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«13 km», pour combler un fossé séculaire

Connect Isdarat, branche édition du Connect Institute, vient de délivrer la dernière publication de Taha Balafrej. Le livre «13 km» pourrait être assimilé à un carnet de voyage anodin, si ce n’est l’entêtement de l’auteur à susciter des questionnements lancinants et à marteler des réalités dérangeantes. Les 13 kilomètres, qui séparent le Maroc de l’Europe, représente en fait un fossé de plusieurs siècles, creusé par la déchéance de l’Andalousie musulmane.

Si vous avez traversé le détroit de Gibraltar dans les années précédentes, vous avez peut-être croisé ce docteur en mathématiques, anciennement directeur de plusieurs institutions de prestige, qui pose des questions, enfonce des portes et emprunte des voies impraticables à la recherche de compréhension. Taha Balafrej, qui a consacré une grande partie de sa vie à l’éducation, au développement durable et à l’inspiration des jeunes, s’acharne actuellement à décrypter les raisons du fossé socio-économique et culturel entre les deux rives de la Méditerranée, à l’approche de 2030 et de son événement fédérateur majeur : la Coupe du monde de football.

À l’issue de plusieurs aller-retour, ponctués de rencontres, de découvertes et de confirmations, Taha Balafrej a tenu à rédiger un minuscule opus d’une grande richesse. «13 km» est une invitation intellectuelle et spirituelle à voyager à travers la Péninsule ibérique, sur les traces du riche héritage andalou. À la fois érudit et passionné, Taha Balafrej voyage dans l’espace comme dans le temps, afin d’explorer les nuances de l’histoire et de la culture de cette région, autrefois marquée par la cohabitation des cultures chrétienne et musulmane.

Une quête d’entendement

«13 km», c’est d’abord un besoin de comprendre. Dès les premières pages du livre, Balafrej partage sa confusion sur le fossé de conscience et de qualité de vie entre les deux rives de la Méditerranée. Il se questionne avec sincérité sur les raisons de ces disparités, malgré la proximité géographique et les similitudes historiques. «Ce qui me tourmente, me vexe, me contrarie, n’a rien à voir avec ma situation personnelle.

Ce qui me révolte, c’est de ne pas comprendre d’où vient ce dépassement, ce fossé, cette différence de niveau de conscience et de qualité de vie entre les deux rives de la Méditerranée, et surtout entre le vécu des populations de chacune de ces deux rives. Malgré la proximité, les ressemblances et le passé commun», s’étonne l’auteur qui a palpé de plus près l’importance de l’héritage des dynasties musulmanes en Andalousie.



Au fil des pages et des voyages, l’auteur nous présente une galerie de personnages fascinants : Lola, gardienne d’une ancienne mosquée, Ramon, tenancier d’un bar en face d’un ancien cimetière musulman, Francisco, le maire d’un petit village chrétien conservateur, mais qui tire sa notoriété d’un ancien Coran découvert sur place, et bien d’autres personnes dans des lieux divers, souvent méconnus du trafic touristique des marocains. Dans ce périple laborieux, Taha Balafrej ne cherche pas seulement à satisfaire sa propre quête de sens, mais aussi à rapporter des histoires à ceux qui ne peuvent pas voyager. Dans la tradition des grands voyageurs, son approche est celle d’un narrateur humble et altruiste, cherchant à encourager les autres à approfondir leur compréhension des choses au-delà des apparences superficielles.

Pour une convergence nécessaire

S’il se décrit comme un voyageur profane mais curieux et motivé, Taha Balafrej n’hésite pas à se donner les moyens pour effectuer une recherche digne des experts en histoire ou en sociologie. Aidé d’un tempérament de battant et d’une incroyable persévérance, il arrive à obtenir des réponses ou des droits de visite. Aucune porte close n’a l’air de lui résister. L’auteur ne se contente pas de raconter des histoires, il compare souvent les réalités des deux rives de la Méditerranée, augmentant parfois le désarroi et l’amertume.

Son but est clair : il veut marteler ces différences pour éveiller les consciences, avec une persévérance qui force le respect. Le périple qu’il opère en Péninsule ibérique lui donne quelques éléments de réponse. «Le détroit, ses deux rives ont connu depuis plusieurs siècles des cycles de souffrances, de domination, d’humiliations, entrecoupées de créativité, de beauté et de prospérité. Accumulant en même temps rancunes, provoquant vengeances, guerres et conflits. Aujourd’hui, plusieurs siècles plus tard, des vestiges témoignent de tout cela», écrit-il.

Toutefois, Balafrej pense qu’il est temps d’aller de l’avant. Il plaide alors pour une convergence socioculturelle entre le Maroc, l’Espagne et le Portugal pour construire un avenir commun harmonieux, loin du fantasme de l’Andalousie arabe ou du paradis perdu. «Les nouvelles générations des deux rives doivent les connaître pour se reconnecter et construire le rêve commun. Un rêve qui, au minimum, devrait assurer le libre déplacement des êtres humains dans un sens, comme cela est déjà le cas dans l’autre», conclut-il.
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