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Book Club Le Matin s’associe au Festival néerlandais «Read My World»

«Book Club Le Matin» et le Festival de littérature «Read My World» viennent de conclure un partenariat stratégique, qui va jeter les bases d’une collaboration culturelle inédite entre les scènes littéraires marocaine et néerlandaise.

À Casablanca comme à Amsterdam, le livre fédère et rapproche. Malgré les différences qu’il peut y avoir entre les deux scènes littéraires, une même conviction prévaut : la littérature est un langage universel, capable de traverser les frontières, pour peu qu’on lui ouvre des canaux de passage. Et c’est dans cette optique qu’un partenariat a été conclu entre le «Book Club Le Matin», initiative culturelle du «Groupe Maroc Soir» à Casablanca, et le Festival international «Read My World» (RMW), basé à Amsterdam. L’objectif de cette association inédite est d’ouvrir un corridor de culture et de création entre les deux pays.

Un rêve né en 2019

La collaboration entre les deux structures n’est pas née d’hier. En 2019, «Read My World» avait consacré l’intégralité de son édition aux écrivains marocains contemporains. L’événement avait permis de révéler huit auteurs marocains aux côtés d’une cinquantaine d’écrivains néerlandais, créant une mosaïque littéraire saluée par la critique et le public. Le succès de l’édition, conjugué aux rapports excellents établis à l’occasion, a permis de maintenir des passerelles littéraires et a nourri le désir de prolonger le dialogue entre les deux pays.

L’équipe néerlandaise a, depuis, cherché un moyen de réitérer l’expérience de 2019, en prolongeant l’échange entre écrivains marocains et néerlandais, en particulier ceux issus de la diaspora marocaine, désireux d’atteindre le public au Maroc. L’opportunité s’est présentée grâce à un appel à projets de collaboration culturelle, lancé par l’Ambassade des Pays-Bas.

En s’associant au «Book Club Le Matin», grâce à des «amis» marocains en commun, le festival a pu concrétiser cette ambition et jeter les bases d’un partenariat durable. Dans ce cadre, l’équipe du «Book Club Le Matin» s’est rendue à Amsterdam à la mi-septembre, pour assister à l’édition 2025 de «RMW» et discuter cette première collaboration.

Une rencontre en 2026

C’est en mai prochain que le partenariat prendra corps à Casablanca, avec un événement phare produit par le «Book Club Le Matin». «Read My World» invite deux écrivaines néerlando-marocaines, Nisrine Mbarki Ben Ayad et Safae El Khanoussi, à dialoguer avec deux écrivains marocains, proposés par le «Book Club», pour échanger autour de thématiques communes.

Pour rester fidèle au concept néerlandais, une production littéraire originale sera demandée aux auteurs et autrices participants, afin de la performer sur scène. Cela peut prendre la forme d’un échange épistolaire ou de réflexions distinctes sur un même sujet. Grâce au travail de traduction, lesdits textes et des extraits des romans de Nisrine Mbarki et de Safae El Khanoussi seront accessibles durant la rencontre, via un sur-titrage en français et en arabe.

D’autres performances artistiques sont envisagées durant l’événement, ainsi que des rencontres avec des étudiants universitaires, afin de traiter des thématiques diverses telles que l’immigration, le féminisme, la démocratie et la traduction. La rencontre publique sera retransmise en ligne, confirmant la vocation inclusive et transfrontalière du projet.

Un transfert de bonnes pratiques

Au-delà des rencontres littéraires, le partenariat ouvre aussi la voie à un véritable transfert de connaissances en matière d’organisation d’événements culturels. L’approche originale de «Read My World» se distingue par sa dimension multidisciplinaire : la littérature y dialogue avec la musique, le chant, la danse et la performance orale, transformant chaque édition en une fête, où les idées et les émotions se conjuguent dans une apothéose artistique.

Le festival accorde une importance particulière à la traduction. Cette démarche s’inscrit dans un travail exigeant de «décolonisation», mené avec des équipes spécialisées, afin de préserver la richesse et la singularité des voix invitées. La traduction est sans doute la force de «RMW». Elle joue un rôle essentiel dans toute entreprise de lien, de communion et de compréhension, permettant d’annihiler la barrière de la langue et par là même celles de l’esprit et du cœur.

Entretien avec Ali Alaoui Sossey, responsable du «Book Club Le Matin»

Le Matin : Dans quelles circonstances le «Book Club Le Matin» et le Festival «Read My World» ont-ils conclu ce partenariat ?

Ali Alaoui Sossey :
Le Book Club cherche, depuis toujours, à évoluer vers de nouveaux formats de promotion du livre et de la littérature. Il se trouve que le Festival «Read My World» avait déjà reçu le Maroc comme invité d’honneur en 2019. Cela a facilité la mise en contact avec ce festival, qui se distingue par un format original, prônant la diversité culturelle et la multidisciplinarité.

Ensemble, nous avons soumis un projet dans le cadre d’un appel d’offres lancé par l’Ambassade des Pays-Bas. Notre proposition a été retenue parmi une cinquantaine de candidatures. Le projet est intéressant à plus d’un titre. D’abord parce que cela permet une collaboration entre les deux pays, le Maroc et la Hollande, sachant qu’il y a une large communauté marocaine basée aux Pays-Bas, dont une intelligentsia remarquable que l’on a envie de faire connaître ici. Ensuite, ce partenariat nous permettra de profiter de ce format original pour essayer de l’adapter aux besoins locaux. Et je pense que le public marocain sera très réceptif à cette nouvelle façon de consommer la littérature et la culture en général.

Cette collaboration est certes culturelle, mais y a-t-il une dimension diplomatique ?

Évidemment, la diplomatie culturelle est un axe très important. Je pense que le livre, l’art et la culture sont autant de véhicules qui permettent le rapprochement des idées entre les nations. Aujourd’hui, de par son rôle régional et international, le Maroc cherche de nouvelles voies de communion avec le monde. On a vu le succès de la diplomatie sportive, et moi je suis convaincu que l’on peut faire autant, si ce n’est plus, grâce à la diplomatie culturelle.

Donc on démarre l’expérience avec la Hollande, mais rien ne nous empêche de la dupliquer avec d’autres pays. Cela nous permettra d’abord d’établir des ponts avec notre diaspora, ensuite d’échanger avec d’autres pays, de défendre nos valeurs et nos causes nationales, et de présenter le modèle marocain qui évolue en dehors des discours officiels, à travers les mots et les regards de ses artistes et de ses écrivains. Ceci constitue une richesse à tous les niveaux.

Quand on parle diaspora, on pense accessibilité de la langue. Malheureusement, on ne peut comprendre que les écrivains francophones. Comment le «Book Club» compte-t-il juguler la barrière de la langue ?

Assister à «Read My World» nous a justement permis de voir comment cette difficulté a été gérée intelligemment. En effet, le festival se distingue par le plurilinguisme de ses performances. Et nous avons remarqué l’importance accordée à la traduction de toutes les productions lues sur scène, avec des sur-titrages en anglais et en néerlandais.

C’est un travail sérieux qui se fait au préalable et qui permet à l’audience de comprendre des textes écrits en arabe, en français, en espagnol ou en d’autres langues. Donc, nous, au «Book Club», nous pensons qu’il y a là quelque chose à prendre et à développer. Nous allons essayer de travailler avec des partenaires et des fonds pour favoriser la traduction des œuvres de notre diaspora. C’est un axe stratégique pour l’avenir.

Entretien avec Willemijn Lamp, fondatrice et présidente du Festival «Read My World»

Le Matin : Que représente cette collaboration avec le «Book Club Le Matin» ?

Willemijn Lamp : C’est un rêve devenu réalité. Depuis le moment où j’ai lancé l’aventure du Festival «Read My World», mon idée, sur le long terme, était de voir ce format se développer dans d’autres pays, sans que j’en sois la productrice. C’est-à-dire que des partenaires et amis s’en chargent dans leur pays, et que nous collaborions ensemble sur la durée. L’essentiel est que l’écrivain, le poète, le journaliste et l’artiste bénéficient de cet échange. La traduction jouera un rôle important pour passer du néerlandais vers l’arabe et le français, et vice versa.

Le choix du Maroc pour ce premier pas vers l’expansion ?

Disons que c’est le choix de l’amitié. En 2019, nous avons reçu des écrivains marocains grâce aux commissaires Mahi Binebine et Fedwa Misk, qui avaient généreusement invité un très beau groupe d’écrivains, poètes et journalistes. De là est née une amitié, mais aussi le désir de continuer à travailler ensemble. En outre, nos amies Nisrine Mbarki et Safae El Khanoussi sont aujourd’hui des figures incontournables de la scène littéraire néerlandaise. Leurs origines marocaines rendaient naturel le souhait de présenter leurs œuvres dans leur pays d’origine, à la fois pour la reconnaissance et pour la compréhension mutuelle. Comme Nisrine est aussi une grande traductrice, elle a une capacité unique à connecter les gens et les bonnes volontés. Cela a participé à ce choix du Maroc comme première escale internationale.

Pourquoi avoir choisi le «Book Club Le Matin» comme partenaire ?

Je trouve que le «Book Club Le Matin» organise de très belles rencontres, avec des discussions inspirantes que j’ai pu découvrir sur sa chaîne «YouTube». D’ailleurs, le livestream est une excellente initiative qui nous inspire énormément. Mais au-delà de ça, je pense que nos deux organismes partagent les mêmes valeurs : offrir aux auteurs des espaces pour exprimer leur talent, leurs idées, et engager des conversations dont le public a besoin en ces temps troublés. Car sans conversation, les gens restent enfermés dans les préjugés et dans l’incompréhension. C’est pour cela qu’il est important que les personnes se rencontrent physiquement et se parlent les yeux dans les yeux.

Il fallait donc absolument trouver une institution solide, mais surtout une structure avec laquelle nous partagions des valeurs. Car c’est seulement ainsi que la collaboration naît du cœur et des tripes, plutôt que d’être une simple transaction pragmatique.

Peut-on parler de diplomatie culturelle à travers ce partenariat ?

Je pense que tout événement international entre écrivains ou artistes constitue un espace pour mieux se connaître à travers une perspective différente – non pas économique ou politique, mais à travers le cœur et l’âme des gens. C’est là même le pouvoir de l’art, et je crois personnellement qu’il est plus fiable que tous les discours.

Bien sûr, parler argent, économie et politique est essentiel. Mais parler culture, c’est échanger sur une sphère plus profonde. Je pense que la culture ne doit pas être asservie par la diplomatie, mais avoir un pouvoir égal, capable de connecter les gens et les nations plus durablement.
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