Le souci majeur de toute personne qui travaille est de faire en sorte d’augmenter sa rémunération. Certes, avec la hausse du coût de la vie, les jeunes et les plus âgés peinent à boucler leurs fins de mois. Pis encore, pour ceux qui ont des crédits et qui se retrouvent chaque mois obligés de composer avec des moyens financiers réduits, c’est la galère. Certains arrivent à arrondir leurs fins de mois, soit en donnant des cours dans des écoles privées, le soir ou encore à fournir des prestations à d’autres sociétés dans leur domaine d’expertise. Les moins chanceux se morfondent, chaque fin de mois, et espèrent que le père Noël arrive pour leur annoncer une augmentation de salaire.
Cette dernière catégorie est celle la plus touchée par le burn-out qui conduit dans la plupart des cas, lorsque le marché est demandeur, à une grande mobilité. Il n’y a pas plus simple pour ces cadres que de changer d’employeur pour un autre qui saurait mieux valoriser leurs compétences et qui leur offrirait des opportunités d’évolution de carrière. D’ailleurs, les spécialistes en recrutement et en RH ne cessent de dire que la mobilité est un accélérateur de carrière.
Alors, comment évaluer son salaire ? Comment savoir si on est bien payé ou pas ? Si autrefois c’était presque impossible, actuellement, grâce aux nouvelles technologies, il y a beaucoup d’indicateurs qui peuvent renseigner sur la moyenne pratiquée sur le marché pour tel ou tel profil. Les cabinets spécialisés en recrutement et conseils RH publient, chaque année, des résultats de leur enquête « Rémunération ». C’est le cas du cabinet Diorh qui, annuellement, réalise une étude qui vise à permettre aux DRH, aux Responsables rémunération et spécialistes RH de connaître les tendances du marché et vérifier la compétitivité de leurs entreprises en matière de package de rémunération. Cette dernière relève qu’une attention toute particulière a été accordée à la récompense par le mérite, ce qui consolide davantage la pratique de l’individualisation des salaires, et ce, malgré la conjoncture économique, vu l’importance du capital humain de renverser la tendance.
Outre ces circuits formels, il reste d'autres, informels, notamment le bouche-à-oreille, les rumeurs, etc. Mais, c’est là où il faut être prudent. D’ailleurs, comme le soulève notre consultant Mohamed Benouarrek, dans son intervention, il faut se méfier des personnes qui vous donnent de fausses informations pour vous pousser à chercher ailleurs et à travers vous, ils testent le marché. Ne soyez surtout pas un cobaye et avant de prendre telle ou telle décision, car l’enjeu est grand, il faut bien se renseigner et confronter les données collectées. Comme l'illustre si bien un extrait de la fable de La Fontaine, « Le petit poisson et le pêcheur » : « un Tiens vaut mieux que deux Tu l'auras ». C’est dire qu’il vaut mieux profiter d’un bien acquis, mais modeste que de le risquer pour un bien supérieur, mais hypothétique. In fine, il faut bien se renseigner avant de se lancer dans la recherche d’un nouvel emploi ou encore dans une négociation avec l’actuel patron, qui peut bien ou mal se terminer, à vos risques et périls.
AVIS EXPERT Mohamed Benouarrek, directeur du Pôle stratégie, organisation, et capital humain chez Promamec
« Attention, les informations erronées pourraient devenir une source de frustration »
Comment évaluer son salaire ? Quels sont les moyens disponibles pour faire un benchmark ?
Je pense qu’il existe deux types de benchmark pour se situer au niveau salarial. Le premier est formel alors que le deuxième est informel. Chaque année, des benchmarks officiels sont publiés par différentes agences spécialisées. Ceux-ci détaillent les salaires par fonction, nombre d’années d’expérience, secteur d’activité, background académique, scope de responsabilité, etc.
Le benchmark informel est celui qui se fait à travers des recoupements auprès de son entourage. Pour ce type de benchmark, il faut être vigilant, car une bonne partie des informations risque d’être erronée ou exagérée. Attention, ceci pourrait devenir une source de frustration.
Sinon, à quel moment un jeune cadre peut-il prétendre à un salaire meilleur ?
Tout dépend de son profil et de sa performance. Une autre variable reste celle de l’offre et la demande du marché de l'emploi. Il existe des cas ou certains jeunes cadres ont réussi à négocier en interne ou bien en externe de meilleurs salaires après à peine une année de service alors que d’autres n’ont pas pu avoir cette possibilité. Plusieurs paramètres rentrent en jeu : la taille de l’entreprise, sa croissance, la rareté du profil ou d’une compétence, l’évolution du marché d’emploi, l’arrivée ou non d’un concurrent sur le marché, etc. Comme on dit, la réussite arrive quand la compétence rejoint l’opportunité.
Que faire dans le cas où le marché offre plus que l’employeur actuel ?
La décision dépend d’un certain nombre de paramètres : votre package actuel global (rémunération directe et indirecte), confort au travail, type de relations avec votre employeur et collègues, plan de carrière et perspectives d’évolution, ancienneté, apprentissage, etc. Si l’écart entre ce qu’offre le marché et votre salaire actuel est énorme, vous pouvez choisir le bon moment afin d’en notifier votre employeur et avoir un son de cloche avant toute décision finale. Certains employeurs s’alignent ou bien se rapprochent au moins de l’offre externe. D’autres le prennent mal, car ils voient en cette approche une invitation aux enchères. Tout dépend du timing choisi pour en parler, les raisons évoquées et surtout la manière avec laquelle vous allez aborder le sujet.
À quelles conditions le cadre peut-il rester si le patron le retient ?
Les conditions doivent être écrites, enregistrées et formelles. Il faut admettre que cela dépend aussi de la relation de confiance qui pourrait lier les deux parties. « Les paroles s’envolent… les écrits restent » comme dirait le proverbe. À mon avis, il faudra noter les modifications à apporter au niveau de cette relation professionnelle.
Que conseillez-vous à ceux qui veulent franchir ce pas ?
La préparation d’une négociation est nécessaire. Elle est décisive pour la réussite ou l’échec de votre tentative. Quels sont vos preuves et exemples ? Que pourrait avancer votre employeur comme contre-exemples ? Quel est l’écart négatif entre votre situation actuelle et celle offerte par le marché ? Est ce que vous avez réellement eu des offres ou bien il ne s’agit que d’estimations basées sur des postulats ? L’expression « moi je vaux X au marché » ne vaut rien. Il faudra le prouver et être en mesure d’attirer de telles offres. Certains se basent sur de faux arguments du genre "tel ou tel était avec moi à la même classe, nous sommes tous les deux lauréats de la même promotion, moi j’avais de meilleures notes, etc., et pourtant il/elle touche mieux que moi". Le marché n’obéit pas à cette logique.
Que faut-il éviter ?
Non à la précipitation ! Certains collègues peuvent vous encourager à franchir le pas rien que pour expérimenter indirectement. Il faudra bien se renseigner en interne et en externe plutôt que de tenter de brûler les étapes. La passion est bonne… la patience aussi.