Donald Trump persiste et signe. Le Président américain a annoncé, dimanche 4 mai, vouloir imposer 100% de droits de douane sur les films projetés aux États-Unis, mais produits à l’étranger. Officiellement, il s’agit pour lui de sauver l’industrie cinématographique américaine, qu’il estime menacée par les «subventions et incitations fiscales» offertes par d’autres pays pour capter les productions hollywoodiennes. Un nouveau front qui s’ajoute à ceux déjà ouverts par le président américain au nom de la «sécurité nationale». Une mesure qui relance le débat sur l’avenir du cinéma mondial. Pour en discuter, «L’Info en Face» recevait ce lundi Hicham Lasri, cinéaste et écrivain marocain.
«C’est une guerre économique, pas un drame culturel»
Dès les premières minutes, Hicham Lasri recadre le débat : «Toutes les histoires se racontent deux fois : une tragédie, puis une farce. Là, on est clairement dans la farce», lance-t-il. Pour le cinéaste, cette déclaration est une opération politique, mais pas une vraie rupture. «Trump ne fait que répondre à la Chine, qui filtre déjà les films américains sur son marché. C’est une guerre économique, pas un drame culturel», analyse-t-il. Le réalisateur rappelle que le cinéma mondial est devenu un marché de la compétitivité fiscale, où chaque pays rivalise d’incitations pour attirer les blockbusters : «Le Royaume-Uni rembourse parfois des centaines de millions de dollars, le Canada double New York à moindre coût, et même le Maroc s’y est mis, avec ses propres mécanismes d’incitation», souligne-t-il.«Le Maroc ne doit pas trembler, il a des atouts uniques»
Doit-on craindre une baisse des tournages internationaux au Maroc si Trump va au bout de sa menace ? Pas du tout, répond Hicham Lasri : «Les productions américaines viennent au Maroc pour ce qu’elles ne trouvent nulle part ailleurs : le désert, la lumière, les décors naturels. Ce n’est pas ce que Trump vise. Il vise les studios fermés en Angleterre ou au Canada qui remplacent Los Angeles à moindre coût», précise-t-il. Le Maroc, selon lui, reste un terrain privilégié pour les superproductions en quête de décors authentiques : «Tant qu’on valorise ce que nous avons de réel, nous resterons compétitifs», affirme-t-il.Mais pour Hicham Lasri, le vrai enjeu n’est pas économique, il est culturel. «Nous avons trop laissé notre cinéma devenir un produit de consommation sans âme. Nous avons besoin de films qui racontent vraiment qui nous sommes, de récits qui nous ressemblent», déplore-t-il. Pour ce faire, le réalisateur invite les pouvoirs publics à défendre «un cinéma d’auteur exigeant, qui laisse une trace, pas une industrie du rire facile pour remplir les salles le week-end».
«Une carte à jouer pour le Maroc, mais pas à n’importe quel prix»
Si la sortie de Trump agite Hollywood, Lasri y voit une opportunité. Il appelle dans ce sens toutes les parties concernées à ne pas se contenter de jouer les figurants dans cette guerre économique mondiale. «Il faut qu’on arrête de voir les tournages étrangers comme une fin en soi. Ce doit être une opportunité pour former, apprendre, structurer notre industrie, et surtout pour produire nos propres récits», martèle-t-il. Le message du réalisateur est très clair à ce sujet : «La vraie bataille, c’est celle du regard. Que voulons-nous raconter sur nous-mêmes, et à qui ?»Reste donc à savoir si la menace de Donald Trump ira au-delà des déclarations-chocs. «C’est un coup de poker. Mais à la fin, les producteurs iront là où c’est le plus rentable. Ce sera toujours une question d’argent», résume Lasri.
