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«Maroc-France. Mensonges et préjugés» : un éclairage nouveau par Zakya Daoud

À quelques jours de la visite historique du Président français, Emmanuel Macron, au Maroc, ne vaudrait-il pas s’armer d’histoire pour appréhender les enjeux politiques et stratégiques de cette visite ? L’essai «Maroc-France. Mensonges et préjugés» de l’écrivaine Zakya Daoud éclaire tout un pan d’une histoire aussi passionnante que tumultueuse. Un livre utile à lire, tant à Rabat qu’à Paris.

Que ce soit pour combler des lacunes historiques ou pour lutter contre les turpitudes d’une mémoire sélective, la lecture de l’essai de Daoud s’avère bénéfique, d’autant plus qu’elle replace les faits dans leur contexte sur le fil de l’évolution de l’ordre mondial.

Dans son ouvrage, édité par La Croisée des Chemins, l’autrice démontre avec précision et brio que, contrairement à une perception simpliste, le Maroc n’a jamais été ce pays faible et arriéré que les «lumières occidentales» sont venues «sauver». Au contraire, il s’agissait d’un État souverain, à l’Histoire riche et au poids géostratégique considérable, même si quelques fragilités ont été exploitées pour ouvrir la porte à une domination, d’abord discrète, puis invasive. Cette nuance est essentielle dans la lecture de l’Histoire coloniale et post-coloniale, car elle déconstruit certains préjugés enracinés durant le siècle précédent et permet «d’exorciser une période d’humiliation coloniale, de refuser tous les compromis, de naître en individu nouveau, une fois pour toutes».

De vieilles relations

L’essayiste remonte aussi loin que lui permet la documentation historique disponible et situe le début des liaisons officielles autour du XVIe siècle. Durant des siècles, le Maroc représente un pôle stratégique qui, en pleine tension avec les différentes puissances occidentales, réussit à maintenir sa souveraineté. Face aux ambitions européennes et aux conflits internationaux, le Maroc observe une neutralité politique aussi longtemps qu’il le peut. Mais sa richesse et son emplacement stratégique ne lui permettent pas de rester en dehors des guerres intestines.

Le chapitre sur le protectorat est particulièrement captivant. Zakya Daoud ne pouvait passer à côté de la figure emblématique du maréchal Lyautey, qui se voyait comme un «allié modernisant» de la Monarchie marocaine, mais dont les successeurs avaient imposé un régime autoritaire et arrogant, faisant fi de l’Histoire millénaire du Royaume. Et alors que certains auteurs voient les Marocains comme «un peuple chevaleresque» prompt à soutenir la France à l’aube de la Guerre mondiale, des lieux publics sont interdits aux locaux, au même titre qu’aux chiens.

Zakya Daoud explique alors comment l’élite marocaine, cultivée et moderniste, a rapidement organisé une résistance, aidée de très près par les libéraux français qui ont été victimes d’attentats ou réduits à la misère, à cause de leurs convictions. Ce rappel indispensable symbolise «la fracture morale qui a traversé la France à cette époque» et rappelle que les Français n’étaient pas tous des colons. «On s’est demandé ce qui anime les Français libéraux surtout les plus actifs qui ont risqué leur vie... Rien, sinon ce qu’ils ont toujours dit eux-mêmes et que dans les périodes actuelles, dominées par l’argent, la manipulation des esprits, le mépris pour les pauvres et les faibles, on a du mal à appréhender : L’honneur, la morale et la révolte contre la répression qui affecte le Maroc, pays qu’ils ont adopté, où ils vivent et veulent rester», explique l’autrice.

De l’Indépendance à aujourd’hui

À l’aube de son Indépendance, le Maroc, manquant de cadres qualifiés, accepte l’aide de quelques Français, désireux de rester, pour l’accompagner dans sa transition vers la souveraineté. «On va vite se retrouver devant une situation inédite : c’est après l’Indépendance que le Maroc se francise, au point que l’on pourrait croire que le protectorat n’a jamais existé... Un regain de proximité entre les deux pays et leurs deux peuples se fait sinon dans la joie, tout au moins dans une satisfaction réciproque», explique Daoud. Toutefois, cette collaboration révèle rapidement les complexités de l’héritage colonial. Le Maroc indépendant rejette le paternalisme et aspire à une pleine libération.

Sous le règne de feu Sa Majesté le Roi Hassan II, le Maroc prend des mesures significatives pour se distancer de la France. L’arabisation des institutions, la limitation des importations et la restriction des transferts des capitaux achèvent de convaincre les Français de retourner dans l’Hexagone. Le Souverain ne cesse de rappeler à la France que le Maroc est une vieille Nation qui n’a rien à envier aux nations européennes.

Avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI, la présence française au Maroc s’intensifie, tant sur le plan économique que culturel. Toutefois, Sa Majesté le Roi «Mohammed VI ne semble pas du tout passionné, comme l’était Son père, par les enjeux politiques français. Plus distancié à l’égard de Paris que ne l’était Hassan II, il semblerait plus attiré par l’Asie, les États-Unis et l’Afrique», écrit l’essayiste. Une politique de diversification des partenariats est adoptée pour un changement de paradigme «affirmant sa volonté d’être traité non plus en client, mais en partenaire».

Riche en détails historiques et fort de ses perspectives variées, le livre «Maroc-France. Mensonges et préjugés» offre une vision équilibrée des rapports bilatéraux, à même d’aplanir les aspérités, pour repartir sur de bonnes bases. À bon entendeur !
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