D’autres peuvent y être confrontés à l’occasion de l’exercice de leur fonction ou d’un mandat de représentant du personnel (article 468 du code du travail pour les membres du comité d’entreprise).
Il est possible, dans un souci de vulgarisation, de présenter le secret professionnel comme un régime de sanctions civiles et pénales contre ceux qui sont incapables de tenir leur langue. Il s’agit donc de sanctionner ou de menacer des individus pour protéger des intérêts ou des droits.
Bio Express
• Titulaire d’un DEA en droit syndical (Paris X Nanterre 2001) et d’un Magistère en droit social (Paris X Nanterre 1998-2001), Mohamed Oulkhouir conseille un nombre significatif de groupes industriels et commerciaux nationaux et internationaux en matière de relations individuelles et collectives de travail, de licenciements collectifs, d'audits et d'opérations d'externalisation.
• Me Oulkhouir est également titulaire d’un DESS en contentieux et arbitrage (Paris V 2002).
Le Matin Emploi : Qu’est-ce que l’obligation de discrétion ?
Mohamed Oulkhouir : Il s’agit de l’obligation pour le salarié de ne pas divulguer les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions, ni à l’extérieur ni à l’intérieur de l’entreprise. Cette obligation de discrétion, de retenue dans la parole découle de l’obligation pour le salarié d’exécuter son contrat de travail de bonne foi.
Parallèlement à l’obligation de discrétion, les salariés sont tenus au respect du :
> Secret en ce qui concerne les secrets de fabrique. La violation ou la tentative de violation du
secret de fabrique par tout directeur, commis ou ouvrier de fabrique est passible de trois mois à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 à 10.000 dirhams (article 447 du code pénal). La simple tentative est réprimée de la même manière.
> Secret professionnel s’ils sont dépositaires par profession ou par fonctions permanentes ou temporaires, des secrets qu’on leur confie. La révélation de ces secrets par les salariés, hors le cas où la loi les obligent ou les autorisent à se porter dénonciatrice, est punis d’un à six mois d’emprisonnement et d’une amende de mille deux cent à vingt mille dirhams (article 447 du code pénal).
Qui est tenu au secret
professionnel ?
Au sein de l’entreprise, il s’agit :
> De tous les salariés dépositaires d’une information secrète du fait de leur profession ou de leurs fonctions permanentes ou temporaires au sein de l’entreprise,
> Des membres du comité d’entreprise et des médecins du travail,
> Des agents chargés de l’inspection du travail.
Les membres des professions
réglementées (médecins, avocats) et les fonctionnaires sont
également tenus au secret professionnel.
Quelles sont les informations couvertes par le secret
professionnel ?
Il s’agit d’une part des secrets de fabrique de l‘entreprise et d’autre part de de toute information à caractère secret ou confidentiel. L’opposabilité du caractère secret d’une information nécessite selon nous que les deux conditions suivantes soient réunies :
> L’information doit avoir été présentée au salarié concerné comme confidentielle d’où l’importance des clauses de confidentialité,
> L’information doit être «objectivement» confidentielle. L’employeur ne peut soumettre les salariés à une obligation de discrétion que pour les informations «confidentielles» ou «secrètes ». Le Code du travail ne précise pas ce qu’il faut entendre par ce terme. Il résulte des quelques arrêts de jurisprudence en la matière que l’employeur n’est fondé à qualifier une information de confidentielle
que si :
> D’une part, l’information est réellement confidentielle, c’est-à-dire inconnue du public ou des salariés de l’entreprise;
> D’autre part, la divulgation de l’information est de nature à nuire à l’intérêt de l’entreprise.
En tout état de cause, une analyse au cas par cas est nécessaire.
Quelles sont les principales
limites au secret professionnel ?
(les dérogations)
Le Code pénal prévoit certaines situations dans lesquelles il est possible de violer le secret professionnel sans pour autant s’exposer à des poursuites civiles ou pénales. C’est le cas notamment :
> Si l’information dévoilée constitue un fait délictueux, un acte de mauvais traitement, ou une privation perpétrée contre un enfant mineur de moins de 18 ans ou par l’un des époux contre l’autre ou contre une femme ;
> Si l’information dévoilée a été divulguée dans le cadre d’une procédure judiciaire.
La violation de l’obligation de discrétion engage-t-elle la responsabilité des professionnels ?
La violation d’un secret professionnel peut faire l’objet d’une double sanction :
> Au plan civil, elle caractérise une faute grave entrainant un licenciement sans préavis ni indemnités si elle a causé un préjudice à l’entreprise (article 39 du Code du travail),
> Au plan pénal, elle constitue un délit prévu et réprimé par les articles 446 et 447 du Code pénal. Ce dernier article visant d’ailleurs plus le secret de fabrique que le secret professionnel. Soulignons que la révélation doit être intentionnelle. La simple imprudence qui aura conduit à l’information d’un tiers n’est pas condamnable au plan pénal.
Les membres des professions réglementées s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à la radiation à vie qui interdit de manière définitive l’exercice de la profession concernée.
Que disent la doctrine et la jurisprudence ?
Il n’y a malheureusement que très peu de jurisprudence ou de doctrine marocaine relativement à la notion de secret professionnel dans l’entreprise. Il semble d’ailleurs que la Cour de cassation sanctionne plus les conséquences de la violation du secret que la violation elle-même.
Dans un autre arrêt du 23 Février 2005 (Cour Suprême de Rabat, arrêt n°180), la Cour de cassation a ainsi retenu que la divulgation de secrets professionnels permettait de caractériser des actes des concurrence déloyale justifiant le licenciement pour faute grave du salarié ayant divulgué les secrets de la société au sein de laquelle il travaillait. En introduisant la notion de préjudice, l’article 39 du Code du travail invite malheureusement à une telle lecture. La violation du secret n’est pas sanctionnée en tant que telle mais en raison de ses répercussions sur le fonctionnement de l’entreprise.
À mon sens, la simple violation d’une obligation de confidentialité doit être sanctionnée même si elle n’a causé aucun préjudicie à l’entreprise. Une telle violation affecte, en effet, nécessairement le lien de confiance qui doit exister entre deux parties au même contrat ainsi que l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail.
