Du 9 au 13 juin 2025, la France accueillera la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3). Ce rendez-vous sera un moment décisif : il réunira, à Nice, une centaine de chefs d’État et de gouvernement, et plusieurs dizaines de milliers de participants, chercheurs, scientifiques, acteurs économiques, militants associatifs et citoyens du monde entier. À cette occasion, la France portera un objectif clair : protéger l’océan par des actions concrètes. L’océan est notre bien commun. Il nourrit les peuples et les protège. Il nous fait rêver et voyager. Il nous offre de l’énergie durable, des moyens de commercer, des ressources et des connaissances scientifiques infinies.Par Christophe Lecourtier, ambassadeur de France au Maroc
Un être humain sur trois dépend de l’océan pour vivre, et pourtant, ce dernier est en danger. C’est un espace encore largement méconnu, qui ne dispose ni d’une gouvernance globale, ni des financements nécessaires à sa préservation. Les chiffres sont inquiétants : plus de 8 millions de tonnes de plastique sont déversées dans l’océan chaque année, selon une étude de la revue «Science». À cela s’ajoute la surexploitation, qui touche plus d’un tiers des stocks de poissons, mais aussi l’acidification des eaux, la montée du niveau de la mer et la destruction des écosystèmes marins. Et ces phénomènes s’accélèrent, conséquences directes du dérèglement climatique.
Il est temps d’agir. Plus que jamais, nous devons faire en sorte que l’action multilatérale soit à la hauteur des enjeux liés à la protection de l’océan. Dix ans après la COP21 et l’Accord de Paris, qui a permis d’établir un cadre mondial contraignant pour limiter le réchauffement climatique, l’UNOC3 représente une opportunité historique. Les «Accords de Nice» constitueraient un véritable pacte international pour la conservation et l’utilisation durable de l’océan. Ce pacte serait ainsi directement en ligne avec les objectifs de développement durable (ODD) adoptés par l’ONU, en 2015.
Pour y parvenir, les discussions à Nice devront être concrètes et tournées vers l’action. Il s’agira d’œuvrer pour une meilleure gouvernance, davantage de financements et une plus fine connaissance de la mer. En matière de gouvernance, le traité sur la protection de la biodiversité en haute mer (BBNJ) est un levier essentiel. La haute mer – plus de 60% des océans – est aujourd’hui le seul espace qui n’est pas régi par le droit international. L’absence de surveillance et de règles communes entraîne un véritable désastre socio-environnemental : pollutions massives d’hydrocarbures et de plastiques, méthodes de pêche illégales et non régulées, captures de mammifères protégés. Pour mettre un terme à ce vide juridique, nous devons obtenir la ratification de 60 pays et ainsi permettre au traité BBNJ d’entrer en vigueur.
Le Maroc fait partie des pays qui font avancer cette cause essentielle et urgente pour la protection de nos océans : il a d’ores et déjà ratifié ce traité BBNJ et travaille à mieux le faire connaître auprès de ses partenaires en Afrique, et à accroître le nombre de ratifications. Par ailleurs, en matière de développement des aires marines protégées, qui sera abordée lors des discussions de Nice, le Maroc a également développé une politique ambitieuse au service de la protection des ressources marines, qui constitue une dimension majeure de son économie.
La protection de l’océan passe également par la mobilisation des financements publics et privés et le soutien à une économie bleue durable. Pour continuer à bénéficier des formidables opportunités économiques de l’océan, nous devons faire en sorte que les ressources marines puissent se régénérer. À Nice, plusieurs engagements seront annoncés en matière de commerce international, de transport maritime, de tourisme et d’investissement. L’économie bleue est aussi une source de coopération régionale, qui se marie avec des enjeux tels que la connectivité et l’énergie renouvelable, pour créer les conditions d’une prospérité durable pour tous. Le Maroc l’a démontré à travers les initiatives qu’il a prises vis-à-vis des États africains.
Enfin, comment protéger ce que l’on ne connaît pas – ou pas assez ? Nous devons accroître notre connaissance de l’océan et mieux la diffuser. Aujourd’hui, nous sommes capables de cartographier la surface de la Lune ou celle de Mars, mais le fond des océans nous demeure inconnu. Ils recouvrent pourtant 70% de la Terre ! Ensemble, mobilisons la science, l’innovation et l’éducation pour mieux comprendre l’océan et sensibiliser davantage le grand public. Je me réjouis des coopérations anciennes que la France et le Maroc ont su bâtir dans ce domaine et continuent d’ailleurs à animer, ainsi que le montre l’accord tout récemment conclu en matière d’hydrographie entre la Marine nationale et la Marine Royale.
Face au changement climatique qui s’accélère et à la surexploitation des ressources marines, l’océan n’est pas un enjeu parmi d’autres. C’est l’affaire de tous. La remise en question du multilatéralisme ne doit pas nous faire oublier notre responsabilité commune. L’océan est un lien universel, il est au cœur de notre avenir.
La France et le Maroc partagent à l’évidence un même attachement à la cause de l’océan, qui puise dans leurs horizons communs, face à l’Atlantique et à la Méditerranée. Comme ils l’ont fait il y a 10 ans pour le climat, nos deux pays peuvent faire à Nice la démonstration de ce que le tandem franco-marocain peut accomplir en faveur de la défense des biens publics mondiaux indispensables à notre avenir commun. Ensemble, nous pouvons faire de l’UNOC3 un tournant majeur pour nos peuples, pour les générations futures et pour notre planète.