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L’humilité de croire sans exclure

“Les Juifs disent : ‘Les Chrétiens ne tiennent sur rien’ ; et les Chrétiens disent : ‘Les Juifs ne tiennent sur rien’, alors qu’ils lisent le Livre ! Ceux qui ne savent rien tiennent un langage semblable au leur. Allah jugera entre eux, le Jour de la Résurrection, sur ce en quoi ils divergent.” (Sourate Al-Baqara, verset 113. Les siècles passent, mais les querelles restent. L’Homme, créature oublieuse, semble condamné à répéter les mêmes dédains.

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De génération en génération, les croyants s’affrontent, chaque communauté érigeant sa foi en citadelle, persuadée d’en détenir seule la vérité. L’autre devient alors l’étranger, parfois même l’ennemi.

Pourtant, derrière ces cloisons dressées par les hommes, le Coran trace une ligne claire et apaisante. Il ne consacre ni la supériorité d’un peuple, ni celle d’une confession. Il appelle à l’humilité. À la lucidité spirituelle. À une vérité plus intime, plus exigeante : celle de la Taqwa, cette piété profonde et sincère qui éclaire les actes et purifie les intentions.

Les querelles des hommes, la sagesse divine

Les versets coraniques dénoncent ces disputes stériles où chacun se croit détenteur d’un monopole sur la vérité divine. Lorsque les Juifs et les Chrétiens s’accusent mutuellement d’être dans l’erreur, c’est leur propre compréhension limitée du divin qui est mise à nu. Car tous ont reçu une Révélation, tous ont entendu l’Appel. Mais au lieu de s’y abandonner avec humilité, beaucoup s’enferment dans l’illusion de la supériorité, réduisant leur foi à une appartenance tribale plutôt qu’à une quête sincère du Très-Haut.

Le Coran, dans sa sagesse intemporelle, rappelle alors une vérité fondamentale : «C’est Allah qui tranchera entre eux au Jour du Jugement» (Sourate Al-Hajj, 22:17). Autrement dit, la dispute n’a pas lieu d’être. Dieu seul est l’ultime arbitre, et Sa balance ne pèse ni les étiquettes, ni les affiliations, mais les cœurs.

Dans ce rappel divin, il y a un avertissement pour tous, mais aussi une invitation à transcender les identités héritées pour se concentrer sur l’essentiel. Une invitation à délaisser l’orgueil dogmatique pour entrer dans la sincérité spirituelle.

La Taqwa : seule mesure de la valeur humaine

La véritable distinction entre les croyants ne se fait pas selon les délimitations humaines, mais selon un critère céleste de la Taqwa. Le Coran l’affirme avec force : «Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous auprès d’Allah est le plus pieux (atqākoum). Allah est Omniscient et Grand Connaisseur.» (Sourate Al-Hujurat, 49:13).

Dans cette parole divine, tout est dit. Les appartenances ethniques, culturelles ou même religieuses ne sont que des cadres, des chemins tracés, mais aucun d’eux n’a de valeur en soi. La noblesse d’un être humain ne repose que sur son degré de piété et de sincérité dans sa relation avec Dieu.

La Taqwa, cette vigilance intérieure, est ce qui fait qu’un cœur tremble à l’évocation du Nom divin, qu’un être se détourne du mal même lorsqu’il est seul, qu’une âme aspire ardemment à la lumière au milieu des ténèbres. Elle est le véritable habit du croyant, celui qui ne se voit pas aux yeux des hommes, mais que Dieu reconnaît instantanément.

Un miroir tendu aux musulmans d’aujourd’hui

Ce message coranique, loin d’être une simple critique des peuples du passé, est un miroir tendu aux musulmans d’aujourd’hui. Car ne commettons-nous pas, à notre tour, cette même erreur ? Ne sommes-nous pas, parfois, enclins à juger les autres à l’aune de leur appartenance, de leur école de pensée, de leur pratique extérieure, oubliant que seul Dieu voit ce qui repose au fond des cœurs ?

Combien se targuent d’être dans la droiture en méprisant ceux qui diffèrent d’eux, alors que peut-être ces derniers, dans leur humilité, sont plus proches de Dieu ? Combien font de la religion un étendard d’exclusion, alors qu’elle fut révélée comme une miséricorde pour les mondes ?

L’islam marocain, dans sa sagesse séculaire, a toujours su préserver cette juste mesure. Héritier d’une tradition où la spiritualité prime le sectarisme, il enseigne que la foi ne se limite pas à des revendications identitaires, mais qu’elle est avant tout une transformation intérieure. Dans les cercles soufis, on murmure souvent cet enseignement : «Ne te soucie pas de la foi des autres, soucie-toi de ta propre sincérité devant Dieu.»

Vers une foi libérée du jugement

Si la seule vraie distinction aux yeux de Dieu est celle de la Taqwa, alors quelle conclusion s’impose à nous ? Que notre rôle n’est pas de peser les âmes des autres, mais de nous purifier nous-mêmes. Que la question n’est pas de savoir qui a tort ou raison dans les querelles de croyants, mais de nous demander, humblement : sommes-nous réellement en quête de Dieu ?

Le Coran nous enseigne que ce n’est pas l’étiquette que nous portons qui sauve, mais l’état de notre cœur. L’orgueil est un voile qui éloigne du divin, tandis que l’humilité est une porte qui y mène. Un musulman enfermé dans le mépris des autres, risque d’étouffer sa propre foi, tandis qu’un homme sincère dans sa quête de vérité, quel qu’il soit, chemine vers la lumière. Car ce n’est ni l’étiquette ni l’affirmation de la foi qui sauvent, mais la réalité vivante de la relation avec Dieu. Voilà une vérité qui devrait nous inciter à plus d’humilité, plus d’intériorité, plus de bienveillance.

Au Jour dernier, lorsque nous comparaîtrons devant notre Seigneur, Il jugera avec justice et vérité, prenant en compte nos croyances, nos intentions et nos actes. Mais ce ne sont ni nos appartenances seules ni de simples revendications qui suffiront, car c’est la sincérité de la foi, accompagnée de la droiture des œuvres, qui pèsera véritablement dans la balance divine. Comme l’enseigne le Coran : «Ce jour-là, ni les biens ni les enfants ne seront d’aucune utilité, sauf celui qui vient à Allah avec un cœur sain» (Sourate Achoura’, 26:88-89)

Dans un monde où les appartenances religieuses deviennent parfois des bannières identitaires plus que des chemins vers Dieu, où les débats enflammés sur les réseaux sociaux attisent le rejet plutôt que l’écoute, il est urgent de revenir à cette sagesse coranique. Se disputer pour savoir qui détient la vérité, sans même s’efforcer de vivre cette vérité, n’est qu’une illusion. Car ce que Dieu regarde, ce ne sont pas les mots que nous brandissons, mais la lumière que nous laissons entrer dans nos cœurs.

Alors, plutôt que de nous perdre dans les jugements hâtifs et les querelles d’ego, recentrons-nous sur l’essentiel : notre propre transformation intérieure. Car au bout du chemin, ce ne sont ni les débats que nous aurons gagnés ni les titres que nous aurons portés qui compteront, mais la graine que nous aurons semée dans notre relation avec Dieu – et ce qu’Il en fera dans Sa miséricorde infinie.
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