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Le Prix du livre au Maroc : entre le coût et la valeur

À l’occasion de l’ouverture du Salon international du livre Enfant et Jeunesse et de l’inauguration de son Kiosque de lecture à Anfa Park, le «Book Club Le Matin» a organisé un débat autour du prix du livre avec des professionnels du secteur. Dans son allocution d’ouverture, le ministre de la Culture a réaffirmé son engagement en faveur de la lecture, appelant tous les acteurs de la chaîne du livre à une mobilisation collective pour transformer l’écosystème.

Ph. Sradni
Ph. Sradni
Parmi les obstacles qui se dressent devant le développement de la lecture et de la connaissance au Maroc, le prix s’avère être un frein particulièrement tenace.



«Avec un prix moyen de 100 dirhams par livre, dans un pays où le salaire minimum avoisine les 3.000 dirhams, l’accès à la lecture reste un luxe pour beaucoup», assène Mehdi Bensaïd. Ce constat évident ne veut pas dire que les Marocains ne lisent pas. Contrairement aux chiffres annoncés, «plus on aura des prix qui respectent les poches des Marocains, plus il y aura démocratisation de la culture», conclut-il. Dans ce sens, le ministre rappelle l’arsenal d’outils d’aide à l’édition déjà en place, à savoir la subvention de l’édition, la formation des bibliothécaires et la rénovation des librairies. Il annonce également un budget alloué spécifiquement au livre de poche, ce format qui a déjà prouvé son efficacité dans notre écosystème culturel.

Le livre de poche

Avec des ouvrages vendus entre 20 et 30 dirhams, le livre de poche, initié par la pionnière Leïla Chaouni, en partenariat avec Sochepress, a permis de toucher un large public. Des titres comme ceux de Fatema Mernissi, écoulés à plus de 126.000 exemplaires, ou ceux de Mahi Binebine, vendus à 36.000 copies, illustrent le potentiel de ce modèle. Fatima Zahra Bouchikhi, directrice du Livre à Sochepress, explique, cependant, que cette réussite reposait sur une stratégie particulière : imprimer sur trois années pour amortir les coûts, tout en misant sur la qualité éditoriale et la diffusion.

Pour Hassan Kamoun, vice-président de l’Association des libraires indépendants du Maroc (ALIM), «le livre de poche ne rapporte rien au libraire. Mais notre mission va au-delà du profit immédiat : il s’agit de bâtir un lectorat». Prenant part au débat, Mohammed Haitami, président du «Groupe Le Matin» et, par conséquent, des «Imprimeries du Matin», explique que le modèle du livre de poche peut, en effet, être «une réponse, mais pas une panacée». Il soutient que ce format ne peut avoir de sens que si tout l’écosystème est remanié. «Il faut un soulèvement dans l’ensemble de l’écosystème pour regagner le lectorat», affirme-t-il.

Import et piratage

Si le livre de poche peut constituer une solution pour les ouvrages marocains, le livre importé de l’étranger reste excessivement cher pour le Marocain moyen. Hassan Kamoun déplore également les écarts de prix entre le Maroc et la France (principal fournisseur), regrettant que les livres soient vendus à des prix inférieurs dans un pays où les citoyens disposent de revenus nettement supérieurs. À ce sujet, Fatima Zahra Bouchikhi explique que «lorsqu’il y a une marge de négociation, Sochepress fait de son mieux pour avoir un prix spécial Maroc, surtout lorsque le livre est celui d’un auteur marocain ou qu’il est susceptible de bien marcher. Hélas, les éditeurs ne sont pas toujours ouverts à la négociation».

Fléau commun à toute la chaîne, le piratage est ce mal qui mine la santé du livre. Et bien qu’il montre clairement l’engouement des Marocains pour la lecture, il nuit absolument à tous les acteurs de la chaîne du livre, depuis l’auteur jusqu’au libraire. Hassan Kamoun déplore d’ailleurs que le ministère de la Culture offre des kiosques flambant neufs à des vendeurs de livres piratés. Par conséquent, «certains libraires finissent par vendre eux-mêmes des livres piratés, en connaissance de cause», note Kamoun pour démontrer le degré de chaos qui règne dans le secteur. À ce sujet, il faut également sensibiliser le public, car en achetant un livre piraté, on pénalise les auteurs, déjà considérés comme le maillon faible de la chaîne, alors qu’ils en sont l’origine. 

Des Pistes de réflexion

Pour Mohammed Haitami, il faut une coordination entre tous les acteurs du secteur pour revaloriser la lecture. Mais il faut surtout faire preuve d’innovation dans l’écosystème, depuis le recours à des insertions publicitaires jusqu'à l’élaboration d’un plan marketing attrayant. Formation des libraires, marketing adapté, diffusion en milieu rural et animation adéquate sont autant de pistes évoquées pour revitaliser le marché du livre. Même si le prix du livre peut être dissuasif, la lecture peut se développer à travers des activités et des initiatives comme celle du «Kiosque Book Club», qui a bénéficié du soutien de plusieurs acteurs et partenaires. Cette initiative, largement saluée par le ministre, a déjà rencontré un succès encourageant, incitant le «Groupe Le Matin» à envisager de réitérer l'expérience dans d'autres lieux de Casablanca et à travers le Maroc.

Toutefois, l’urgence d’une réforme structurelle s’impose. Hassan Kamoun a plaidé pour l’application d’une loi similaire à la loi Lang en France, qui limite les remises excessives sur les livres afin de protéger les librairies indépendantes. Avec seulement 80 librairies actives au Maroc, il est impératif de garantir leur survie face à des pratiques commerciales déloyales et au piratage. Enfin, le libraire appelle à davantage de solidarité entre les différents acteurs de la chaîne du livre, pour renforcer ses maillons les plus faibles et pour rendre la lecture accessible au plus grand nombre.
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