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Faten Safieddine : «Marrakech a autant d’atouts que Paris»

À presque deux mois du début de sa célébration comme Capitale de la culture dans le monde islamique, la ville ocre ne dévoile pas encore ses intentions. Historienne de l’art, artiste et militante de la culture à Marrakech, depuis trente ans, Faten Safieddine explique les atouts et les besoins de sa ville de cœur, pour briller de mille feux.

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C’est le 1er mai dernier que le ministre de la Culture a déclaré que Marrakech serait la Capitale de la culture dans le monde islamique en 2024. Depuis, aucune information sur la vision ou sur le programme de cet événement n’est parvenue à la presse. Si le séisme d’Al Haouz a détourné la ville de ses préparatifs, une communication franche et généralisée s’impose aujourd’hui, pour donner à l’événement le rayonnement escompté. «Il est plus que temps que les départements de la Communication, de la Culture et du Tourisme se mobilisent de concert avec la municipalité, pour bombarder les rues d’information.



Lorsqu’on va dans les grandes capitales de la culture dans le monde, la culture est dans la rue. Les affichages sont partout et les agendas accessibles facilement», nous explique Faten Safieddine, artiste et historienne de l’art, mais surtout une militante pour la valorisation de la culture à Marrakech, depuis plus de trente ans. La jeune association Turath, dont elle est vice-présidente, s’active actuellement dans la préservation de l’architecture traditionnelle malmenée par le séisme. Mais l’organisation a de plus grandes ambitions pour faire reluire le patrimoine matériel et immatériel de la ville impériale. Pour ce faire, les autorités responsables doivent ouvrir le dialogue et fluidifier les échanges pour laisser œuvrer les parties compétentes de la société civile.

Marrakech et ses atouts

Avec son histoire riche de plus d’un millénaire, Marrakech se dresse en tant que l’une des perles des villes impériales du Maroc qui pourrait toutes prétendre au titre de capitale de la culture. Faten Safieddine souligne la diversité exceptionnelle de son patrimoine, allant de l’architecture islamique aux vestiges coloniaux. La culture immatérielle est solidement ancrée dans la ville, avec un héritage artisanal et des savoir-faire millénaires, notamment depuis l’époque des Almohades. Même la culture orale demeure palpable, bien qu’elle nécessite une vigilance accrue pour sa préservation. De plus, Marrakech abrite une communauté florissante d’artistes, d’écrivains et de créateurs dans des domaines allant de la littérature aux arts plastiques en passant par le cinéma. Au tournant des années 2000, la ville a connu une transformation majeure avec l’arrivée d’artistes et de galeries d’art, et la pandémie de la Covid-19 a insufflé une nouvelle vitalité avec l’installation d’artistes venus d’horizons divers, pour enrichir l’environnement culturel. En outre, le Festival international du film de Marrakech continue de briller comme l’événement cinématographique le plus important du Maroc. Selon Faten Safieddine, «Marrakech a autant d’atouts que Paris, si ce n’est plus ! Qu’est-ce qui reste du Paris médiéval par exemple ? Alors qu’à Marrakech nous avons encore des habitats et des rues d’époques lointaines, en plus d’un héritage architectural qui remonte aux Almohades au minimum. Si l’on profite bien de cette désignation, Marrakech seule devrait attirer vingt millions de touristes», affirme Faten Safieddine.

A Marrakech, le tourisme n’est pas tellement culturel

Mais avec tout le patrimoine de la ville ocre, le secteur du tourisme ne s’appuie pas assez sur les atouts culturels de la ville, si l’on compare Marrakech à d’autres villes touristiques du monde. Le shopping et le divertissement sont davantage mis en avant, bien que les monuments historiques ne manquent pas, et ce en raison d’une offre attractive d’animation des lieux. En effet, l’un des facteurs contribuant à cette situation est le défi de découvrir ces trésors culturels de manière informative, immersive et moins contraignante que les visites guidées en groupes. «Dans l’idéal, les visites des monuments historiques seraient digitalisées et le visiteur, muni d’un casque, peut découvrir librement un endroit et là, même les Marrakchis peuvent redécouvrir leur ville incroyablement riche», explique la militante qui souligne le nombre incalculable de riads qui peuvent recevoir des visites organisées. Et d’ajouter : «À Turath, nous pouvons également proposer plusieurs circuits patrimoniaux, différents des circuits touristiques ordinaires, par exemple le circuit de l’eau ou de l’ingénierie hydraulique, le circuit spirituel, le circuit artisanal ou encore le circuit des jardins», pour dire que la créativité a toute sa place dans la mise en valeur du patrimoine.

D’un autre côté, l’historienne assure que la ville bénéficierait grandement de la création de monuments publics modernes dédiés à la culture. Elle souligne que le Grand Théâtre de Marrakech aurait pu être un joyau culturel majeur, ancrant le patrimoine culturel dans la modernité et initiant une dynamique culturelle vivante. Quant aux différents lieux de culture existants, notamment les galeries d’art, les cinémas et les salles de spectacle, la communication franche et agressive reste la clé pour attirer les visiteurs. «En dehors des grands festivals, les affiches pour annoncer les événements sont quasi inexistantes, alors que les campagnes de pub inondent le paysage», déplore Faten Safieddine qui pense que la ville et les institutions de l’état doivent mettre les moyens humains et financiers pour transformer le paysage visuel, afin qu’il rende hommage au patrimoine Marrakech et à sa désignation méritée comme capitale de la culture du monde islamique.
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