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Absence d’une véritable volonté politique

Décidément, le dopage n’en finit pas de salir le sport marocain. Le dernier cas positif déclaré se nomme Hamza Abourazouk, joueur international marocain du Raja de Casablanca suspendu à titre provisoire pour une durée de 30 jours. Avant lui, il y avait Abdessamad Abdelouahed, Meryem Alaoui Selsouli, Amine Laâlou, Jamal Chatbi, Brahim Boulami, Adil El Kouch, Hanane Ouhaddou, Aissa Dghoughi, feu Abderrahim Goumri, Saida Mehdi, Rachid Ghenmouni, Abdelhadi Habassa, Yahia Berrabeh.….

Absence d’une véritable volonté politique
L’athlète marocain du saut en longueur, Yahia Benrabeh, a écopé de quatre ans de suspension.

La liste est longue. Il y aurait 60 cas lors de ces dix dernières années, soit une moyenne d’un cas chaque deux mois, nous a indiqué Lahcen Karam, président de l’Association marocaine de sensibilisation contre le dopage. Face à l’ampleur de ce phénomène, le gouvernement, pour ne pas dire le ministère, n’a pas apporté aucune réponse. Le projet de loi 51-08 relatif au dopage n’a jamais vu le jour. Le projet d’un laboratoire national de lutte contre le dopage n’est qu’une chimère. Même la commission nationale de lutte contre le dopage a été suspendue par Mohamed Ouzzine le 6 septembre 2012. Autant d’indices accablants qui témoignent, qu’on le veuille ou pas, de l’absence d’une véritable volonté politique de lutter contre ce fléau, véritable danger pour la santé publique.

Désormais, il n’est plus possible de nier l’évidence. Plus personne n’est dupe de l’ampleur du dopage dans le sport marocain. Après l’éclatement du scandale des Jeux olympiques de Londres (contrôle positif de Meryem Alaoui Selsouli et Amine Laâlou), on nous avait promis l’ouverture d’une enquête pour déterminer s’il s’agit d’un dopage organisé ou de cas isolés, mais les résultats de cette enquête n’ont jamais été rendus publics, si enquête il y avait. Avant ces deux cas révélés en 2012, il y avait l’affaire Aïssa Dghoughi. Non seulement cet athlète spécialiste du 10 000 m a été contrôlé positif et suspendu trois ans, mais il a également avoué être le fournisseur de plusieurs athlètes français. «Aissa Dghoughi a fait parvenir le 27 juin 2008 un courrier à la commission médicale de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) avec une liste d’athlètes français auxquels il affirme avoir fourni des produits dopants. Il en a envoyé une copie à l’Agence mondiale antidopage», écrivait Le Monde le 28 juin 2008. Ces aveux graves de Dghoughi qui a également cité des athlètes marocains de renoms n’ont jamais été suivis d’une quelconque enquête. Si Dghoughi alimentait à l’époque des athlètes français comme le rapportait le quotidien français le Monde, personne ne l’empêche d’en faire du même avec les athlètes marocains. Cette affaire est passée inaperçue comme si les révélations de ce dernier ne constituaient pas autant de preuves pour ouvrir une enquête.

Absence de volonté politique

Ce silence s’explique selon Lahcen Karam, président de l’Association marocaine de sensibilisation contre le dopage, par le manque de volonté de politique pour lutter contre ce fléau. Pour étayer ses propos, Karam fait savoir que tous les discours politiques sur ce sujet n’ont jamais été suivis d’effet. Il rappelle qu’en janvier 2007, l’ex-ministre de la Jeunesse et des sports, Nawal El Moutawakil, avait annoncé un projet de création d’une agence nationale antidopage. Une annonce qui a été suivie deux mois plus tard par la mise en place d’une commission de réflexion au sein du ministre. L’arrivée de Moncef Belkhayat au ministère de la Jeunesse des sports a donné un coup d’arrêt à ce projet d’agence. Au lieu de continuer dans cette voie, indique Karam, Belkhayat a créé le 4 avril 2010 une commission mixte entre le ministère de la Jeunesse et des sports et le Comité national olympique marocain. Ce n’est pas tout. Belkhayat a rebaptisé cette commission mixte commission provisoire de prévention et de lutte contre le dopage.

Ouzzine annule tout et balle au centre

L’actuel ministre de la Jeunesse et des sports, Mohamed Ouzzine, a fait fort en matière de la lutte antidopage. Le ministre haraki a pris le 6 septembre 2012 la décision de dissoudre la commission provisoire de prévention et de lutte contre le dopage en promettant de créer un nouvel organisme en la matière. Depuis, on attend toujours, alors que le nombre des dopés va crescendo.
Le docteur Mohamed Atiq abonde dans le même sens d’idées en indiquant qu’en l’absence d’un cadre juridique, il serait difficile de gagner le combat contre le dopage en assurant que les clubs ne sont pas habilités à faire des prélèvements aux joueurs et que seules la FRMF ou la FIFA peuvent soumettre des joueurs à des contrôles inopinés. Et de poursuivre que le club est en droit d’annuler le contrat d’un joueur contrôlé positif. Il faut, dit-il, passer du simple constat normal à la numérisation du dopage pour pouvoir avoir une carte numérique de dopage crédible et ainsi apporter des solutions efficaces à ce fléau, précise-t-il.


Entretien avec le docteur Atiq Mohamed

Les clubs n’ont pas le droit juridiquement de contrôler les joueurs

Matin Sports : Le contrôle positif de Hamza Abourazouk remet sur le devant de la scène le dopage dans le sport national, pourquoi les clubs ne procèdent pas à des contrôles inopinés ?
Atiq Mohamed : Les clubs légalement n’ont pas le droit d’effectuer les contrôles de dopage pour leur joueur. Un club ne peut pas prendre un joueur et lui dire : «Vient, je vais te faire un prélèvement pour voir si tu es dopé ou pas», parce que juridiquement les clubs ne sont pas habilités à effectuer des contrôles à leurs joueurs. Tout contrôle antidopage devra se faire par la FIFA et par l’intermédiaire de la Fédération royale marocaine de football qui doit prélever des échantillons A et B et les envoyer aux laboratoires agréés à l’étranger. Le rôle des clubs se limite à la sensibilisation.
À cela s’ajoute l’absence d’un laboratoire national agréé. Aujourd’hui, les laboratoires au Maroc qui ne sont pas agréés ne peuvent détecter que six produits. Un joueur contrôlé et dont le résultat est négatif ne veut pas dire qu’il n’a pas pris de produits dopants pour la simple raison qu’au Maroc on peut juste détecter six produits dopants.
Il faut d’abord mettre en place un texte juridique pour prévenir, contrôler, interdire et sanctionner la pratique de dopage et créer un laboratoire national agréé ou signer une convention avec un laboratoire international antidopage, mais aussi former des médecins contrôleurs.

Est-ce que le dopage est répandu dans le milieu du football ?
Malheureusement oui. La majorité des joueurs prennent des produits juste pour délirer avec leurs amis et non pas pour augmenter leurs performances sur le terrain. Ils consomment souvent «Lmaâjoune, Lkala, la cocaïne». D’autres prennent de l’EPO ou des hormones de croissance.

Existe-t-il un lien entre la mort subite de certains joueurs et la consommation des produits dopants ?
Je ne peux pas répondre à cette question. Seuls les rapports des médecins légistes qui ont effectué des autopsies sur les joueurs qui ont perdu la vie sur un stade peuvent y répondre. Mais malheureusement, aucun rapport de médecin légiste n’a été rendu public. Mais je peux quand même vous dire que le dopage peut être un facteur causant la mort subite, surtout qu’aujourd’hui la plupart des clubs font des bilans cardiaques à leurs joueurs. Si après un bilan cardiaque pointu qui n’a rien révélé d’anomalie, un joueur s’effondre sur une pelouse, il faut se poser des questions. Il existe un cas où un sportif peut s’effondrer, c’est quand il fait un anévrisme cérébral, c’est-à-dire la dilatation des veines qui peut provoquer l’hémorragie cérébrale, mais ça c’est rare. Et là, c’est une maladie congénitale.

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