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«L’empowerment : nouvel outil de management pour responsabiliser les collaborateurs»

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Le Matin Emploi : Que peut-on entendre par «empowerment» ?
Rachida Jallal : L’empowerment est un terme anglo-saxon qui n’a pas vraiment d’équivalent dans la langue française. Il est souvent traduit par les notions de responsabilisation, d’autonomisation, d’habilitation, de développement de la capacité d’action et de décision ou encore «développement du pouvoir d’agir». Le concept d’empowerment est ainsi utilisé pour désigner une capacité d’action et le processus pour l’atteindre.
Le concept est né aux États-Unis, au début du XXe siècle où il a d’abord été utilisé dans le champ politique pour définir des politiques de lutte contre la pauvreté et de développement. Face à la complexité croissante de l’environnement des organisations, il a investi le champ du management. Il est fondé sur la conviction que les employés ont la possibilité de prendre plus de responsabilités et que cela sera profitable à l’entreprise, permettra d’améliorer les process, etc. Et in fine d’améliorer les performances de l’entreprise.
En fait, la problématique de la mobilisation des salariés au service de la performance de l’entreprise n’est pas une préoccupation nouvelle, elle a toujours été posée, mais face au contexte actuel du management (incertitude, défis technologiques, nouvelles exigences des consommateurs et des salariés, sollicitations plus fortes des collaborateurs…), cette préoccupation prend des dimensions plus importantes et conduit à mener une réflexion «renouvelée» sur la place de l’homme dans l’organisation. C’est à ce niveau que l’empowerment trouve sa justification en management.
L’empowerment serait ainsi «l’ensemble des actes managériaux qui consistent à faire monter en puissance les collaborateurs de façon à ce qu’ils se sentent autorisés et aient le pouvoir de répondre aux besoins et attentes de l’organisation», l’idée étant d’amener les personnes à s’épanouir et à donner le meilleur d’elles-mêmes en ayant le sentiment que leur travail leur appartient et qu’elles peuvent le contrôler.

Quels outils de management disponibles pour responsabiliser et valoriser le travail d’un collaborateur ?
Je suis tentée de répondre que ce ne sont pas les outils qui manquent ! En effet, plusieurs approches ont été développées par les spécialistes et adoptées par les entreprises : MBO (gestion par objectifs), TQM, management par la culture; change management… pour ne citer que celles-là. L’empowerment est aussi présenté dans la littérature managériale comme le «nouvel» outil de management pour responsabiliser les collaborateurs et valoriser leur travail afin de les amener à donner le meilleur d’eux-mêmes au profit de l’organisation et briser ainsi la spirale du désengagement. Mais la plupart de ces méthodes n’ont pas toujours obtenu les effets escomptés. Donc, à mon avis, la question n’est pas seulement celle des outils, mais celle de savoir ce que l’on veut en faire en réalité et comment ils sont mis en œuvre dans l’organisation. Il s’agit, à mon sens, plus de comportements et de valeurs à adopter et à intégrer d’abord avant de parler d’outils, quels que soient les outils d’ailleurs.

Comment orienter leurs efforts dans le bon sens ?
Si on se réfère à l’empowerment comme approche, je dirais que contrairement au schéma classique du management, où les tâches, les comportements requis pour réaliser ces tâches, les objectifs de performances sont définis par le manager, l’empowerment implique l’abandon par les managers du contrôle direct sur les opérations et l’intervention dans la gestion quotidienne. En situation d’empowerment, les managers valident les orientations et prennent connaissance à intervalles définis des résultats concrets. Il s’agit de passer d’un système de contrôle top-down à des niveaux d’engagement élevés tels que le pouvoir, la connaissance et l’information sont partagés avec l’ensemble des collaborateurs.
Concrètement donc et pour répondre à votre question, les leviers d’action qui permettent d’accroitre l’engagement des collaborateurs, sont le développement des compétences pour élargir leur champ d’action, une plus grande responsabilité et une marge de manœuvre suffisante (l’autonomie) pour se sentir légitime d’y aller (l’appropriation) une prise de décision partagée, l’accès à une information ouverte sur la stratégie de l’entreprise, sa performance.
Par exemple, permettre aux collaborateurs de décider par eux-mêmes comment ils résoudront un problème de service en obtenant des niveaux élevés de satisfaction client plutôt que d’attendre une approbation de la part d’un superviseur (le pouvoir d’agir). Tout ceci, bien entendu, dans un cadre formalisé et bien explicité. À ce propos, Google est un exemple bien connu d’entreprise qui porte une grande attention au développement de l’empowerment de ses collaborateurs :
- Le recrutement est partagé et collégial. Chaque ingénieur a le droit de prendre 20% de son temps pour travailler sur une idée personnelle (en lien avec l’entreprise, mais pas forcément en lien avec son poste). Certains dirigeants retrouvent leurs équipes pour un échange informel. L’évaluation par ses pairs est pratiquée.
- L’échange de postes est possible à travers des missions temporaires (autres métiers, autres pays).

Quelles mesures prendre face à ces challenges ?
J’ai dit plus haut que la plupart des méthodes n’ont pas toujours obtenu les résultats escomptés, notamment parce qu’elles n’ont pas été accompagnées par les mesures nécessaires à leur succès. Elles ont souvent omis de mettre en cohérence les structures, les processus, les systèmes de gestion et les comportements attendus des managers. Il n’est pas facile de passer d’un mode de management directif (voire taylorien), notamment dans des environnements comme le nôtre, à la responsabilisation et l’autonomisation prônées par l’empowerment. C’est un processus long qui constitue un changement culturel. Il ne peut donc s’implanter et réussir qu’en passant par plusieurs phases d’évolution, notamment l’autonomie progressive et le changement des structures basées jusqu’ici sur le contrôle par la hiérarchie, formation des managers et des collaborateurs ; évolutions à l’issue desquelles les managers et leurs collaborateurs auront «désappris» les comportements anciens pour en adopter de nouveaux basés sur des valeurs partagées. Tout ceci présuppose bien entendu une volonté forte de la Direction. L’idée aussi est de redonner du sens au travail des individus dans les organisations.

Quels avantages peuvent tirer les managers de cette expérience ?
Pour le manager, passer d’un management d’injonction à un management par l’implication présente un premier avantage, c’est de pouvoir se recentrer sur le stratégique (qui relève de sa mission d’ailleurs) et ne plus se disperser dans l’opérationnel. Il n’est plus seulement le gestionnaire concerné avant tout par la bonne utilisation et la comptabilité des ressources (matérielles et humaines), mais le manager qui mobilise les énergies en vue d’atteindre un objectif commun. Il ne peut donc que gagner en efficacité par l’engagement et l’implication de ses collaborateurs. Pour l’entreprise, les bénéfices communément attendus et admis de l’empowerment sont : la motivation des salariés, la qualité de services, la compétitivité, la performance organisationnelle en mettant fin au «gaspillage des compétences».

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