Pour ce faire, l’audit se présente comme un outil visant à diagnostiquer l’existant, relever les points faibles et proposer des améliorations qui s’inscrivent dans une démarche continuelle. Par ailleurs, évaluer le côté social de l’organisation serait une prérogative qui évaluerait les activités et les performances des ressources humaines, et ce, en se référant à l’audit social.
L’émergence de ce dernier remonte aux années 60 aux Etats-Unis où on a commencé à transposer les principes d’audit financier et comptable sur le domaine social au sein de l’entreprise. Qu’est-ce-que l’audit social ? Quels sont ses objectifs ? Quelles sont les normes qui le régissent ? Et à quel point ce genre d’audit est-il appliqué dans les organisations marocaines ? Fatima El Kandoussi, professeur de l’enseignement supérieur à l’Ecole nationale de commerce et de gestion d’Agadir (ENCG), apporte des réponses à l’ensemble de ces questions.
Le matin Emploi : Comment pourriez-vous nous définir l’audit social ?
Fatima El Kandoussi : L’audit social est une démarche, conduite par un professionnel indépendant interne ou externe, orientée vers l’appréciation de la dimension sociale des organisations. Elle consiste à évaluer les activités et les performances des ressources humaines en se basant sur un référentiel dans le but de mettre en évidence les facteurs de risque et de proposer des recommandations d’amélioration des politiques sociales de ces organisations.
Quels sont les objectifs visés par ce type d’audit ? Et quels sont ses différents types ?
L’objectif principal de l’audit social consiste à améliorer la performance sociale de l’organisation en se basant sur les critères de conformité, d’efficacité et d’efficience. Ses apports peuvent être situés aux niveaux de :
• La sécurité en identifiant et en réduisant les risques liés au non-respect des règlements internes et externes.
• La qualité de l’information ;
• L’efficacité en identifiant les risques de non réalisation des objectifs.
• La maîtrise des coûts.
• Le développement des choix stratégiques.
• L’amélioration du climat social
On peut distinguer entre différents types d’audit social selon le critère d’objectif ou d’objet :
- Critère d’objectif d’audit social : L’audit de conformité, l’audit de la valeur et des risques, sociaux l’audit de l’efficacité de la gestion sociale
- Critère d’objet d’audit : au niveau global de l’entreprise (climat social, conditions de travail, RSE) et au niveau de l’individu (performances, les potentiels, le comportement et les compétences).
D’après vous, quels sont les outils et les documents nécessaires à la conduite de l’audit Social ?
Concernant les outils que l’auditeur peut utiliser, on peut citer les techniques de recueil des informations notamment : l’étude documentaire qui permet de rassembler les documents internes et externes ayant trait aux informations sociales interne et externes à l’organisation soit au niveau individuel (fiche de poste, référentiels des compétences) ou collectif (règlement interne, conventions sociales, code de travail, etc.), en plus des enquêtes: qualitative et quantitative qui sont conduites respectivement par le biais de guides d’entretien et de questionnaires d’audits, aussi bien que l’observation des comportements du personnel et des lieux de travail. Il existe également des outils de description et d’analyse par exemple : Le diagramme de circulation, le diagramme d’Ichikawa, le diagramme de Gant, et les fiches d’audit ;
Quant aux documents utilisés par l’auditeur social, on peut citer notamment :
• Les législations de travail.
• La politique de gestion des ressources humaines.
• Le manuel des procédures.
• L’organigramme de l’entité en charge des ressources humaines.
• Le référentiel des postes, emplois et compétences.
• Les fiches de postes.
• Le plan de formation ou un document attestant de l’existence d’une politique de formation.
• Le règlement intérieur.
• Les statuts du personnel.
• Les documents témoignant du contact du personnel avec les organismes de représentation du personnel.
• Les documents des représentants du personnel (PV, tous documents mis à leur disposition).
Quels sont les différences et les points communs entre l’audit RH et l’audit social ?
Certains professionnels considèrent que les deux types d’audit s’inscrivent dans les mêmes perspectives alors que d’autres notent une certaine différence dans la mesure où l’audit RH se réfèrent aux indicateurs liés aux pratiques du personnel de l’organisation au niveau de la performance, du potentiel, des comportements et des compétences des RH ; alors que l’audit social est beaucoup plus orienté vers le climat social et les politiques sociales au niveau collectif.
Existe-t-il des normes ou des référentiels de certification en matière d’audit social ? Si oui, lesquels(les) ?
On peut classer les référentiels en deux catégories : ceux ayant trait aux normes de la pratique professionnelle de l’audit et ceux liés aux législations du droit social nationales et internationales. A titre illustratif et non indicatif on peut citer :
Le code de travail : étant un texte législatif qui prescrit tout un ensemble de règles qui organisent les relations sociales au niveau de l’entreprise et dans le domaine du travail.
Le référentiel de l’Institut d’audit social : est un guide qui renseigne sur les principes de conduite des missions de l’audit social, et sur les aptitudes et les qualifications des auditeurs qui assurent ces missions. Il est applicable à toute organisation qui réalise ou commandite des prestations d’audit social.
La norme SA 8000 : est à la disposition des entreprises qui voudraient garantir le respect des droits fondamentaux des employés dans leurs opérations. Il s’agit d’un code de conduite pour les entreprises.
La norme ISO 19011 : fournit des lignes directrices sur l’audit de systèmes de management, comprenant les principes de l’audit, le management d’un programme d’audit et la réalisation d’audits de systèmes de management. Elle renseigne également sur l’évaluation des qualifications des personnes impliquées dans le processus d’audit.
Quelles sont la démarche et les étapes à suivre pour mettre en œuvre un audit social ? Et quelle est la périodicité de cette pratique ?
A l’instar des autres formes d’audit, l’audit social suit une démarche qui se résume en trois grandes phases :
Premièrement, préparer la mission d’audit : Dans cette étape, l’auditeur doit d’abord, définir la mission d’audit social, ensuite, préciser les référentiels à utiliser, puis, prendre connaissance de l’entité à auditer, et finalement, établir le programme d’audit.
Deuxièmement, faire une analyse approfondie qui permet de faire ressortir les forces et les faiblesses par le biais des questionnaires d’audit qui touchent les domaines audités.
Enfin, établir une synthèse et un rapport d’audit : A l’issue de sa mission, l’auditeur doit émettre des recommandations et assurer le suivi de leur application dans le but de remédier aux défaillances ayant été constatées au cours de son travail.
Quant à la périodicité, elle dépend des moyens et des besoins de l’entreprise. Ainsi, il peut se faire de manière : ponctuelle ou périodique.
Ponctuelle précédant une orientation stratégique ou après la constatation d’un dysfonctionnement social ou en vue d’une certification.
Périodique : l’audit pratiqué avant ou après la mise en œuvre de la planification sociale.
Pourriez-vous nous informer sur l’étendue de cette pratique au niveau des organisations marocaines ?
Contrairement à l’audit comptable et financier qui reste largement répondu au Maroc, l’audit social est moins appliqué. Ceci s’explique par son caractère non obligatoire et par le fait que les organisations ne perçoivent pas encore la nécessité d’y avoir recours. Et elles pratiquent l’audit de conformité qui consiste à vérifier la fiabilité des données sociales et le respect des lois en matière des ressources humaine beaucoup plus que le climat social.
Récemment introduit dans certaines organisations (publiques et privées), il reste limité malgré l’importance du rôle des ressources humaines dans le développement et la croissance micro et macro économiques.
Ce qui permet de déduire qu’il n’est pas considéré comme un outil de pilotage social qui peut contribuer à l’amélioration du management des ressources humaines et des relations de l’organisation avec les différentes parties prenantes.
Les organisations doivent avoir recours à l’audit social car de part sa démarche, ses outils et les domaines qu’il couvre actuellement, il est devenu un véritable moyen d’amélioration du management des RH non seulement dans une vision rétrospective mais également prospective. En effet, il peut jouer un rôle préventif avec l’appréciation des risques liés aux dysfonctionnements sociaux et contribuer l’amélioration de la performance sociale et organisationnelle.
