Le débat de «L’Info en Face» du 12 novembre a été consacré à une question qui traverse aujourd’hui de nombreuses sociétés : sommes-nous en manque de récit ? Pour en parler, Rachid Hallaouy recevait Rachid Benzine, écrivain, romancier et politologue, connu pour son approche humaniste des grandes questions contemporaines. Dès le début de l’entretien, M. Benzine pose le cadre : le récit n’est pas un simple outil d’expression, mais une matrice de sens. Il rappelle dans ce sens que les récits ne sont jamais anodins. «Un texte n’est jamais innocent», affirme-t-il. Selon lui, ce que l’on raconte – et la manière dont on le raconte – influence profondément notre façon de percevoir les autres et les événements qui nous entourent.
La littérature pour réhumaniser
Son dernier roman, «L’homme qui lisait des livres», est né d’un besoin d’ajouter de l’humain à des réalités souvent réduites à des chiffres ou à des images violentes. «Face à la déshumanisation, il faut passer par la littérature», explique M. Benzine. Écrit à partir des événements du 7 octobre 2023 et de la violence infligée aux civils de Gaza, il répond à un phénomène qu’il observe depuis plusieurs années : la déshumanisation par la vitesse des images, par la répétition des chiffres, par le brouillage émotionnel du temps médiatique.
Pour Benzine, seule la littérature permet encore de «redonner un visage à celles et ceux que l’actualité réduit à des statistiques». Là où les discours politiques tracent des frontières et assignent des identités, la fiction «humanise là où le politique divise». À travers son personnage principal, Nabil Jaber, libraire gazaoui, il cherche moins à informer qu’à incarner, moins à expliquer qu’à faire sentir. La littérature devient alors un refuge, mais aussi un acte de résistance.
Pour Benzine, seule la littérature permet encore de «redonner un visage à celles et ceux que l’actualité réduit à des statistiques». Là où les discours politiques tracent des frontières et assignent des identités, la fiction «humanise là où le politique divise». À travers son personnage principal, Nabil Jaber, libraire gazaoui, il cherche moins à informer qu’à incarner, moins à expliquer qu’à faire sentir. La littérature devient alors un refuge, mais aussi un acte de résistance.
Interrogé sur ce qu’il appelle la «guerre des récits», M. Benzine observe que les discours se durcissent et se simplifient de plus en plus. Chacun tente d’imposer sa version du réel, souvent au détriment du dialogue. Ce mécanisme, explique-t-il, nourrit la défiance, fragilise le lien social et encourage la montée des extrêmes. «Nous devenons les récits que nous lisons», souligne-t-il, rappelant que les histoires façonnent nos imaginaires, mais aussi nos attitudes et nos peurs. Il évoque également le sentiment d’impuissance qui traverse plusieurs pays, alimenté par un climat de tensions sociales et identitaires. Pour lui, la capacité des sociétés à créer un récit commun est essentielle pour éviter le repli ou la radicalisation.
Le Maroc et ses jeunesses
Le débat aborde ensuite le Maroc, où Rachid Benzine voit émerger de nouvelles formes d’expression, notamment à travers les mouvement des jeunes. Il y voit un signe encourageant : «Il ne faut pas que cette génération se désespère», dit-il, insistant sur l’importance d’accompagner les jeunes dans leur volonté de participer à la vie publique. Pour lui, le Maroc doit accepter qu’il existe «plusieurs jeunesses», avec des expériences et des attentes différentes, tout en veillant à préserver un sentiment d’unité.
Pour conclure, M. Benzine rappelle que la littérature ne sert pas seulement à raconter des histoires : elle permet d’ouvrir des chemins dans des contextes où la parole politique se durcit. «Regarder l’autre comme un être humain, c’est déjà un acte politique», affirme-t-il. Dans un monde secoué par les crises, les polémiques et les fractures, il appelle à redonner toute sa place au récit – un récit capable d’apaiser, de relier et de donner du sens. «La manière dont on raconte le monde peut soit le détruire, soit l’habiter différemment», conclut-il.
Pour conclure, M. Benzine rappelle que la littérature ne sert pas seulement à raconter des histoires : elle permet d’ouvrir des chemins dans des contextes où la parole politique se durcit. «Regarder l’autre comme un être humain, c’est déjà un acte politique», affirme-t-il. Dans un monde secoué par les crises, les polémiques et les fractures, il appelle à redonner toute sa place au récit – un récit capable d’apaiser, de relier et de donner du sens. «La manière dont on raconte le monde peut soit le détruire, soit l’habiter différemment», conclut-il.
