Ce rendez-vous a également mis en lumière la nécessité de raviver les domaines scientifiques et artistiques liés au patrimoine musical maroco-andalou. Parmi les points saillants, l’exposition organisée par l’Académie du Royaume du Maroc a offert un aperçu fascinant de cette tradition musicale. Avec une quarantaine d’instruments présentés, accompagnés d'une iconographie riche et de textes détaillant leur histoire, l’exposition a permis de découvrir des instruments spécifiques à «Al-Ala», dont certains ont appartenu à de grands maîtres. Les instruments ont été répartis en trois grandes familles : les cordes frottées, les cordes pincées et les percussions.
Au centre de cette exposition, quatre instruments d’exception ont particulièrement attiré l'attention. Créés spécialement pour l'Académie, ces instruments sont le fruit du savoir-faire des maîtres luthiers et illustrent les dernières avancées des recherches organologiques. Parmi eux figurent le «Úd Ramal» et le «Úd Sharqi», signés Khalid Belhaiba, la «Rota» de Carlos Paniagua et le «Rbab» de Christian Rault. Ces instruments ne sont pas seulement des objets de musée, mais aussi des propositions sonores nouvelles pour l’interprétation de la musique maroco-andalouse contemporaine.
Entretien avec Christian Rault, luthier et organologue français
Pourriez-vous nous présenter les instruments exposés dans le cadre de la première rencontre internationale de la musique maroco-andalouse ?
Dans cette exposition, nous avons rassemblé l'ensemble des instruments utilisés dans la musique arabo-andalouse, tout en incluant certains de leurs antécédents ainsi que des instruments qui leur ont succédé. L’exposition est organisée selon les grandes catégories traditionnelles de classification des instruments de musique.
Nous commençons par la famille des cordes frottées, avec des instruments tels que le «Rbab», notamment le «Rbab Andalou», mais aussi le «Rbab Soufi», ainsi que d'autres instruments comme le «kamanja». Nous présentons également des instruments médiévaux, tels que la gigue ou la vièle, qui étaient davantage utilisés dans l’Occident chrétien.
Ensuite, nous abordons la famille du «Úd», avec le «Úd Sharqí», le «Úd oriental» et le «Úd égyptien». Cet instrument, très populaire au Maroc, est également évoqué dans ses formes plus anciennes : le «Úd Arbi» et le «Úd Ramal», qui sont les modèles les plus traditionnels de la musique arabo-andalouse.
Au centre de cette présentation, nous avons placé quatre instruments spécialement fabriqués ici, à la demande de l’Académie du Royaume du Maroc. Ces instruments sont à la fois historiques et conçus pour être plus efficaces, dans l’optique de s’inscrire à l'avenir tout en respectant la tradition.
La guitare est également présente dans l’exposition. Pourriez-vous nous expliquer son rôle et la manière dont elle s'intègre aux instruments traditionnels de la musique andalouse ?
En effet, la guitare fait partie de l’exposition en raison des liens étroits entre la musique et le chant flamenco, ainsi que les pratiques vocales et musicales du Maghreb. Ces influences géographiques et culturelles partagées, notamment entre les populations ayant vécu ensemble pendant des siècles, font que la guitare flamenca trouve sa place dans le cycle de cet événement. Des ateliers de guitare flamenca ont d'ailleurs été proposés dans le cadre de cet événement.
Vous avez mentionné lors de la présentation de l'exposition que l'utilisation du «Rbab» au Maroc n'était pas optimale. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les raisons de cette situation et sur les solutions possibles pour revitaliser son usage dans la pratique musicale actuelle ?
C’est un sujet délicat à aborder, mais l’histoire du «Rbab» remonte au XIIe siècle. Il est important de noter que la qualité des instruments de musique est intimement liée à la demande des musiciens. La musique arabo-andalouse, comme toute tradition musicale, a connu des périodes de splendeur, mais aussi des moments de déclin. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la musique arabo-andalouse a traversé une période de déclin, et c'est grâce au Congrès du Caire qu'elle a pu être revitalisée. De même, des événements comme celui-ci contribuent à redynamiser cette musique, en offrant un point de vue historique et en envisageant son avenir.
Concernant le «Rbab marocain», il présente une particularité : sa corde est relativement courte et épaisse, ce qui rend plus difficile la production d'un son de qualité. À titre de comparaison, le «Rbab tunisien» conserve une longueur de corde plus proche de l’original, ce qui permet d’obtenir une meilleure résonance.
Existe-t-il plusieurs modèles de «Rbab» au Maroc ?
Oui, en effet. Il existe plusieurs types de «Rbab», comme ceux du Sousse et ceux d’Andalousie. Toutefois, les témoins de l’ancien «Rbab» sont peu nombreux, surtout à partir de la fin du XIXe siècle, une période marquée par une certaine décadence de la pratique de cet instrument. Actuellement, il reste peu de fabricants spécialisés dans le «Rbab andalou», et la tendance est de se tourner vers des modèles plus courts et plus larges, bien que ces instruments soient plus difficiles à maîtriser.
Que peut-on faire pour encourager les musiciens à jouer sur ces instruments et en tirer parti ?
Il est essentiel de proposer des instruments de qualité. J’ai fabriqué un modèle revisité pour l’Académie du Royaume du Maroc, qui s’inspire de sculptures et de documents anciens, et qui offre une sonorité plus agréable. Par exemple, un musicien m’a demandé d’ajouter une troisième corde, une évolution que les Européens ont réalisée entre les XIVe et XVe siècles. Le «Rbab» va progressivement évoluer pour devenir ce qu'on connaît aujourd’hui sous le nom de violon, mais il a toujours eu un rôle important dans la musique traditionnelle.
Comment encourager la fabrication de ces instruments ?
Il est essentiel de préserver ces instruments en encourageant les luthiers et les artisans à continuer leur travail. Il est gratifiant de voir que, vingt ans après avoir dessiné des plans pour le «Rbab», des instruments basés sur ces plans sont désormais exposés. Le processus est long, mais les résultats sont là : la conservation des instruments anciens et la redynamisation de leur pratique sont possibles grâce à la persévérance.
Questions à Omar Metioui, artiste marocain et musicologue de la musique arabo-andalouse
Qu'est-ce qui distingue la première rencontre internationale de musique maroco-andalouse ?
La rencontre internationale de musique maroco-andalouse représente la renaissance d'une nouvelle ère. Cet art mérite d'être promu au premier plan au Maroc, car il incarne la musique savante par excellence. Les instruments de musique occupent une place fondamentale dans cette tradition. À travers leur histoire, nous pouvons mieux comprendre l'évolution de cette musique entre les deux rives de la Méditerranée. Ce phénomène ne se limite pas au Maroc, il englobe également l'Espagne, le sud de l'Italie, une partie du sud de la France, et d'autres régions. Grâce à Al-Andalous, ces instruments ont migré vers l’Occident, principalement l’Europe. Leur influence s'est même étendue aux États-Unis et à certaines régions d'Amérique du Sud, où l'on retrouve des traces d'instruments similaires. Parmi les évolutions notables figure l'ajout de quatre cordes, modulé selon les cultures et les époques.
Quel est l'instrument phare de l'exposition des instruments de musique du patrimoine maroco-andalou ?
Notre attention se porte particulièrement sur un instrument majeur : le «Úd Ramal» un luth marocain aujourd'hui méconnu du grand public. Il a progressivement disparu depuis les années 1930, remplacé par le «Úd Sharqí». Des artisans tels que les Ben Harbid à Fès, les Bennani à Rabat et Mâalem Hassan à Casablanca se sont orientés vers la fabrication de modèles inspirés du «Úd Sharqí», reléguant ainsi le «úd Ramal» à l'oubli. Pourtant, dans le reste du Maghreb, ses homologues la «Kuitra», le «Úd Arbi», le «Úd Tounsi» ont perduré. Après un siècle de disparition, le luthier marocain Khalid Belhaiba est aujourd'hui parvenu à reconstruire un «Úd Ramal», une avancée majeure rendue possible grâce au soutien de l’Académie du Royaume du Maroc.
Quels autres instruments, en dehors du «Úd Ramal», méritent selon vous d'être davantage étudiés et valorisés ?
D'autres instruments méritent également notre attention, à l'instar de la «Rote», instrument occidental qui a transité du nord de l'Europe vers Al-Andalus. Cet instrument compliqué doté de deux faces a nécessité des décennies de recherche pour en comprendre la fabrication. Les spécialistes s'appuient sur des miniatures, l'iconographie et l'architecture pour reconstituer ces instruments, mais cette tâche demeure ardue. L'une des problématiques centrales est celle des cordes : au Maroc, nous possédons du boyau, mais nous ne maîtrisons pas encore les techniques de fabrication permettant d'obtenir des cordes de qualité et de retrouver les sonorités authentiques.
Cette perte d'authenticité est perceptible dans certains instruments contemporains. Lorsque j'ai vu feu Mohamed Rouicha jouer de l'«Outar» de l'Atlas avec des cordes métalliques, j'ai ressenti un profond désarroi. Il est inconcevable que nous ne soyons pas fiers de notre patrimoine et de nos matériaux traditionnels. Le Maroc possède une culture musicale d'une richesse exceptionnelle, que ce soit à travers la musique arabo-andalouse ou d'autres traditions locales. Nous aspirons à valoriser cet héritage en adoptant une approche tournée vers l'avenir, en conjuguant mémoire et modernité, et en assurant la transmission aux nouvelles générations.
Comment les jeunes générations peuvent-elles s'impliquer davantage dans la préservation de ce patrimoine musical ?
L'enseignement est un élément central de cette transmission. Cette musique exige un apprentissage rigoureux, une formation approfondie et un environnement culturel propice, que ce soit au sein des familles ou des quartiers. Jadis, ces éléments étaient ancrés dans nos traditions. Cependant, l'occidentalisation, le développement des technologies et d'autres mutations ont progressivement effacé certains aspects de notre identité. Aujourd'hui, il est impératif que l'Académie du Royaume du Maroc prenne en charge ce patrimoine en l'inscrivant auprès de l'Unesco comme patrimoine immatériel de l'humanité. Nous avons obtenu cette reconnaissance pour le Malhoun, il n'existe donc aucune raison pour que Al-Ala ne bénéficie pas du même statut.
Cette première rencontre internationale représente un moment clé dans la transmission de la musique andalouse. Nous avons réuni des chercheurs du monde entier, comme l’Américain Karl Davila, qui a publié deux ouvrages majeurs sur l'histoire de la musique arabo-andalouse, et le Tunisien Mahmoud Guettat, une référence incontournable dans la recherche sur ce sujet. Tous ces chercheurs, par leur expertise, contribuent à la préservation et à la valorisation de ce patrimoine musical. Il est essentiel que les jeunes générations prennent conscience de la valeur de leur patrimoine. Lorsqu'un individu est fier de sa culture, de sa musique et de son identité, cela favorise non seulement sa stabilité personnelle, mais également celle de son pays. La culture est un socle fondamental.
Quel rôle les femmes jouent-elles dans la transmission et la préservation de la musique maroco-andalouse ?
En ce qui concerne la conservation des instruments, le rôle des femmes est primordial. Nos mères, par exemple, ont joué un rôle décisif dans notre initiation musicale. Jadis, elles se réunissaient et possédaient divers instruments, notamment lors des célébrations de Achoura. Sans formation académique, elles maîtrisaient pourtant les rythmes et savaient passer sans difficulté d'un répertoire marocain à un répertoire tunisien, algérien ou égyptien. Cette transmission orale a perduré à travers les siècles et constituait un véritable pilier culturel.
Malheureusement, cette chaîne de transmission tend aujourd'hui à se rompre. Les jeunes générations ne chantent plus les berceuses traditionnelles, ont oublié certains airs et, par conséquent, perdent peu à peu une part de leur identité. Pourtant, la musique s'ancre dès le plus jeune âge, dès la période prénatale. C'est ce message que nous souhaitons transmettre et préserver pour l'avenir.
Carlos Paniagua, luthier espagnol : La rota, un instrument médiéval remis au goût du jour
Pouvez-vous nous parler de l’instrument médiéval fabriqué récemment pour l'Académie du Royaume du Maroc ?
Je suis constructeur d'instruments de musique, spécialisé dans les instruments médiévaux. L'Académie du Royaume du Maroc m'a demandé de fabriquer une rota. C'est un instrument qui, comme ceux du monde d'Al-Andalus, a voyagé vers l'Espagne et l'Europe. Certains instruments ont aussi voyagé d'Europe vers Al-Andalus et le Maghreb. Ce type d’instrument est mentionné par Al-Sakundi au XIIIᵉ siècle. Sa particularité réside dans le fait qu'il se joue comme les harpes de l'époque, avec des cordes des deux côtés, permettant à chaque main de jouer un jeu de cordes distinct. C'est un instrument aux nombreuses possibilités, mentionné par Al-Tifasi au XIIIᵉ siècle à Tunis. C’est une réalisation spéciale pour l'Académie du Royaume.
S'agit-il d'un instrument spécifiquement destiné à la musique andalouse ou à la musique internationale, en général ?
La musique andalouse est profondément influencée par les traditions musicales d'Espagne et d'Europe. L'amitié n'est pas une chose moderne, elle existe depuis toujours. Les instruments sont partagés entre ces deux cultures. Ce n'est pas un instrument spécifiquement dédié à la musique andalouse, mais il est utilisé dans la musique, en général.
Pensez-vous que cet instrument intéressera la génération actuelle ?
Oui, tout à fait. Il y a quelques décennies, cet instrument était quasiment inconnu. Cependant, l’étude des instruments de musique, qui remonte à longtemps, est aujourd’hui de plus en plus approfondie. Certains instruments, comme les luths ou les rebabs, sont très connus, mais d’autres, moins populaires, font l’objet de nouvelles recherches. C’est le cas de la rota qui était, pratiquement, oubliée jusqu’à récemment. Aujourd’hui, nous cherchons à la redécouvrir et à la reproduire, afin que les groupes de musique puissent l'intégrer à leur répertoire et utiliser un instrument qui était largement employé au Moyen-âge.
L’artiste Abir El Abed : «L’enjeu, au-delà de la transmission aux générations futures, est de partager notre musique avec le monde entier»
Parlez-nous de votre participation à la première Rencontre internationale de musique maroco-andalouse ?
J’ai été ravie de participer à cet événement qui permet de sensibiliser les étudiants à la musique andalouse. Nous leur avons enseigné les techniques vocales, les modes, le vibrato, et nous les avons guidés pour qu’ils puissent chanter cette musique avec toute sa richesse. En parallèle, nous avons organisé des concerts afin de montrer à un large public, y compris les Espagnols et ceux venus pour apprendre, comment cette musique se vit et se chante.
Quel est, selon vous, le rôle de la femme dans la préservation de la musique andalouse ?
Je suis particulièrement heureuse de faire partie des premières femmes à occuper une place importante dans ce domaine. La voix féminine a toujours existé dans la musique andalouse, mais elle n’a pas toujours été mise en avant. Historiquement, on a eu davantage de chanteurs que de chanteuses. Avec ma génération, nous travaillons à changer cette dynamique. Mon objectif est d’intégrer la voix féminine comme une voix principale, et non comme un simple ornement.
Que pensez-vous de l'ajout de touches modernes à la musique andalouse ?
Je suis favorable à l’introduction de nouveautés, mais sans déformer l’essence de cette musique. Il est important de préserver sa structure fondamentale, comme les modes, la technique vocale et les rythmes, qui constituent le patrimoine unique de cette musique. C’est ce qui la distingue des autres genres musicaux. La manière de chanter est essentielle pour identifier une musique andalouse, orientale ou flamenco. Toutefois, il est possible de fusionner notre musique avec des influences similaires, comme le flamenco, car ces musiques proviennent de la même source. Une telle fusion peut être bénéfique et enrichissante sans altérer l’authenticité de la musique andalouse.
L’enjeu, au-delà de la transmission aux générations futures, est de partager notre musique avec le monde entier. C’est ainsi que l’héritage andalou pourra perdurer et être apprécié au-delà de nos frontières.
Le «Úd Ramal» : un instrument traditionnel marocain en voie de renaissance
Le «Úd Ramal» est un instrument traditionnel marocain, attesté depuis le XVIIe siècle, qui a joué un rôle central dans la musique Al-Ala jusqu’aux années 1930. Il se distingue par des caractéristiques uniques, faisant de lui un témoin précieux de l’histoire musicale du Maghreb. «Aujourd’hui, plusieurs jeunes musiciens s’intéressent à la fabrication des instruments de musique. Autrefois, c’était le musicien lui-même qui fabriquait son instrument, et il lui arrivait parfois de faire des ajustements», explique Khalid Belhaiba, l’un des luthiers les plus renommés du Maroc. Cette pratique d’autoconstruction d’instruments, bien que rare aujourd’hui, a permis de maintenir vivante la tradition du «Úd Ramal».Le «Úd Ramal» se caractérise par ses quatre cordes doubles, accordées selon une configuration particulière, le système des quintes embrassées (do-la-ré-sol). Ce modèle d’accord, spécifique à cet instrument, donne au «Úd Ramal» une tessiture d’une octave avec un jeu favorisant une attaque sonore plus marquée que la résonance prolongée. «Ce modèle est peu utilisé aujourd’hui à cause de son plus faible par rapport aux instruments modernes», précise Khalid. Ce manque de volume sonore a contribué à son déclin, en particulier face au «Úd Sharqí», qui a progressivement remplacé le «Úd Ramal» à partir des années 1930. Néanmoins, le «Úd Ramal» conserve une place de choix parmi les instruments traditionnels marocains, et des initiatives de préservation ont permis de redécouvrir et réadapter ce patrimoine.
Les recherches menées pour la reconstruction du «Úd Ramal» ont impliqué l’analyse de sources historiques, telles que le traité d'Al-Bu’sámí du XVIIe siècle, qui décrit l’accord spécifique, la nomenclature des cordes, et la position des huit notes de la gamme sur le manche. «Nous menons des recherches approfondies sur la nature du bois et la forme des instruments pour les réadapter à la pratique contemporaine», explique Khalid. Ces efforts ont permis de fabriquer un modèle de «Úd Ramal» pour préserver cet instrument en voie de disparition. Le modèle qu’il a créé est basé sur les recherches menées par le luthier français Christian Rault et a nécessité trois mois de travail. «Les recherches ne s’arrêtent jamais. Nous sommes toujours à la quête de nouveaux modèles, dans l’objectif de faire évoluer et pérenniser l’usage de ces instruments», ajoute-t-il.
Le «Úd Ramal» est fabriqué à partir de matériaux nobles comme le cèdre de l’Atlas pour la table d’harmonie, le hêtre et l’acajou pour la caisse, ainsi que l’os et la nacre pour l’ornementation. Il présente une caisse de résonance plus petite et plus robuste que le «Úd Sharqí», avec une grande ouverture ronde centrale, ornée d’une rosace sculptée directement dans le bois. Le cordier, en forme de moustache, soutient une tension accrue des cordes et est placé à environ dix centimètres du bord inférieur de l’instrument. Une plaque protectrice, la «Raqma», ornée de motifs floraux, protège la table des attaques du plectre, fabriqué en plume d’aigle.
Le manche du «Úd Ramal» est plus long que celui du «Úd Sharqí» et est souvent décoré de marqueterie, tout comme la caisse de résonance. L’accord entre le manche et la caisse produit une sixte, contrairement à la quinte du «Úd Oriental». Les cordes en boyau, d’environ soixante centimètres de longueur vibrante, reposent sur un sillet en os et sont tendues par des chevilles en bois dur, comme le buis ou l’ébène. Une contre-éclisse, en bois ou en tissu brodé, est ajoutée pour protéger le bras du musicien des angles aigus de l’instrument, alliant confort et esthétisme.
Le «Úd Ramal», bien que largement éclipsé par les instruments modernes, conserve sa valeur historique, musicale et culturelle. Des efforts de restauration, comme ceux menés par Christian Rault en 1999, ont permis de redonner vie à cet instrument emblématique. Grâce à des collaborations internationales, telles que celle entre le luthier espagnol Carlos Paniagua et le musicien marocain Omar Metioui, le «Úd Ramal» a été reconstruit en 2010 et réintégré dans les ensembles de musique Al-Ala. Cette réintégration témoigne de la vitalité et de l’importance de cet héritage musical.
Aujourd’hui, le «Úd Ramal» reste un symbole du patrimoine musical marocain, contribuant à la richesse de la musique marocaine à travers des initiatives de lutherie et de préservation patrimoniale. Comme le souligne Khalid Belhaiba : «Il est essentiel de continuer à préserver ces instruments pour que la tradition musicale marocaine ne disparaisse pas».
