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Dre Hanan Balkhy, Directrice régionale de l’OMS pour la Méditerranée orientale
Ce n’est pas un hasard. Il s’agit d’une stratégie délibérée de l’industrie du tabac visant à conquérir de nouveaux marchés, en proposant de nouvelles formes de nicotine comme les cigarettes électroniques et les produits du tabac chauffé pour piéger la prochaine génération. Les mensonges que l’industrie du tabac diffuse habilement dans le cadre de campagnes misant sur des emballages attrayants et une multitude de saveurs – on recense plus de 16 000 arômes pour les cigarettes électroniques – sont conçus afin de séduire les jeunes.
En Jordanie, au Liban, et en République arabe syrienne, plus de 30 % des adolescents consomment du tabac. Dans tous les pays de la Région, les adolescentes fument désormais davantage que les femmes adultes. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes, révélant l’ampleur de l’impact de l’industrie du tabac. Le message est clair : la consommation de tabac non seulement persiste sans changement, mais elle évolue, s’adapte et s’infiltre dans la vie des nouvelles générations avec acharnement.
Face à cette menace croissante, le Bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale a lancé l’Initiative Pour un monde sans tabac, qui vise à lutter contre la consommation de tabac dans les différentes catégories de populations.
Les risques sanitaires de cette consommation en fonction du genre sont graves. Les femmes qui fument courent des risques accrus vis-à-vis du cancer du col de l’utérus, de l’ostéoporose, des problèmes de fertilité et des complications associées à l’utilisation de contraceptifs oraux. Fumer pendant la grossesse peut entraîner des naissances prématurées et des troubles du développement chez le nouveau-né. Chez les adolescent(e)s, une exposition précoce à la nicotine peut causer une dépendance à vie, avec un risque plus élevé de maladies chroniques et de décès prématuré.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre des objectifs stratégiques plus larges de l’OMS en matière de prévention des maladies non transmissibles, en faisant progresser des approches centrées sur les personnes. Le traitement précoce de la dépendance à la nicotine et la mise en évidence des facteurs de risque liés à l’âge et au genre apportent un appui à l’Initiative phare de l’OMS sur la consommation de substances psychoactives. Ils permettent également de renforcer l’Action mondiale accélérée en faveur de la santé des adolescent(e)s (AA-HA!) , qui fait de la lutte antitabac une priorité pour réduire la mortalité et la morbidité évitables chez les adolescent(e)s, et qui est alignée sur les Normes mondiales pour des écoles attachées à la promotion de la santé, qui prônent des environnements sûrs et sans tabac.
La réduction de l’écart entre les sexes dans la consommation de tabac est particulièrement préoccupante. Alors qu’autrefois le tabagisme était une activité principalement masculine, il gagne du terrain chez les filles et les femmes, menaçant de réduire à néant des décennies de progrès en santé publique, et d’exposer de nouvelles populations à de graves dommages.
Mais cette tendance peut être inversée. La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac et les mesures MPOWER fournissent aux pays une feuille de route qui a fait ses preuves, notamment en ce qui concerne l’augmentation des taxes sur le tabac, l’interdiction de la publicité, la garantie d’espaces publics sans tabac, et l’amélioration de l’accès aux services de sevrage tabagique. Ces politiques ont fait leurs preuves dans d’autres lieux. Elles peuvent réussir dans notre Région de même.
Cette réussite dépendra du leadership et de la collaboration. Les gouvernements doivent intensifier l’action et réglementer les produits émergents en interdisant les arômes et limitant les designs ciblant les jeunes. Ces tendances ne sont pas fortuites. Elles sont délibérément conçues pour créer une dépendance.
Nous devons aussi mobiliser les communautés. Les parents, enseignant(e)s et professionnel(le)s de santé jouent un rôle essentiel dans la prévention et le soutien à cet égard. Les écoles doivent devenir des espaces sans tabac, et les systèmes de santé doivent offrir des services de sevrage adaptés à l’âge et au genre, en particulier pour les jeunes et les femmes.
Pour atteindre la cible mondiale de réduction de 30 % de la consommation de tabac à
l’horizon 2030, il nous faut agir maintenant. Cette épidémie chez les femmes et les jeunes ne peut pas rester sans réponse.
L’industrie du tabac s’adapte rapidement. Il nous faut agir plus vite.
