une activité tournée à 100% vers l'export dont 70% sont assurés pour le compte de notre maison mère et les 30% restants pour un client français qui développe et commercialise ses produits sur le marché français et à l'international.
Aujourd'hui cet unique client, comme nous-mêmes, vivons les conséquences de la crise économique et financière de 2008. Vis-à-vis de ce client nous étions «couverts» par un contrat ferme qui nous assurait des commandes jusqu'à fin juin avec un préavis de trois mois. Nous avions été avertis de la non reconduction de ce contrat au 1er juillet ce qui nous oblige à fermer la section pour défaut de débouché local ou externe puisque nous travaillions pour cet unique client sur un produit qui lui est spécifique.
Nous avons, si j'ose dire, de la chance dans nos malheurs, l'équipe qui travaille dans cette section est une équipe de jeunes dont l'âge moyen est de l'ordre de 27 ans et à 90% célibataires.
Nous ne disposons pas de besoins dans les autres postes qui assurent les 70% de notre activité et destinés à notre maison mère laquelle a également ralenti ses commandes ce qui fait que nous éprouvons déjà des difficultés à continuer d'assurer notre habituel chiffre d'affaires et par conséquent n'avons aucune possibilité d'affecter le personnel ou une partie de celui-ci dans d'autres services.
Nous avons provoqué des réunions avec les représentants du personnel pour les informer et de la décision de notre client de ne pas reconduire son contrat et du seul et unique choix qui nous reste à savoir la résiliation de la relation de travail que nous avons vis-à-vis de ce personnel, étant entendu que ce personnel sera indemnisé conformément aux lois en vigueur en ce qui concerne le licenciement pour raison économique comme nous l'avions signalé au comité d'entreprise.

CONSEIL DU JURISTE
Le salarié se demande si son employeur a le droit ou non de procéder à ce licenciement collectif. Il y a lieu de rappeler que les liens qui unissent salariés et employeurs sont régis globalement par le DOC (Dahir formant code des Obligations et Contrats), articles 723 et suivants ainsi que par le Code du travail dont certains articles sont des copies intégrales de certains du DOC. Le dernier § de l'article 723 dit que le contrat est dans ce cas (Louage de service ou de travail….) parfait par le consentement des parties.
L'article 728 nous rappelle que : Est nulle toute convention qui engagerait les services d'une personne sa vie durant…..
L'article 754 stipule que lorsque le terme d'un contrat n'est pas déterminé, cas des CDI par exemple, soit par les parties, soit par la nature du travail à accomplir, le contrat est annulable etc. Ce qui précède nous rappelle que la relation du travail ne peut être éternelle, le salarié a le droit de démissionner et l'employeur celui de licencier, article 34 du code du travail.

Les deux acteurs doivent observer, cependant, des règles et procédures.
Qu'en est-il du licenciement collectif ?
Le licenciement pour motifs technologiques, structurels ou économiques est prévu par le code du travail, Section VI, articles 66 et suivants.
L'application de cette procédure obéit à des démarches bien précises et sous certaines conditions parmi lesquelles la bonne définition du motif qui pousse l'entreprise à vouloir procéder à ce licenciement.Pour le cas qui nous concerne, l'entreprise dit avoir subit la non reconduction d'un contrat de sous-traitance de la part d'un client particulier ce qui justifie sa décision de procéder au licenciement de l'équipe pour absence d'activité et donc pour un motif économique. Il faut être prudent quant à l'utilisation des termes, est-on réellement en situation qui permet de dégager un motif économique justifiant le licenciement d'une équipe de 50 personnes ? Pas si sûr.
L'entreprise doit étayer sa demande pour que le motif « économique » soit pris en considération. Pour ce faire sa demande d'autorisation sera documentée par tous les justificatifs nécessaires et procès-verbaux des réunions et négociations avec le comité d'entreprise qui agit en lieu et place des délégués des salariés. Cette demande sera déposée auprès du délégué provincial chargé du travail qui sera chargé d'assurer toutes les analyses en vue de la préparation d'un dossier dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la réception de la demande et destiné aux membres d'une commission provinciale présidée par le gouverneur de la préfecture, pour appréciation et prise de décision.
Toutefois pour que le motif « économique » soit pris en considération, la demande doit être accompagnée d'autres justificatifs qui sont :
- Un rapport comportant les motifs économiques, nécessitant l'application de la procédure de licenciement ;
- L'état de la situation économique et financière de l'entreprise ;
- Un rapport établi par un expert-comptable ou par un commissaire aux comptes.
Imaginez que ces rapports fassent ressortir que l'état de la situation économique et financière de l'entreprise, à travers le chiffre d'affaires réalisé avec les 70% de l'activité destinée à la maison mère et les charges totales avant fermeture de la section, permet de dégager un profit, même minime, la commission provinciale chargée de faire un retour au gouverneur éprouvera des difficultés pour convaincre celui-ci à donner son aval puisque économiquement parlant l'entreprise n'est ni en cessation de payement ni au seuil d'un dépôt de bilan. C'est pour cela que je dis méfiance, car la décision du gouverneur de la préfecture doit être motivée et basée sur les conclusions et les propositions de ladite commission.
De par sa fonction les décisions du gouverneur prennent généralement en considération certains aspects qui ne figurent pas dans le code du travail comme le maintien et le développement d'une paie sociale. Le code parle d'un délai de deux mois entre la demande de l'entreprise et la réponse du gouverneur, passé ce délai que se passe t-il ?
Le patronat dit que pas de réponse signifie « réponse positive », les syndicats des salariés disent l'inverse, pas de réponse signifie « demande rejetée ». La décision du gouverneur, si elle est positive, permettra à l'entreprise de justifier le licenciement collectif, et donc d'éviter d'être estée en justice par ses salariés.
Sa situation lui donne droit de procéder à la fermeture de la section chargée de la réalisation d'un travail spécifique pour un client spécifique. Le licenciement du personnel de cette section se trouve justifié puisqu'il n'est plus possible d'assurer une activité à cette section et encore moins d'affecter ce personnel en totalité ou partiellement à d'autres sections. Le licenciement dans ce cas-là se trouvera motivé par une raison structurelle et économique et non pour le seul motif «d'économique ». Donc, je rappelle que l'entreprise a le droit de rompre la relation de travail tout en respectant les procédures qui régissent ce cas de figure.
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