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Le Maroc au Babel Music XP à Marseille : récit d'une participation remarquable

Lors de la troisième édition de Babel Music XP à Marseille, l’industrie musicale marocaine a marqué les esprits avec une délégation riche et variée. Festivals emblématiques, artistes, managers et acteurs du secteur ont représenté la diversité et la vitalité du paysage musical marocain. Dans cet entretien, Youssef Kamal, fondateur du collectif Maroc Festivals, revient sur l’impact de cette participation, les opportunités de collaboration et les défis de l’exportation des artistes marocains.

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Le Matin : Quelle évaluation faites-vous de la participation du Maroc à Babel Music XP cette année, en termes de représentation des festivals marocains et d’impact sur l’internationalisation de la culture marocaine ?

Youssef Kamal :
Le Collectif Maroc Festivals, grâce au soutien du ministère de la Culture, a réuni, à Marseille cette année, 12 festivals marocains dont 5 des plus importants du pays : Gnaoua d’Essaouira, Timitar d’Agadir, L’Boulevard et Jazzablanca de Casa auxquels nous ajoutons le marché de la musique Visa For Music. Ils ont offert une force et une très belle dynamique à toute la délégation qui a bénéficié de l’aura de ces 5 grands festivals.

La représentation des festivals marocains a donc été d’un très haut niveau et l’impact sur l’internationalisation de la culture marocaine, dans notre cas de la musique marocaine, est très puissant puisque nous avons rencontré plus de 250 professionnels sur notre stand dont la majorité est constituée d’acheteurs (programmateurs de salles de spectacles et de festivals) des 5 continents.

Ce n’est pas tout : les autres membres de la délégation ont montré que l’écosystème musical marocain existait bel et bien puisque nous avions avec nous toute la chaîne de valeur de l’écosystème musical : la Fondation Hiba, le BoulTek et Visa for Music qui détectent les futurs talents et offrent de très nombreuses formations et master class, Jihane Bougrine, première chanteuse marocaine à avoir signé avec Universal en 2019, le studio Hiba et son responsable, Nader Khairi, qui a pu présenter cet exceptionnel outil de dernière génération au service des artistes, le management d’artistes qui a le rosters marocain qui s’exporte le plus : Hicham Kabbaj qui gère la carrière de Hamid El Kasri, Mehdi Nassouli, la diffusion live représentée par les festivals et le marché Visa For Music, mais aussi par 3 salles, les deux salles emblématiques de la Fondation Hiba : la Renaissance et la Scène représentées par le directeur de la Fondation Marwane Fachane et la toute nouvelle salle à Marrakech El Kantara, enfin la billetterie était représentée par le nouveau gamer de ce marché florissant : Wanaut fondé par Ayoub Koutar.

Ainsi tous ces acteurs ont pu présenter leurs activités à l’ensemble des professionnels internationaux venus de plus de 35 pays. J’ajoute que nous sommes très fiers d’avoir été sur ce Salon la délégation la plus complète au niveau de la chaîne de valeur. Quant à l’impact, il ne pourra se mesurer que dans 18 mois puisque le cycle de vente du booking d’artistes se réalise de 6 à 18 mois.

Comment le public et les professionnels présents à Babel Music XP ont-ils perçu la présence du Maroc ? Y a-t-il eu des retours qui vous ont marqués ?

Nous étions la plus forte délégation du monde arabe et du continent africain donc nous avons forcément été très visibles et remarqués. Je suis présent sur les salons, avec Brahim El Mazned, depuis 2006 ; et je peux vous dire que ce n’est pas du tout le même impact à 2 et à 15 surtout avec la présence des locomotives que sont les 4 festivals précités. L’importance de cette délégation a encouragé les organisateurs à inviter deux membres de notre délégation, Marwane Fachane et Cyril Foucault, à des tables rondes ; ce qui a renforcé le rayonnement du Maroc auprès du public.

La perception du public peut s’illustrer par deux retours de professionnels : les Brésiliens qui avaient un grand stand sont venus me voir à la fin du Salon pour me dire : «L’année prochaine, on va demander l’emplacement voisin au vôtre parce que c’est vous qui attirez le plus de monde !» et puis l’autre retour qui est à noter est le nombre impressionnant de nos compatriotes établis en Europe, qui évoluent dans la musique et qui sont venus nous dire combien ils étaient fiers de voir un stand Maroc, c’est extrêmement touchant et, surtout, cela laisse imaginer le potentiel et les perspectives pour l’export de la musique marocaine si nous partageons des projets avec nos compatriotes vivant aux quatre coins du monde. À ce propos, la Fondation Hiba est une excellente porte d’entrée pour les Marocains du monde qui souhaitent se rapprocher de leur pays d’origine parce qu’elle est crédible, fiable et sait fédérer les acteurs, ce qu’elle a parfaitement démontré à Marseille.



Quels nouveaux partenariats ou collaborations avez-vous établis grâce à la participation de Maroc Festivals à Babel Music XP ?

Le cycle de vente d’artistes est très long, donc l’évaluation chiffrée ne pourra être consolidée qu’à fin 2026. Ceci dit, vu le nombre de contacts pris et la quantité de demandes de rendez-vous avec les acteurs marocains via l’application du Salon, de très nombreuses opportunités ont pu se présenter et continueront à arriver ces prochains mois, c’est indéniable.

Les festivals ont pu partager leur expérience avec les autres festivals présents et ont imaginé des idées de projets ensemble : cofinancer des résidences d’artistes du Maroc et d’ailleurs et co-organiser une mini-tournée par exemple.

La Fondation Hiba a créé avec Babel Music XP le Prix Trans Med qui permettra au lauréat d’enregistrer son futur album au Studio Hiba à Casa puis programmer cette création sur deux ou trois dates au Maroc puis deux ou trois dates autour de la Méditerranée, ce projet est structurant.

Notre Collectif a entamé des discussions avec tous les réseaux de festivals présents à Babel Music : par pays avec les institutions nationales qui chapeautent la musique : Brésil, Canada, France, Italie, Pologne, Norvège puis par continent avec UpBeat d’Europe centrale, Zone franche d’Europe et le Forum of World Music Network. Nous avons aussi avancé sur des projets avec les États-Unis, mais il est un peu tôt pour en parler.

Nous avons aussi échangé avec les agences de booking pour étudier les possibilités d’intégrer nos artistes marocains dans leur catalogue afin de faciliter la distribution par pays. Il est essentiel que nous puissions intégrer ces réseaux ; et pour réussir, nos artistes doivent en urgence pouvoir bénéficier d’un système qui aide à la mobilité. Maroc Festivals le fait à son niveau, mais nous sommes en concurrence avec des pays qui financent la totalité du coût du voyage de leurs artistes pour aller jouer à l’international. Donc comment nos artistes peuvent-ils s’aligner ? En l’espèce, il s’agit de dumping totalement officiel et assumé, malheureusement nous ne pouvons pas lutter.

La bonne nouvelle est que l’actuel ministre de la Culture, M. Bensaïd, a parfaitement compris l’enjeu et il est en train de trouver des solutions pérennes et efficaces pour ce frein à l’export de nos artistes.

Selon vous, quel est le rôle des festivals dans la diplomatie culturelle du Maroc, et comment contribuent-ils à améliorer l’image du pays à l’échelle internationale ?

Chaque Marocain, à son niveau, peut et doit contribuer à l’image du Royaume donc les festivals ont leur part. Tous les professionnels que nous avons rencontrés s’accordent à dire que le Festival Gnaoua et musiques du Monde d’Essaouira est l’ambassadeur le plus emblématique à l’international. La musique Gnaoua a totalement été réhabilitée depuis 26 ans grâce aux efforts du Festival d’Essaouira et à l’Association Essaouira Mogador qui ont permis l’inscription de ce courant musical marocain sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, ce qui est un outil puissant au service de notre diplomatie. Il suffit de lire les médias anglophones et de voir les reportages comme celui sur «CBS» fin 2023 : les images ne mentent pas, tout est dit dans ce reportage sur «CBS».

Et puisque nous sortons d’un Salon professionnel qui sert à générer de la valeur, parlons finances : si le Maroc avait dû payer les minutes extrêmement positives sur «CBS», quel en aurait été le prix ? Assurément bien supérieur au coût du Festival Gnaoua.

Enfin, comparons ce qui est comparable : quel autre pays de la région, à part le Maroc, offre autant de concerts par an à sa population ? N’oublions pas que l’accès à la culture est un des indicateurs importants de bonne santé générale d’un pays d’après les critères de l’Indice du développement humain du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement).

Mawazine par sa diversité et la présence des plus grandes stars du moment, Timitar par son travail remarquable de préservation des musiques amazigh et L’Boulevard sont aussi des phares culturels pour le Royaume vers les horizons internationaux.

Le Boulevard, en particulier, bénéficie d’un immense respect de tout le milieu mediatico-artisitique mondial du fait de sa résilience, de sa ténacité et surtout de son audace éditoriale qui a contribué à propulser 99% de la scène musicale actuelle.

Le Maroc est d’ailleurs le seul pays du monde arabo-musulman et d’Afrique à avoir des groupes de hard rock et deux festivals de Métal : le Boulevard et Tricinty à Rabat. C’est la preuve imparable des valeurs de progrès, de tolérance et d’ouverture sur le monde, qui servent notre image surtout auprès des observateurs internationaux.

D’une façon générale, à travers les festivals, ce sont nos artistes qui offrent une image extrêmement positive du Royaume à l’internationale, qui peuvent contribuer à rapprocher les peuples et permettre d’ouvrir à nouveau le dialogue lorsqu’il est, parfois, rompu.

Lorsque le groupe Doueh de Dakhla, en 2017, a effectué une grande tournée internationale avec plus de 60 concerts dans 12 pays, dont les États-Unis et la France, pays qui n’avaient pas encore pris la position nette d’aujourd’hui, les artistes ont passé des messages très positifs et les festivals qui les ont reçus aussi, certes, à leur niveau, mais ils ont contribué à la diplomatie culturelle et au rayonnement du Royaume et il faudrait continuer dans ce sens. Yousra, la charismatique chanteuse du groupe Bab L’Bluz, entame toujours ses concerts par un mot sur la Palestine tout en appelant à la paix, au respect de toutes les religions et de toutes les minorités, et en condamnant toute forme de violence, elle résume parfaitement, à mon sens, les valeurs du Maroc : fermeté sur ses convictions, mais avec tolérance et ouverture sur le monde. Ce message courageux et engagé, diffusé par une artiste marocaine à chaque concert devant un public international captif très nombreux (160 concerts en 2024), est un symbole fort qui illustre la maturité de la jeunesse marocaine et contribue assurément à l’image positive du Royaume, traditionnel et séculaire par la musique et progressiste par les textes.

Après cette participation à Babel Music XP, quels sont les projets à venir pour Maroc Festivals ?

Après avoir rencontré les professionnels sur un marché, les prochaines étapes visent à faire découvrir aux programmateurs étrangers les festivals marocains et, donc, nos artistes. En concertation avec chaque festival, nous inviterons un ou deux programmateurs qui pourront rencontrer les artistes marocains et voir leurs prestations devant leur public afin de mesurer, in vivo, le talent de ces artistes.

Ces programmateurs constateront aussi l’exigence des grands festivals en termes d’organisation et d’accueil ainsi que tous les atouts touristiques des villes visitées. Nous nous efforçons de toujours d’intégrer la dimension touristique dans nos échanges, la plupart des festivals dans le monde sont ancrés dans leur territoire et ce sujet est primordial pour nous tous puisque les deux secteurs se nourrissent mutuellement et un festival ne peut exister sans sa dimension territoriale et touristique.

Nous participerons bien sûr à Visa For Music en novembre et très probablement au Forum des ICC organisé par la Fondation Hiba début décembre.

Et tout au long de l’année, nous allons échanger entre festivals pour préparer un plaidoyer qui sera remis, entre autres, à la FICC en fin d’année sur plusieurs sujets, dont la fiscalité, les licences de spectacle et bien sûr l’export des artistes.

En parallèle, nous démarrons un programme d’accompagnement spécifique et/ou de mentora auprès des festivals émergents, encadrés sur la base du volontariat par les grands festivals marocains. Nous avons sélectionné pour 2025 le Local Spring Festival de Tanger, Tricinty de Rabat et le Zamane Festival de M’hamid Ghizlaine.

Enfin, grâce au soutien du ministère de la Culture, nous partons à la rencontre d’associations culturelles qui se situent dans le rural et sur l’axe Al Hoceïma/Nador-Assa-Aousserd pour étudier les possibilités de les accompagner dans leur projet de festival pour leur faire gagner du temps dans tout le process d’apprentissage de l’organisation et, nous le souhaitons, pour assurer la réussite de leur projet.

Quel rôle joue la formation continue des artistes marocains dans leur professionnalisation et leur capacité à se produire sur la scène internationale ?

Vous abordez un sujet crucial : la professionnalisation des métiers de la musique. La transmission de l’art musical n’est pas encore vraiment organisée et surtout n’est pas modélisée. Ce qui entraîne une très grande déperdition de talents qui abandonnent ou même qui ne commencent jamais à l’international faute d’encadrement adéquat.

L’initiative du Festival Gnaoua d’inviter Berklee, la plus grande école de musique du monde, basée à Boston, pour organiser une formation d’une semaine à Essaouira est une chance à saisir pour les musiciens professionnels émergents.

Cette école serait un des maillons indispensables et un booster pour la trajectoire d’un artiste vers l’export si cette école mythique s’installait au Maroc.

Pour bien comprendre cette opportunité unique de Berklee au Maroc c’est comme si le Real Madrid combiné à l’équipe nationale du Brésil venait former nos jeunes footballeurs de 16-18 ans.

Ensuite, lorsqu’un artiste est prêt à jouer sur scène il est impératif qu’il s’entoure de compétences : au minimum d’un manager formé et expérimenté pour lui construire un développement cohérent et par étape.

Le manager est d’abord un stratège qui connaît le marché tout en étant très attentif aux désirs de son artiste. Ce sont ces compétences qu’il devient nécessaire d’upgrader chez nous pour garantir une expérience à l’export réussie.

Visa For Music est le rendez-vous obligé pour ces managers pour rencontrer les programmateurs venus d’Afrique et du Moyen-Orient et d’autres pays.

La dernière étape au Maroc, pour qu’un artiste puisse être totalement armé pour l’export, serait idéale pour que nos artistes marocains confirmés puissent, par exemple, faire les premières parties du plus grand festival d’Afrique et l’un des plus beaux du monde : la scène OLM de Mawazine.

Cette formidable mise en lumière leur offrirait une visibilité mondiale gigantesque depuis leur propre pays et favoriserait les échanges avec les managements internationaux qui accompagnent les stars à Rabat. Ces rencontres professionnelles à Mawazine seraient un démultiplicateur inouï d’opportunités pour nos artistes parce qu’une carrière se construit aussi par des rencontres. Les stars ont toutes l’habitude d’avoir de premières parties et techniquement ce n’est plus un problème pour les changements de plateau. La boucle marocaine pour les artistes serait bouclée : depuis les découvertes au Boulevard, à la sélection à Visa For Music, puis le passage d’étape à Gnaoua, Timitar et Jazzablanca et enfin la première partie de Taylor Swift ou Dua Lipa à l’OLM.

Comment les festivals marocains se distinguent-ils des événements européens et internationaux, en particulier ceux avec lesquels vous travaillez ?

La première distinction est le modèle économique :

Mis à part les festivals électro et Jazzablanca, la plupart des festivals sont gratuits et sont financés à 80% par le sponsoring privé et 20% par des financements publics, c’est l’inverse en Europe où les places sont payantes et les pourcentages de financement sont inversés avec un chiffre d’affaires significatif provenant du Food & Beverage vendus sur site.

Aux États-Unis c’est un peu différent : souvent, certaines soirées sont payantes et chères ce qui permet de financer les autres soirées qui sont gratuites.

Je précise que les budgets occidentaux sont 10 fois plus importants que ceux de nos festivals, mis à part Jazzablanca édition 2025 et Mawazine.

En termes d’organisation, malgré les faibles budgets, le Maroc est arrivé au même niveau que le reste du monde grâce à plusieurs festivals et en plusieurs étapes : L’Boulevard a joué le rôle de pépinière et de détecteur de compétences, Gnaoua et Timitar les ont ensuite formés tant en production-logistique, qu’en technique et en communication et, enfin, deux festivals ont consolidé les acquis tout en continuant la formation des meilleurs éléments pour atteindre les standards internationaux : Le Festival du film de Marrakech et Mawazine.

Si nous avions des progrès à faire ce serait très probablement en sensibilisant beaucoup plus nos élus à tous les bénéfices sociaux, éducationnels, sociétaux et économiques du soutien, à chaque échelon territorial, des actions culturelles tout au long de l’année pour la jeunesse, y compris bien sûr les festivals quelles que soient leur taille et leur esthétique. Je ne sais pas dans quelle mesure il serait possible d’intégrer la culture dans les très nombreux cycles de formations dont bénéficient en ce moment nos élus, mais ce serait un pas-de-géant.

Quelle est, selon vous, la meilleure manière de valoriser et de promouvoir la culture marocaine à l’international, au-delà des festivals ? Comment Maroc Festivals participe-t-il à cette mission ?

Très vaste sujet ! À notre modeste niveau, nous tissons des liens avec les grands réseaux des festivals des 5 continents pour nous inspirer des dernières innovations et partager les découvertes musicales. C’est ce partage qui permet et permettra à nos directeurs de festivals de conseiller et de suggérer à leurs homologues étrangers nos artistes marocains parce qu’ils se comprennent et se font confiance. Ainsi chaque festival marocain, qui connaît son territoire, est en contact avec les artistes locaux et peut, voire doit, les accompagner du local vers le national puis l’international. C’est, à ce jour, le seul chemin possible pour nos artistes.

L’étape suivante sera de soutenir la mobilité des artistes, comme le font la majeure partie des pays et régions en Europe, au Canada, au Brésil ou en Corée et en Thaïlande avec des programmes de sélection et de soutien sur un an ou plus.

Pour cette étape, il est nécessaire de nouer des partenariats avec les bookers de chaque pays. Un booker installé au Maroc ne servirait à rien pour l’export. En revanche les agents installés au plus près de leurs artistes sont indispensables pour faire le lien et construire la stratégie de développement en concertation avec les bookers.

Bien que le modèle actuel des bureaux export en Europe soit à réinventer, une grande concertation chez nous serait nécessaire pour imaginer un outil parapublique, indépendant, d’aide à l’export de la musique live et digitale qui serait efficace, agile et souple pour les artistes y compris les artistes marocains du monde, en prise directe avec tous les marchés visés et tous les canaux existants : tradi, jazz, world, pop-rock, électro, ils ont chacun leur réseau, leur écosystème donc leur spécificité et il faut savoir parler leur propre langage.

L’un des verrous aujourd’hui au Maroc est le fait que la culture n’entre pas dans la nomenclature des secteurs d’activités couverts par l’AMDIE (Agence marocaine de développement des investissements et des exportations) qui pourrait, pourtant, être un partenaire précieux.

Et je le répète, le cycle de vente à l’international est très long, souvent de 6 à 18 mois entre les premiers contacts et la réalisation du concert, il faut donc un accompagnement sur la durée et non au coup par coup.

Nous avons la chance d’accueillir les prochaines CAN, les Coupes féminines puis la Coupe du Monde, nous devons nous préparer dès maintenant à promouvoir notre culture, donc notre musique, auprès du monde entier. Ce sera là encore un tremplin unique et à domicile pour nos artistes. Plusieurs projets sont d’ailleurs en cours.

Quelles évolutions avez-vous observées dans la scène musicale marocaine ces dernières années, et comment Maroc Festivals y a-t-il contribué ?

Nous n’avons pas du tout la prétention d’influer sur la scène musicale, en revanche nous sommes tous en veille permanente pour découvrir de nouveaux talents, en particulier à L’Boulevard et à Visa For Music, mais aussi dans les petites salles de concert comme la Scène à Rabat ou le BoulTek A Casa.

La principale évolution que nous avons observée est la recherche approfondie et la réappropriation de notre patrimoine musical marocain par les artistes depuis un peu moins de huit ans. Cette recherche n’est pas nouvelle puisqu’elle a commencé avec toute la vague des Nass El Ghiwane des années 1970 puis la Movida des années 2000 avec le chaâbi-rock des Hoba et le groove de Darga et Mazagan, jusqu’au formidable album des Haoussa produit par le Boulvard et Sarah Hajlbloum.

Mais depuis moins de 10 ans, ce travail se précise, se régionalise et s’organise avec des projets de longue durée qui participent de la préservation du patrimoine en y apportant la touche actuelle nécessaire.

Citons les quatre groupes marocains sélectionnés à Babel Music XP cette année qui chacun, justement, explorent un pan de notre patrimoine : Sami Galbi a ressorti le synthé raï et Chaabi des années 1980 en le sublimant de sons électro très dansants, Aziz Konkrite qui s’est constitué une imposante collection de 45 tours marocains des années 1960 à 1990 et qui les remixe pour des sets très originaux, le projet Bnet louz x RasKas electrifie l’Ahwach et crée tout un spectacle vidéo et lumières fascinant qui contribue à la préservation de cet art Amazigh.

Enfin Bab L’bluz qu’on en présente plus et qui propose un répertoire gnaoua et chaâbi très rock. Donc une étape a été franchie où les artistes se libèrent de plus en plus des codes «occidentaux» en gardant l’essentiel et en inventant un nouveau répertoire. «Aïta mon Amour» en est une belle illustration.

Le rap a fait un bond spectaculaire grâce à la généralisation de l’équipement informatique dans les foyers et à l’ADSL qui a permis aux jeunes de découvrir tous les courants raps de la terre, de les digérer et de produire un pur produit marocain. Le financement par l’avance sur recette des majors et des distributeurs digitaux ont créé un appel d’air qu’il faudrait maintenir. Vous verrez qu’El Grande Toto ne sera pas un cas isolé.

L’electro marocaine est aujourd’hui prolifique avec le mouvement Moroko Loko d’Amine K, l’Oasis Festival, précurseur dans le financement par la billetterie et qui s’attache à une programmation marocaine et mondiale pointue et le Moga qui est en réseau avec le Portugal et qui soutien lui aussi de très nombreux Marocains. Cette musique est la plus facilement exportable puisque l’artiste est souvent seul donc les coûts sont très réduits, il n’en demeure pas moins que nos DJ touchent un public très nombreux, jeune, ultra-connecté et à fort pouvoir d’achat que ce soit en live ou sur le digital et ils contribuent grandement à la diffusion des sonorités marocaines à travers le monde.
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