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Un licencié, pour faute grave, a-t-il droit à des indemnités ?

Oui pour les salariés en CDI et non pour les VRP et les salariés appelés à effectuer des travaux dangereux.

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Responsabilités du salarié
Dans la direction technique où j'exerce, je suis responsable d'une équipe de huit personnes chargées du contrôle qualité de la production. Depuis un moment, ayant senti une certaine tension entre les membres de mon équipe, j'ai décidé de procéder à une investigation en vue savoir ce qui se passe. J'ai donc commencé par organiser des entretiens individuels avec les membres de mon équipe pour découvrir que je dispose non pas d'une équipe homogène mais plutôt de deux groupes de personnes au sein d'une même équipe. La raison en est que mon patron, le directeur technique, avait demandé aux personnels de sa direction, c'est-à-dire aux personnels des quatre sections composant cette direction, de lui communiquer des informations. Certains membres de mon équipe ont été jusqu'à me rapporter que le directeur technique, mon patron, les a menacés de figer leurs salaires s'il leur arrive de refuser de se plier à ses exigences. J'ai appris également, que les deux dernières démissions au sein de mon équipe avaient pour motif le refus de se plier aux exigences de mon patron. Devant la gravité de la situation, j'ai demandé un entretien à ma hiérarchie pour la saisir de ce que j'ai appris. Il prend ma réaction comme insulte et me menace de prendre les dispositions qui s'imposeraient. Dans l'après midi, notre DRH m'appelle pour m'apprendre que ma hiérarchie a décidé de me licencier pour faute grave.

Obligations DE L'EMPLOYEUR
Depuis toujours, notre souci est de produire dans les délais tels qu'imposés par nos clients étrangers et c'est l'une des raisons qui nous pousse à être également exigeants envers notre personnel, dès leur embauche, au niveau des délais et de la qualité. A propos de qualité, nous avons dans notre organisation une équipe de huit personnes placées sous la responsabilité d'un cadre, chef de service, ingénieur de formation, dont la vocation est de s'assurer que nos produits sont conformes aux exigences de nos clients. En tant que directeur général de cette entreprise, je ne lésine pas sur la qualité qui est également exigée au niveau du management quel que soit son niveau. Dernièrement, nous avons été confrontés à un cas où un chef de service s'est permis d'accuser son directeur de dresser les personnes de sa direction les unes contre les autres, de créer une équipe de mouchards à son profit, accusations que je ne tolère point. Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai donné ordre à notre DRH de mettre un terme à la relation de travail qui nous lie à cette personne, même cadre, car j'estime que cette accusation est une insulte grave envers un directeur et qu'il est de mon devoir de ne pas tolérer ce manquement à l'éthique et au savoir-vivre et plus particulièrement de la part d'un cadre appelé à chaque instant de faire appliquer les consignes.
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Bouchaïb SERHANI : Directeur Général & Consultant RH Cabinet RH GESPER SERVICES

Nous n'allons pas traiter dans ce cas si le licenciement est justifié ou pas et si ce qui est reproché au chef de service peut être défini comme faute grave.
La décision du DG me semble un peu hâtive puisque le licenciement est décidé avant même d'avoir écouté le concerné pour lui donner la possibilité de s'exprimer et se défendre selon l'article 62 du code du travail.
Un salarié licencié pour faute grave a-t-il ou pas droit aux indemnités ? C'est la principale question que l'on se pose. Il est à noter que ce cas est mal compris par la plupart des entreprises marocaines et par certains techniciens en droit du travail.
Le salarié nous dit qu'il s'était adressé à l'inspecteur du travail en espérant trouver en ce dernier un défenseur de ses intérêts mais a été déçu quand celui-ci lui dit que son employeur a raison de ne lui verser aucune indemnité puisque le licenciement est décidé pour faute grave. Quelle a été la question posée pour que l'on sache si la réponse est adéquate ou pas ? Pourquoi tout ce monde se limite à dire, aussi simplement, que le licenciement pour faute grave permet de ne verser aucune indemnité ?
Pour répondre à cette interrogation essayons de voir quand et comment il est question de faute grave de la part du salarié dans le code du travail.
L'article 13, qui traite du préavis et de l'indemnité de celui-ci, dit « sauf faute grave », celui qui n'observe pas le délai de préavis doit indemniser l'autre partie.
Il y a lieu de relever que dans ce texte, l'indemnité est au singulier, c'est-à-dire qu'elle ne concerne que le préavis.
L'article 33 traite de la rupture d'un CDD avant terme et rappelle que l'initiateur de la rupture doit des dommages et intérêts à l'autre partie, sauf si la rupture est dictée par la faute grave.
On ne parle ni de préavis pour un CDD, ni d'indemnité de licenciement et c'est normal puisque l'article 52 réserve l'indemnité de licenciement aux CDI.
Les articles 43 et 51, traitent de la rupture de façon unilatérale d'un CDI et rappelle, comme l'article 13, du respect préavis « sauf faute grave », celui qui n'observe pas le délai de préavis doit indemniser l'autre partie.
L'article 61 va un peu plus loin en intégrant dans les restrictions de l'indemnisation du salarié licencié pour faute grave, le préavis ni indemnité ni versement de dommages et intérêts. On parle ici de dommages et intérêts, ce qui suppose que la faute grave est prouvée et que le licenciement se justifie. Là encore il y a lieu de faire attention de quelle indemnité parle-t-on.

Au vu de ces articles que peut-on dire sur les indemnités ?
Un rappel des indemnités possibles dans le cas de ruptures de la relation du travail. Nous trouvons dans l'ordre :
- L'indemnité de préavis si celui-ci n'a pas été observé,
- L'indemnité de licenciement calculée en fonction de l'ancienneté du salarié licencié,
- L'indemnité compensatrice de congé payé si un crédit congé existe (ICCP) et enfin
- L'indemnité éventuelle pour dommages et intérêts.
Nous constatons dans les articles que nous nous venons de lister qu'il n'a jamais été question d'absence d'indemnité de licenciement et l'article 51 nous le rappelle puisqu'à aucun moment il n'est fait allusion à la faute grave.
De plus l'ICCP, si le solde congés est créditeur, est due quel que soit le motif du licenciement car c'est un bien du salarié qu'il pourra récupérer à son départ, cette indemnité est assimilable à un gain salarial à ne percevoir qu'au départ soit par démission ou par licenciement.
L'indemnité pour dommages et intérêts étant aléatoire, puisqu'elle est liée à l'abus de la décision du licenciement, ne sera pas prise en considération si le licenciement pour faute grave est justifié par l'employeur.

Dans quels cas un salarié licencié pour faute grave ne peut prétendre à aucune indemnité ?
Il s'agit de deux cas bien distincts et bien pris en compte par le code du travail, il s'agit de :
1) Voyageur Représentant Placier (VRP), Articles 82 et 83 qui traitent de la rupture du contrat de travail d'un VRP pour faute grave et là ces articles listent bien les indemnités auxquelles le VRP aura droit si la rupture est abusive et auxquelles il n'aura pas droit si la faute grave se justifie.
Juste une précision, la rédaction de l'article 83 mérite d'être revue car son contenu risque d'être mal compris par le lecteur qui pourra l'interpréter différemment de son objet.
2) Cas liés aux travaux dangereux, Article 293 : qui traite du cas des salariés, dûment informés selon les modalités prévues par l'article 289 relatif à la protection des machines, etc.
Ne pas se conformer aux prescriptions particulières relatives à la sécurité ou à l'hygiène pour l'exécution de certains travaux dangereux est automatiquement qualifiée de grave.
La non-observation de ces prescriptions, constitue une faute grave pouvant entraîner le licenciement sans préavis, ni indemnité de licenciement, ni dommages et intérêts. Je pense qu'avec ces précisions nos lecteurs réfléchiront à deux reprises avant de décréter qu'un salarié licencié pour faute grave n'a droit à aucune indemnité, ce qui est faux.
Je saisis cette occasion pour rappeler que la plupart des entreprises structurées au Maroc utilisent la version en français du code du travail, version qui n'est pas opposable aux tribunaux marocains car seule la version en arabe l'est. Mais si nous prenons cette dernière version nous constaterons que dans les articles décrits au début de cet avis que le terme « indemnité » est utilisé au singulier en « Taâouid » ou « Taâouidan ».
Si certaines entreprises ou techniciens en droit social veulent partir du principe qu'en cas de licenciement pour faute grave, il faut qu'ils trouvent dans la version en arabe le terme « Taâouidat » ou « Ayi taâouid », qui signifient « indemnités ou aucune indemnité » pour étayer leur décision. Pour ma part je n'ai trouvé à aucun moment dans ces articles le terme de « Taâouidat » ou « Ayi taâouid».

Conclusion
Pour ce qui vient d'être dit, le salarié sous CDI licencié pour faute grave, que celle-ci soit justifiée ou non a droit à ses indemnités de licenciement, conformément à l'article 51 du code du travail et éventuellement à son indemnité compensatrice de congés payés si le solde congés est créditeur.
Il n'a pas droit à l'indemnité de préavis comme il n'a pas droit à l'indemnité pour dommages et intérêts si la faute grave est justifiée.
Pour ce qui concerne les licenciements pour faute grave à l'égard des VRP et des salariés appelés à effectuer des travaux dangereux et n'ayant pas observé les consignes relatives à l'article 289, leur licenciement se fait sans le versement d'aucune indemnité.

Source: Bouchaïb SERHANI Directeur Général & Consultant RH Cabinet RH GESPER SERVICES
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