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«Celui qui ne préserve pas son patrimoine le perd nécessairement»

«Celui qui ne préserve pas son  patrimoine le perd nécessairement»

Dans quel contexte l’organe «Archives du Maroc» a-t-il été créé ?
L’établissement «Archives du Maroc» a été créé en vertu de la loi 69/99 relative aux archives. Cette loi, promulguée le 30 novembre 2007, est elle-même une conséquence des recommandations de l’Instance équité et réconciliation. L’IER, qui a exercé son mandat pendant 23 mois, a relevé combien la situation des archives au Maroc était désolante ; une situation absolument inacceptable dans un État qui s’inscrit dans un processus de modernité et de démocratie. D’ailleurs, l’IER n’a pas manqué de souffrir de cette situation, puisque sa mission qui consistait à enquêter sur les violations systématiques des droits de l’Homme a été entravée par l’état d’anarchie dans lequel se trouvaient les archives publiques. C’est ainsi que l’IER n’a pas omis d’insérer dans son rapport, remis à Sa Majesté le Roi, des recommandations visant à doter le pays d’une loi sur les archives et d’un établissement public chargé de ce pilier principal d’un État de droit. Quant à la vocation principale des Archives du Maroc, elle est clairement définie par la loi-69/99. Cet établissement a pour mission de sauvegarder le patrimoine archivistique national, d’assurer la constitution, la conservation, l’organisation et la communication des archives publiques à des fins administratives, scientifiques, sociales et culturelles.

Comment étaient gérées les archives nationales avant la promulgation de la loi 69-99 en novembre 2007 ?
En l’absence d’une loi nationale des archives, c’était tout simplement l’anarchie totale. En d’autres termes, le Maroc qui a recouvré son indépendance depuis 1956 a continué pendant des décennies à se référer, pour ce qui concerne les archives, à une loi obsolète héritée de la période coloniale (dahir du 1er novembre 1926). Et encore ! ce dahir n’était, en général, même pas appliqué ! Par conséquent, les archives produites ou reçues par les administrations étaient gérées en fonction des moyens financiers et humains de ces administrations… et souvent elles étaient même à la merci de l’humeur des responsables. En l’absence de calendriers de gestion des archives qui déterminent les âges de chaque catégorie d’archives, il était fréquent de voir certaines administrations créer elles-mêmes leurs propres calendriers sans se référer à une quelconque institution chargée de normaliser les procédures. Et lorsque ces archives cessaient d’être actives, on les jetait tout simplement dans des caves humides ou bien on s’en débarrassait en vue de libérer de l’espace pour les bureaux des fonctionnaires. Ces pratiques, qui existent encore sans pour autant être généralisées, ont très probablement privé le Maroc d’un patrimoine irremplaçable.

Peut-on dire que le Maroc a perdu une partie de ses archives à cause de l’absence d’un cadre juridique ? Si oui, quelle est l’ampleur de cette perte ?
Celui qui ne préserve pas son patrimoine, il le perd nécessairement. Il serait téméraire de ma part de donner une idée de l’ampleur de cette perte. Mais peut-être qu’en ayant une idée précise de l’existant aujourd’hui, il serait alors possible d’évoquer quelques fonds qui sont partis en fumée ou qui ont pris le large pour se retrouver à l’étranger dans des centres d’archives ou chez des collectionneurs. À cet effet, Archives du Maroc souhaiterait lancer une étude sur l’état des lieux des archives publiques et privées au Maroc. Ce diagnostic, même partiel, devrait nous aider à asseoir notre stratégie sur des bases scientifiques. Un projet de cette nature a été préparé et présenté dans le cadre du soutien de l’Union européenne aux recommandations de l’IER, mais je ne sais pas encore le sort qui lui a été réservé.

Quelles sont les principales réalisations de l’institution «Archives du Maroc» depuis sa création ?
Mon investiture en tant que directeur des Archives du Maroc a eu lieu le 27 mai 2011. Le lendemain, je n’avais ni bureau, ni le moindre personnel. Peu après, le ministère de la Culture a mis à ma disposition une aile de l’ancienne Bibliothèque générale et c’était à moi d’aménager les locaux et de m’entourer d’une première équipe de moins de dix personnes. Le gouvernement n’ayant rien prévu pour Archives du Maroc dans le Budget 2011, il a fallu bricoler en attendant le Budget de 2012. Cela dit, il y avait une opportunité à saisir d’urgence pour mettre notre locomotive sur les rails : un programme de l’Union européenne, dit IER2, était disponible pour accompagner certaines recommandations de l’IER relatives à l’Histoire, la Mémoire et les Archives. C’est d’ailleurs grâce à cet accompagnement que nous sommes en train d’aménager aujourd’hui nos locaux à Rabat pour un budget de trois millions de dirhams. S’il n’y a pas de mauvaise surprise, nous devrions également bénéficier d’un équipement qui permettra à Archives du Maroc d’être opérationnel au printemps prochain, au plus tard. Quant au personnel, nous sommes une dizaine actuellement et nous devrions former, dans un mois, suite à de récents recrutements, une équipe de 24 personnes. Bien entendu, ce n’est que le début, car il reste énormément à faire pour rattraper des décennies de temps perdu depuis l’indépendance. L’établissement «Archives du Maroc», classé récemment parmi les vingt établissements publics stratégiques du Royaume, mérite une meilleure attention de la part du gouvernement. Je ne désespère pas, mais je suis impatient de voir que notre gouvernement considère la gestion des archives comme l’un des grands chantiers stratégiques du pays. Hélas, la situation d’austérité n’arrange pas les choses !

Avez-vous déjà récupéré des pièces rares ou «inédites» sur l’histoire du Maroc qui étaient conservées ailleurs ?
Nous savons grosso modo où se trouvent les fonds d’archives qui peuvent être considérés comme patrimoine national. L’étude sur l’état des lieux, mentionnée plus haut, nous aidera à y voir plus clair. Mais dès que nous aurons des locaux répondant aux normes internationales en matière de conservation des archives et les décrets d’application prévus par la loi 69-99, nous n’épargnerons aucun effort pour récupérer toutes les pièces d’archives qui sont la propriété de la nation.


 

Le groupe Maroc Soir, un exemple à suivre

Le groupe Maroc Soir (société éditrice du journal «le Matin» entre autres publications) dispose d’un fonds d’archives très important constitué de collections d’archives des différentes publications appartenant au groupe, dont la plus ancienne est celle de «la Vigie marocaine» de novembre 1908. Les archives du groupe retracent l’histoire du Maroc, et même celle du monde, depuis le début du 20e siècle. C’est une source intarissable d’informations dans différents secteurs : politique, économique, social, culturel, sportif… Elles présentent une référence pour les chercheurs, les étudiants et les passionnés de l’histoire. Depuis mars 2009, le groupe Maroc Soir a fait le choix de confier ses archives à une société d’archivage, «Archivex», qui se charge de les conserver dans des locaux qui répondent aux normes internationales d’archivage.

Le métier d’archiviste

La collecte, le classement, la conservation et la communication des documents d’archives sont les principales missions de l’archiviste. Longuement représenté comme un fonctionnaire baignant dans un tas de documents jaunis au milieu d’un nuage de poussière, l’archiviste est un professionnel de l’information et du patrimoine chargé de la conservation des archives historiques, il est également le gestionnaire de la mémoire de l’entreprise et le facilitateur d’un accès meilleur à l’information souhaitée.
L’archiviste peut également intervenir en amont de la chaîne de traitement de l’information et sensibiliser les services à ce principe essentiel : un document est un document d’archives dès sa création. Au Maroc, la formation d’archiviste est dispensée par l’École des sciences de l’information qui compte parmi ses principales filières une qui s’intitule «Archivistique et Records Management».

Restauration des archives

De manière générale, la restauration des documents d’Archives passe par plusieurs étapes réalisées obligatoirement par des experts en la matière :
• Le foliotage : Consiste à numéroter les pages du document, de préférence avec un crayon à papier. Le marquage des pages se fait très discrètement afin de pouvoir reconstituer par la suite l’ordre des feuillets.

• Débrochage : C’est l’opération qui consiste à découdre un registre. Il est effectué avec tout le soin possible de manière à ne pas endommager les fonds de cahiers.

• Nettoyage : Le type de nettoyage utilisé est à adapter selon le degré de stabilité du papier et des encres : dépoussiérage au pinceau, gommage, ou éventuellement lorsque l’encre est insoluble, nettoyage en solution aqueuse.

• Désacidification : L’acidité est une menace sur les documents qu’elle détruit peu à peu. Elle peut être due à la composition du papier ou générée par l’environnement. Elle est obtenue par trempage du document dans une eau contenant une poudre blanche appelée «tétraborate de sodium ». Le document est ramené à un pH proche de 7, ce qui correspond à un pH neutre.

• Restauration des lacunes : afin de renforcer un document fragilisé par des déchirures et des manques, il est possible de remplacer les lacunes, toujours avec du papier vierge : on ne reconstitue jamais un texte manquant. Il existe deux solutions de comblage, à choisir notamment selon le support d’origine : le comblage manuel ou colmatage mécanique.

• Doublage ou consolidation : il consiste à ajouter au document original sans le dénaturer un renfort transparent, afin d’en améliore la tenue et la stabilité. Le doublage se fait à l’aide d’une presse ou manuellement si  le document est précieux.

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