Menu
Search
Lundi 13 Mai 2024
S'abonner
close
Accueil next Culture

Yd’Ennayer : Entretien avec Moulay Hicham Guenoun, président de «We Speak Citizen»

En écho au Discours Royal affirmant la place centrale de la culture amazighe dans l'identité marocaine, l’association «We Speak Citizen», en collaboration avec Attarik Foundation, célèbre les 13 et 14 janvier à Casablanca «Yd’Ennayer 2974». Ce rendez-vous culturel met en lumière les splendeurs de l'amazighité. Entretien avec Moulay Hicham Guenoun, président «We Speak Citizen» autour de cette célébration.

No Image
Le Matin : On célèbre le 14 janvier le Nouvel An amazigh, comment fête-t-on «Yd’Ennayer» au Maroc ?

Moulay Hicham Guenoun :
«Yd’ennayer» est une fête séculaire et sacrée pour les Amazighs. Leurs rites sont riches et variés et marquent leur attachement au divin et à la nature. On célèbre l’avènement de l’hiver, synonyme de pluie qui va arroser la terre, faire pousser les cultures et faire prospérer la vie.



Les maisons et les lieux où se retrouve la communauté sont préparés et purifiés pour cette occasion. De manière générale, et avec des variantes locales, les femmes choisies pour leur droiture et leur «Niyya» vont préparer et exécuter la procession de «Taghonja» où elles demandent à Dieu d’apporter la pluie et où on offre aux jeunes filles des denrées (orge, œufs...) qui serviront à préparer les repas rituels collectifs, selon les régions : «Taguella» compotée à base de graines, «Ihabban», «Ourkimen», «Boufennouz».... Dans le plat collectif (une forme locale et ancienne de la galette des Rois !), un noyau de datte est dissimulé et celui qui le trouve se voit confier les clefs du grenier collectif. Le soir, des feux sont allumés et les hommes du village pratiquent le rituel du «Tibatchine» qui consiste à sauter par dessus une série de feux pour prouver leur courage. Plus tard, hommes et femmes se retrouvent autour d’un «Ahwach» ou d’un «Ahidouss».

Vous célébrez «Yd'Ennayer» au Marina Shopping Center. Pourquoi le choix de cet espace ?

Le choix d’un mall à Casablanca peut paraître étrange et farfelu, mais c’est un choix délibéré. Pour célébrer le Nouvel An amazigh «d'yennayer 2974», et pour cette année spéciale où Sa Majesté Le Roi en a fait un jour férié au même titre que le 1er Moharram et le jour de l'an grégorien, nous avons élaboré un programme pour faire toucher au plus grand nombre la profondeur de cet aspect important de notre culture.

Vous organisez des expositions, conférences, spectacles... quels sont, selon vous, les éléments les plus expressifs de la culture amazighe ?

Il y’a plusieurs aspects culturels qui transparaissent dans ce genre de cérémonies, ça ne résume pas toute la culture, mais ça en décrit des pans. Nous avons d’abord voulu montrer et expliquer la beauté des pratiques dans un esprit communautaire qui matérialisent la foi en Dieu, l’attachement à la nature, l’interdépendance au divin, aux autres, au territoire et à la nature. Les objets, les habits, les chants, les rituels, les repas sont autant de véhicules de cette culture et c’est cela que nous voulons rendre accessible à nos concitoyens citadins.

«Taghonja» et «Anzar» sont présents dans votre célébration, pourquoi avez-vous choisi ces deux symboles dans la culture amazighe et comment les présentez-vous au public ?

La procession de «Taghonja», qui signifie la louche en tamazight, ustensile qui pioche dans l’abondance, est un bel exemple de l’intelligence de nos ancêtres qui, tout en épousant très sincèrement la foi musulmane, ont su adapter leurs anciennes pratiques culturelles à leur nouvelle religion et non pas le contraire. «Anzar» signifie de nos jours tout simplement la pluie et c’est à Allah, notre dieu, que nous demandons la pluie. Pour cette thématique, nous avons préparé une conférence, il y aura une vraie procession dans les pures traditions, au sein du mall, avec des femmes venues du village d’Aït Benhaddou et nous avons préparé des ateliers de fabrication de poupées traditionnelles avec des louches pour les jeunes filles.

En tant qu'association comment à votre avis peut-on préserver la culture amazighe ?

Nous partons du postulat que si nous ne sommes pas bien ancrés et bien dans notre identité, nous ne pouvons pas avancer en tant que personnes, communauté et peuple. La reconnaissance de la composante amazighe de notre identité passe par sa redécouverte, par une réconciliation avec notre passé pour mieux construire notre avenir. Le rôle des associations est d’œuvrer à valoriser la culture aux yeux de nos compatriotes.

À Aït Benhaddou, laboratoire de notre démarche, nous avons créé la Maison de l’Oralité, un centre culturel et de recherche, où nous travaillons sur la collecte, la valorisation et la transmission de notre héritage immatériel pour que nos jeunes en soient fiers, se l’approprient et le fassent évoluer et perdurer, et pour qu’ils innovent en s’ancrant dessus.

L’organisation d’événements comme celui-là est un très bon moyen pour arriver à nos fins. Dieu merci, grâce aux Directives éclairées de Sa Majesté que Dieu le préserve, les conditions sont aujourd’hui plus que favorables pour qu’une action telle que la nôtre réussisse.

Comment peut-on encourager l'apprentissage du «Tifinagh» ?

Comme pour toute langue écrite, la pratique du «Tifinagh» doit être banalisée et c’est déjà le cas dans plusieurs domaines et sur pratiquement tous les types de médias. Il y a un effort pédagogique à faire pour sortir des clivages. Ce qui est constaté c’est que les enfants l’apprennent avec facilité à l’école. Pour nous, adultes, il faut le faire dans d’autres contextes, nous ne le ferons que si notre envie est suscitée et si on trouve du plaisir à le faire. C’est donc aux promoteurs du «Tifinagh» qu’incombe la responsabilité de le proposer dans des contextes innovants en plus du contexte académique qui reste naturellement nécessaire.

Avez-vous d'autres projets en cours pour la présentation ou la célébration de la culture amazighe ?

La culture amazighe est pour nous la colonne verticale de notre Marocanité. Avant toute chose, notre mission initiale est de favoriser le développement de projets générateurs de revenus pour les populations rurales que nous accompagnons. Nous avons constaté que plus la culture est présente plus les personnalités des porteurs de projets sont sereines et créatives et plus leurs projets sont pertinents et innovants. La réponse est donc oui, nous continuerons à présenter, à célébrer, à documenter et à transmettre la culture à travers nos projets communautaires parmi lesquels la Maison de l’Oralité et ses collections.
Lisez nos e-Papers