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Dans l’art contemporain islamique, la foi est dans la vie quotidienne (Muhannad Shono)

À la Biennale des arts islamiques 2025 à Djeddah en Arabie saoudite, placée sous le thème «Et tout ce qui se trouve entre les deux», l'artiste multidisciplinaire saoudien Muhannad Shono explore la manière dont l'art contemporain dialogue avec l'héritage islamique. Offrant une plateforme holistique pour un nouveau discours sur les arts islamiques, la Biennale crée un espace sans précédent pour l'apprentissage, la recherche et la réflexion. Dans cet entretien, Muhannad Shono, commissaire de l’art contemporain à la biennale, revient sur l'importance de cet événement pour les artistes du monde islamique, les défis de la création contemporaine et l'évolution de la scène artistique saoudienne.

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Le Matin : En tant qu’artiste saoudien, comment percevez-vous la Biennale des arts islamiques comme un espace d’expression des identités culturelles contemporaines tout en respectant l’héritage ?

Muhannad Shono : La foi islamique est un système vivant, profondément ancré dans notre tissu social et culturel. La Biennale crée un espace où les expressions contemporaines peuvent dialoguer avec notre riche héritage. Ce qui rend ce moment unique, c’est que nous ré-imaginons les cadres existants de compréhension des beaux-arts, qui, en Europe, ont été perçus à travers une lentille séculière particulière depuis la Renaissance. L’art contemporain issu des cultures islamiques considère la foi comme une partie intégrante de la vie quotidienne, imprégnant chaque aspect de l’existence. Grâce à cette plateforme, nous pouvons explorer comment les artistes d’aujourd’hui réinventent et transforment notre compréhension collective tout en maintenant des liens profonds avec nos traditions.



Quel rôle joue la Biennale des arts islamiques dans la mise en valeur des artistes arabes et la réinvention de l’art islamique contemporain ?

La Biennale rassemble les notions de pensée et de civilisation islamiques à travers des objets et artefacts du passé et du présent, en les plaçant dans un dialogue avec l’art contemporain. Cette interaction invite les artistes à ré-imaginer et à créer des œuvres qui répondent à l’évolution de notre époque. Les perspectives, visions et voix des artistes ayant un lien personnel avec la foi islamique ne sont pas seulement puissantes, mais essentielles, car elles nous permettent d’imaginer de nouvelles manières individuelles et collectives d’être, de créer et de comprendre. Il est crucial de dissiper l’idée selon laquelle la créativité et l’art seraient nouveaux dans cette région ; ils font partie de notre culture depuis des siècles. La différence aujourd’hui est que l’art de notre région bénéficie d’une reconnaissance et d’une attention internationales.

Quels défis un artiste doit-il relever pour participer à un événement international comme celui-ci, où les attentes allient tradition et innovation ?

Nous demandons aux artistes de naviguer entre l’hommage à nos traditions et la recherche de l’innovation. Le défi réside dans la capacité à créer des moments de rupture pour déstabiliser des réalités plus formelles et rigides, tout en respectant nos fondements culturels. Il ne s’agit pas d’oublier le passé, mais de l’utiliser comme une source d’inspiration et un outil d’apprentissage afin de mieux comprendre et exprimer les enjeux contemporains.

Quels éléments spécifiques de l’art islamique ou de la culture saoudienne souhaitez-vous mettre en avant lors de la Biennale des arts islamiques ?

À travers la Biennale, nous explorons les dimensions vastes, illimitées et immatérielles de l’art et de la culture islamiques. Nous interrogeons la structure de l’espace et expérimentons des manières d’adoucir, d’étendre et de réinventer ses limites, sa perception et sa matérialité. Un aspect particulièrement mis en avant est la manière dont les artistes s’inspirent des pratiques traditionnelles de la géométrie, de la mesure et de l’art des nombres pour créer de nouvelles œuvres, établissant ainsi une continuité entre passé et présent. La Biennale met, également, en lumière le jardin dans la civilisation islamique – un jardin de concepts et d’idées – grâce à des œuvres in situ qui ouvrent des espaces liminaires entre le réel et l’idéal, l’ordinaire et l’extraordinaire.

Comment pensez-vous que la Biennale des arts islamiques reflète les évolutions de la scène artistique en Arabie saoudite et dans le monde arabe ?

Lorsque nous pensons à l’Arabie saoudite aujourd’hui, le mot «changement» s’impose. Nous vivons un moment de transformation profonde, et les artistes qui travaillent ici y sont particulièrement sensibles. Une partie de ce changement repose désormais sur l’acceptation du pouvoir de l’imagination humaine à remodeler le monde qui nous entoure, à transformer notre perception collective de la réalité. La Biennale reflète cette évolution en offrant une plateforme aux voix établies et émergentes, montrant comment les artistes contemporains interagissent avec nos traditions. Ce qui est enthousiasmant, c’est le nouveau dialogue qui s’instaure entre héritage et innovation, nous permettant d’imaginer de nouvelles manières d’être tout en restant ancrés dans nos racines.

Parcours de l'artiste

Muhannad Shono est un artiste multidisciplinaire, formé à l'architecture et travaillant sur différents supports. À travers des œuvres intimistes sur papier, des interventions in situ, des œuvres sculpturales et des installations robotiques, il s'est imposé comme l'une des voix artistiques les plus originales d'Arabie saoudite. Les principaux moteurs de sa pratique s'appuient sur la mythologie, l'utilisation de la ligne, du vide et des matériaux naturels et récupérés pour créer des récits spéculatifs et génératifs. Il a représenté l'Arabie saoudite à la 59ᵉ exposition internationale d'art – La Biennale di Venezia avec son projet The Teaching Tree (2022). Il a participé à des biennales et festivals dans différents pays.

Il a exposé dans diverses expositions collectives et individuelles au Moyen-Orient et à l'étranger. Les œuvres de Shono font partie des collections du British Museum, Londres ; de la Jameel Art Foundation, Dubaï ; du Centre Pompidou, Paris ; de l'Ithra Art Centre, Dammam ; et de la Fondation Al-Mansouria, Riyad. Shono est le lauréat du Prix culturel national des arts visuels 2021-2022, Arabie saoudite.
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