Une ouverture placée sous le signe du dialogue
La soirée inaugurale du jeudi 25 septembre a donné le ton. Le groupe Tania Giannouli Trio (Grèce/Allemagne) a ouvert le bal avec une formation atypique piano, trompette, «Oud», mariant jazz contemporain et influences méditerranéennes. Leur prestation a trouvé un écho dans la virtuosité du maître percussionniste marocain Abdelfattah El Houssaini, figure emblématique des percussions afro-orientales, qui a enrichi la performance de son souffle rythmique.
La suite de la soirée a confirmé cette volonté de croiser les univers : la saxophoniste française Céline Bonacina, entourée de son quartet «Jump» ont livré un dialogue vibrant entre jazz et «Maqâms» traditionnels avec le duo marocain Hamza Bennani Smires (trompette) et Driss Nigra (Oud). Ils ont entraîné le public dans une fusion festive et énergique, teintée d’influences internationales.
Au-delà des concerts, le Festival a proposé un spectacle de rue pour amener le jazz au cœur de la ville, ainsi qu'un atelier autour des percussions par le batteur Stéphane Galland. Un atelier de création collective animé par le rappeur marocain Tchubi et ses complices est programmé le dimanche à Casablanca.
Déclaration de Dimiter Tzantchev, ambassadeur de l’Union européenne au Maroc
«La 27ᵉ édition du Festival Jazz à Rabat marque une étape majeure dans le développement de cet événement emblématique. Après plus de vingt-cinq ans sous le nom de Jazz au Chellah, le Festival s’installe aujourd’hui dans le Parc Hassan II, dans un nouvel écrin au cœur de la capitale, et adopte sa nouvelle dénomination. Cette évolution reflète la vitalité du Festival et son rôle central dans la vie culturelle de Rabat, reconnu à la fois au Maroc et à l’international.
Le programme de cette année, conçu par Majid Bekkas et Jean-Pierre Bissot, met en valeur la diversité musicale et le dialogue entre artistes marocains et européens. Les concerts proposent jazz classique, sonorités contemporaines et fusions inédites avec blues, musique urbaine et gnaoua. Chaque concert et chaque soirée sont uniques. Le Festival donne la chance au public marocain et international de voir comment la culture et le partenariat entre le Maroc et l'Union européenne dans le domaine de la culture rassemblent les peuples de deux côtés de la Méditerranée.
Cette édition revêt une dimension symbolique supplémentaire, puisqu’elle coïncide avec le 25ᵉ anniversaire de l’Accord d’association entre le Maroc et l’Union européenne. Le festival demeure un espace de rencontres, de partage et de découvertes musicales, fidèle à l’esprit du jazz comme musique de paix et d’échange.»
Entretien avec Majid Bekkas, directeur artistique du Festival Jazz à Rabat (côté marocain)
Le Matin : Cette année, le Festival change de nom et de lieu. Qu’apporte ce changement, selon vous ?
Majid Bekkas :
Comment se distingue cette édition par rapport aux précédentes ?
Cette édition est marquée par une place importante accordée à la jeunesse. De nombreux artistes marocains se produisent pour la première fois sur scène. Certains d’entre eux venaient enfants en simples spectateurs, accompagnés de leurs parents passionnés de jazz. Aujourd’hui, ils reviennent en tant que musiciens confirmés, comme Hamza Bennani Smires ou Tchubi. C’est une véritable transmission générationnelle.
La programmation européenne, quant à elle, met en avant plusieurs formations féminines qui viennent enrichir le dialogue musical et donnent une idée du jazz féminin européen.
Comment se fait le choix des artistes ?
Nous travaillons en binôme : un directeur artistique côté européen et moi-même côté marocain. Ensemble, nous écoutons, comparons et pensons les rencontres. Nous cherchons des musiciens ouverts à l’échange, virtuoses de leurs instruments et capables de dialoguer avec d’autres styles. Par exemple, si un groupe européen arrive sans percussionniste, nous intégrons un maître marocain des percussions afin de créer une formation inédite. J’essaie également de refléter la richesse musicale du Maroc : la musique gnaoua, amazighe, orientale, mais aussi le jazz marocain contemporain.
Outre les concerts, quelles initiatives ont été mises en place pour rapprocher le festival de son public ?
Dès l’ouverture, un concert «off» a été organisé place Bab El-Had, avec la rencontre entre des musiciens marocains et européens : Mehdi Qamoum, figure montante de la scène gnaoua marocaine, Axel Camil, saxophoniste reconnu pour son jeu énergique et inventif, et Guillaume Egginton, trompettiste à la sonorité vibrante.
De plus, il y a des ateliers participatifs. Le batteur belge Stéphane Galland a animé une master class autour des percussions à Rabat. Un atelier de création musicale est programmé dimanche au centre culturel Les Étoiles à Casablanca, réunissant de jeunes talents marocains et des artistes européens.
Ce dialogue musical contribue-t-il, selon vous, au rapprochement culturel entre le Maroc et l’Europe ?
Absolument. Ce festival a toujours été conçu comme un espace de dialogue interculturel. C’est l’ADN même de «Jazz à Rabat» : unir le jazz européen et les musiques marocaines, dans toute leur diversité, pour offrir au public une expérience unique.
Programme du samedi 27 septembre
• Concert du chanteur et multi-instrumentiste Mehdi Qamoum (Maroc). Il sera entouré de Aziz Ouzouss (Ribab), Boubaker El Gordo (Qarqabou, choeur) et Anouar Bazdim (Qarqabou, chœur).• Show de A.M.E Trio (Belgique) réunissant Aurélie Charneux (Clarinette), Marine Horbaczewski (Violoncelle) et Eve Beuvens (Piano). Leur jeu collectif se caractérise par une grande liberté d’interprétation, où les timbres s’entrelacent pour former des paysages sonores inattendus.
• Concert de Bab L’Bluz Quartet (Maroc) avec Yousra Mansour (Awicha, voix), Brice Bottin (Guembri), Brahim Terkemani (Batterie) et Nizar Dahmani (Percussions).
• Concert de Lina Nyberg Quartet (Suède). Le public a rendaient Lina Nyberg (Voix, compositions et arrangements), Daniel Karlsson (Piano), Mauritz Agnas (Contrebasse) et Peter Danemo (Batterie). Née en 1970 à Stockholm dans une famille d’artistes, la chanteuse et compositrice Lina Nyberg s’est imposée comme l’une des voix les plus créatives et innovantes du jazz scandinave.
