Dans «Nul n’attend l’étranger, l’étranger est seul à attendre», il est question d’un agent d’accueil dans une administration qui reçoit les étrangers pour les conseiller : «Son temps à lui était par conséquent une sorte de temps étranger dans le monde du travail, un temps étranger pour étrangers. Il était payé pour y atténuer le côté accident. Il bénissait en cela à vrai dire l’étranger, il en “vivait”.» Cette réflexion va déclencher un drame intérieur chez le héros qui, une nuit durant, va errer de rues en bars, étalant ses états d’âme et ses souvenirs.
Le livre devient un long monologue intérieur, ou plutôt un dialogue entre le narrateur et le héros, déchiré entre interrogations incessantes et écœurement. Au-delà de ces interrogations, Abdellatif Chaouite se penche sur le bilinguisme, l’étranger, l’identité, l’émigration, autant de thèmes chers à Abdelkébir Khatibi. Le livre n’est pas vraiment un roman, car il n’y a pratiquement pas d’action ni d’intrigue. Toutefois, l’auteur aurait été plus inspiré, pour un premier récit, s’il nous avait exposé le destin d’un de ces nombreux étrangers qu’il côtoie, plutôt que les états d’âme de son héros. Car si ces émigrés semblent être la préoccupation principale de cette entreprise romanesque, ils sont curieusement complètement absents du récit. Le texte aurait gagné en densité si au lieu de nous plonger dans les méandres de la psychologie du héros, il nous avait décrit le quotidien des pauvres hères exilés sur des terres hostiles.
Le lecteur est cependant surpris, vers la fin du récit, par une belle femme qui accoste le héros. Elle lui apprend qu’elle sait tout sur lui et qu’elle fait partie d’une sorte de ligue secrète appelée les «Métamorphiques» Le héros est en fait investi par ces «Métamorphiques», un monde onirique, peut-être celui de l’écriture qui apparaît comme seule échappatoire à son désarroi.
Biographie
Né en 1955 à Marrakech, Abdellatif Chaouite est docteur en psychologie et anthropologue. Il vit en France et travaille dans le champ social associatif, essentiellement en lien avec les dimensions de l’immigration et de l’interculturel. Il a publié des articles et plusieurs essais sur ces questions. Il est formateur à l’ADATE ((Association dauphinoise pour l’accueil des travailleurs étrangers) à Grenoble et rédacteur en chef de la revue «Écarts d’identité». Une publication associative sur les problématiques de l’immigration et de l’interculturalité dont la ligne rédactionnelle essaie de faire croiser les registres de discours des chercheurs (anthropologues, psychologues, etc.), des gens qui sont sur le terrain : les travailleurs sociaux et puis les concernés (émigrés, étrangers, exilés, réfugiés, demandeurs d’asile, etc.).
