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Loubaba Laalej, écrivaine et artiste-peintre : Le silence est un remède à bien des maux

La nouvelle publication de l’écrivaine et artiste-peintre marocaine Loubaba Laalej «Chuchotement du silence» explore la question de la polyphonie du silence à travers son œuvre poétique. L’auteure marocaine d’expression française écoute l’univers psychique du Moi et tend à traduire dans un style neuf ses expériences intérieures et extérieures. Plus de détails avec Loubaba Laalej autour de son livre qui promet une plongée captivante au cœur de la thématique du silence et de ses résonances.

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Le Matin : Pouvez-vous nous présenter votre livre «Chuchotement du silence» ?

Loubaba Laalej :
Mon livre «Chuchotement du silence» comporte deux volets : «Le chuchotement et le silence» et «Mon abécédaire». Le silence est une communication non verbale. Elle a ses codes. Il a plusieurs significations. Il peut faire l’objet de fausses interprétations. Réactions et projections. Refus et désaccords. Il peut aussi être un acte volontaire. Une approbation. Un simple sourire. Le silence est multiple : il y a celui qui fait naître. Il donne sens à notre vie. Nous expérimentons la plénitude. Notre méditation croît d’étape en étape. Nous faisons des prises de conscience. La paix montre le bout de son nez. Nous communions avec notre âme. C’est une voie. Elle n’est pas si simple ! Il y a le silence mystique. Il contemple et se contemple. C’est entrer dans le cœur du cœur. S’unir avec Dieu. Passer du multiple au l’un.

Dépouillement, détachement et simplicité. La voie de la sagesse. Il y a le silence de l’amour : vacuité et liberté. Alchimie et partage. Un apprentissage.

L’amour, c’est contempler la beauté du monde. Il y a le silence qui voile ses obscurités. Il est une étrange inquiétude nourrie aux appréhensions, à la peur de ce qui pourrait se passer ! De l’archaïque surgit une angoisse latente qui reste inconsciente. Les fantasmes menacent une réalité improbable qui n’aurait pas existé ! Khalil Gibran confirme : «Le silence de la solitude, révèle le “Moi” dans sa nudité». Le bruit en nous vient secourir les peurs. Il nous suggère l’idée de la mort ! Des vagues énormes viennent à la rescousse.



Elles affirment la frayeur du silence. Tout s’exalte et se multiplie. Les refoulements déferlent venimeux. La digue protectrice et saturée éclate ! Celui du sourd, de l’aveugle et de l’autiste. Isolement. Il y a le silence de la peur. Menace du vide et de l’inconnu. Angoisse de la mort. Craintes de la maladie. Celui traumatisant après le viol. Il y a le silence des mots. Celui de l’espace entre les mots. Embarrassé ou éloquent. Il nous parle plus que les mots ! Parfois, il vaut mieux se taire ! L’écoute est la voix du silence. Elle est un cadeau fait à tous. Il y a le silence de l’absence. Le bébé dans son monde utérin est aveugle et sourd ! Il écoute ce qui l’entoure en sons. Sa mère-présence le rassure. Il s’effraie de son absence. Que faire du silence qui rappelle l’absence ? Qui relie à celui mort qui a bien vécu ?

Sur le silence du plein, j’ai écrit : «J’aimerais méditer le silence. J’ai soif, j’ai faim de paix. Je suis là, dehors auprès de toi. Cesser de l’attendre, c’est le rencontrer. Il est ce jardin qu’on apprend à cultiver. Il se pare d’images, de couleurs et de notes. Il crée le bruit qui précède le silence. La colère se tait dans la paix. Les volcans ravalent leur lave et les contraires s’acceptent. Les pensées retournent à leur chaos. Ce qui s’agite et irrite lâche et se détend. Le silence du plein devient vide. Son vide se transforme en plénitude».

Pourquoi avez-vous choisi le thème du silence ?

Nous sommes dans un monde bombardé par le vacarme. Les publicités tapageuses ne nous laissent aucun répit. Le numérique et une certaine presse nous stressent. Tout cela nous éloigne de notre vraie nature. Notre bien-être et notre paix se détournent. L’homme ne discerne plus ce qui est essentiel pour lui ! Il se sent dépassé. Il ne se repose plus. Il ne réfléchit plus. Sa notion du temps n’est plus la même. Le silence prend tout son sens.

Il est une pause. Une ouverture sur soi et sur l’autre. Significatif, il apporte ses messages. Les sages et les mystiques le recherchent. Ce n’est pas le choix du hasard. Il neutralise la violence. Il balaie l’ignorance. Le silence est un remède à bien des maux : les scientifiques le confirment. Le cerveau et le cœur s’apaisent. Tout le corps retrouve son énergie. Notre sensibilité et notre intuition augmentent. Notre tension baisse. Le silence est un cadeau et une grâce. S’offrir un moment pour soi. Méditer en pleine conscience. Nos questions ne nous taraudent plus. Leur réponse vient comme par enchantement. Nous voyons l’autre tel qu’il est. Nous ne jugeons plus.

Nous sommes sereins. Le silence nous apaise. Le trop du trop s’est évaporé. Le mystique soufi El Hallaj clame : «C’est le recueillement, puis le silence ; puis l’aphasie et la connaissance ; puis la découverte, puis la mise à nu».

Quelles émotions retrouve-t-on dans votre ouvrage ?

Nos sentiments se refoulent. Nos émotions s’expriment. Expressions subjectives et émotivité. L’émotion est notre ressenti interne. Une impression ou une réaction. Elle se traduit à l’extérieur. Nous rougissons, notre cœur bat.

Nos sens nous informent. Nos réactions sont spontanées. Gérer une émotion demande une déconnexion. Une pause pour la réguler. D’où l’importance du silence. Dans mon recueil, je passe de la tristesse à la joie. De la surprise à l’émerveillement. Les yeux et le cœur d’un enfant. Les découvertes des sens. L’amusement et l’ennui. Silence, paix et adoration. Compassion et gratitude. La peur dans toutes ses couleurs. Malaise et obsession. Honte et culpabilité. Nostalgie et chagrin. Gilles Deleuze a inventé des concepts bruits pendant que les autres travaillent avec des méditations. Ce n’est pas un rebelle dans le sens usuel, c’est un philosophe qui aime le renouveau. Il a une autre façon de faire de la philo, il déteste les opinions. Pour lui, «Penser, c’est d’abord être à l’écoute de la vie». Parlant de son abécédaire : c’est pour «L’après sa mort,

lorsqu’il sera pur esprit. Il aime pouvoir dire quelque chose de nouveau, de concret et de simple. On ne désire jamais quelqu’un ou quelque chose, mais un

ensemble. La langue apporte le renouveau». Moi, j’aime à saisir l’instant présent, celui qui est. Chaque instant est un fragment qui évolue en pensées vagabondes. Je valse avec les instruments de l’harmonie pour ne rater aucun son de ma vie. Ma danse esquisse les couleurs de mes pas, elle explore, expérimente et conte son enchantement. Je ne prétends et n’attends rien d’autre ! Je désire vous inviter au voyage qui s’envole de mes racines vers les autres. Merveilles du merveilleux de ce monde ! Mon abécédaire exprime la dualité. Je choisis la lettre L comme liberté : «Liberté, tu es mon flambeau. Celui de la connaissance. Liberté, tu es un drapeau. Il se nomme paix d’amour. Tu as tourné le dos à la servitude». Le philosophe Krishnamurti confirme : «Il faut puiser à la source du silence pour regarder et écouter (...). Jailli de ce silence, le mot amour prend un tout autre sens».

Biographie de l’artiste Loubaba Laalej

Native de Fès, Loubaba Laalej est une artiste-peintre et écrivaine prolifique. Elle est membre de la Ligue des écrivaines du Maroc et du Bureau permanent de la Ligue des écrivaines d’Afrique. En 2019, elle a obtenu un doctorat honorifique délivré par le Forum international des beaux-arts (Fine Arts Forum International) à titre de reconnaissance.

Loubaba a, à son actif, plusieurs publications sur son expérience créative, dont «Émergence fantastique», «Mes univers», «Matière aux sons multiples», «Abstraction et suggestion», «Dames du monde : entre l’ombre et la lumière». Parmi ses recueils de poésies (écrits et œuvres) : «Fragments», «Pensées vagabondes», «Mysticité et plasticité», «Melhoun et peinture», «Poésie et peinture», «Icônes de la plasticité au féminin», «Chuchotement du silence», «Musique et plasticité» (Tome I et Tome II), «Vivre avec soi», «Vivre ensemble», «Danse et plasticité» (Tome I et Tome II), «L’Amour et l’Art», «La Mort et l’Art», «La Beauté et l’Art», «La Route de lumière», «Voix intérieure», «La Vérité et l’Art», «La Liberté et l’Art», «Le Bonheur et l’Art», «L’Imagination et l’Art», «Le Désert et l’Art», «L’Afrique et l’Art», «Le Rêve et l’Art»...
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