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Abdellatif Jouahri déplore l'atonie du marché du travail

Politique monétaire, croissance économique, chômage des jeunes, liquidité bancaire, expansion du cash, créances en souffrance, sortie du Maroc sur le marché financier international : autant de sujets cruciaux que le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a abordés lors de sa dernière conférence de presse. Dans un environnement économique mondial incertain, Jouahri salue la résilience de l’économie nationale, particulièrement les activités non agricoles, mais appelle à des réformes structurelles pour soigner le marché du travail. Détail.

Pour Jouahri, face aux incertitudes, BAM a le devoir d’être prudente dans sa politique monétaire
Pour Jouahri, face aux incertitudes, BAM a le devoir d’être prudente dans sa politique monétaire
Lors du point de presse qui a suivi la troisième réunion trimestrielle de Bank Al-Maghrib, le gouverneur Abdellatif Jouahri a une nouvelle fois abordé une palette de sujets cruciaux liés à la politique monétaire du pays. De la dynamique de croissance des activités non agricoles à la persistance des défis sur le marché du travail, en passant par la prudence requise face aux incertitudes économiques mondiales, ses interventions ont été riches et éclairantes. Jouahri a également mis en lumière les actions de la Banque centrale pour soutenir la liquidité bancaire, ainsi que les perspectives d'emprunt à l'international du Maroc, soulignant l'importance d'une approche réfléchie dans un environnement en constante évolution.

Croissance : le gouverneur de Bank Al-Maghrib salue la performance des activités non agricoles

Si la production et la valeur ajoutée agricoles restent volatiles, sujettes à des fluctuations importantes et imprévisibles en fonction des conditions climatiques, la bonne nouvelle est que les activités non agricoles poursuivent leur reprise. Cette tendance serait soutenue à moyen terme par l’élan attendu de l’investissement. Ainsi, les activités non agricoles devraient s’accélérer, avec une hausse du PIB de 3,9% prévue pour 2024 et 2025, tirée principalement par les industries manufacturières, extractives ainsi que par le tourisme. Ce rythme de croissance serait le plus élevé des cinq dernières années, à l’exception de 2021, où le PIB non agricole a bondi de 6,9%, compensant la baisse de 7,1% observée en 2020 en raison des impacts de la crise sanitaire de Covid-19.



En revanche, la valeur ajoutée agricole reculerait de 6,9 % cette année, selon les nouvelles prévisions de Bank Al-Maghrib, sur la base d’une production céréalière estimée par le Département de l’Agriculture à 31,2 millions de quintaux (MQx). Elle devrait cependant s’accroître de 8,6% en 2025 sous l’hypothèse d’un retour à une récolte céréalière moyenne de 55 MQx. Rappelons que la valeur ajoutée agricole, fortement tributaire des conditions climatiques, avait bondi de 19,5% en 2021, après une baisse de 8,1% en 2020, puis chuté de 11,3% en 2022 avant de croître modestement de 1,4% en 2023.

Ainsi, après une accélération à 3,4% en 2023, la croissance économique globale du Maroc devrait ralentir à 2,8% cette année, avant de rebondir à 4,4% en 2025.

Le marché du travail reste le point noir

Au Maroc, la problématique de l’emploi se pose avec davantage d’acuité. En effet, le chômage a atteint 13,1% au niveau national au deuxième trimestre, soit un niveau deux fois plus élevé que la moyenne de la zone Euro (6,5% en juin) et le triple par rapport aux États-Unis (4,1%). Pour Jouahri, cette problématique touche particulièrement les jeunes, essentiellement la tranche de 15 à 24 ans, dont le taux de chômage s’élève globalement à 36,1% et dans le milieu urbain à environ 48,8%. Selon lui, ces constats sont également observés dans de nombreux pays émergents et en développement. Toutefois, si l’économie nationale a accusé une perte de 82 mille postes au deuxième trimestre 2024, exclusivement en milieu rural, suite à la baisse de l’activité agricole, le Wali de Bank Al-Maghrib estime que la solution ne réside pas de la politique conjoncturelle. Selon lui, la problématique nécessite des réformes structurelles majeures. La politique publique doit, en effet, contribuer à la préparation des jeunes au marché du travail à travers l’amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation, et plus globalement l’investissement dans le capital humain, avec un focus sur l’encouragement à l’entrepreneuriat. À ce propos, le gouverneur de la Banque centrale a souligné la pertinence des programmes ciblés pour les jeunes, tels qu'Intelaka et Forsa. Cependant, il a précisé que les retombées de ces initiatives, qui demandent un renforcement de l'accompagnement, ne se feront sentir qu'à long terme. Jouahri reconnaît également que comprendre l'évolution des marchés du travail devient de plus en plus complexe, en raison des profondes transformations que connaît le monde. L'accélération de la transition numérique, en particulier, accroît les exigences en matière d'accès à l'emploi.

Taux directeur : face aux incertitudes, BAM a le devoir d’être prudente

Pour Jouahri, une banque centrale responsable doit faire preuve de prudence dans sa politique monétaire, particulièrement en cette période d’incertitudes élevées. «On nous considère comme très conservateurs, mais les gens peuvent penser ce qu'ils veulent. Nous essayons d’approfondir l’analyse au maximum, car nous ne pouvons pas prendre des décisions à l’improviste. Si le Conseil a jugé approprié de maintenir le taux directeur inchangé à 2,75%, il suit de près l’évolution de la conjoncture économique et sociale. Nous décidons trimestriellement de l’orientation de la politique monétaire, et d’ici décembre, nous examinerons la situation», a-t-il souligné. «Il y a des éléments visibles et d'autres invisibles. Aujourd’hui, il y a énormément de facteurs non visibles, ce qui a conduit le Conseil à cette décision. Je préfère encore faire preuve de prudence pendant trois mois et observer comment les choses vont évoluer pour être plus fondé à prendre une décision», a ajouté le patron de la Banque centrale. De plus, plusieurs éléments doivent être suivis de près, notamment les négociations dans le cadre du dialogue social, qui pourraient avoir des impacts plus importants que prévu sur l’évolution de la demande et des prix. S’ajoutent à cela les incertitudes liées aux tensions géopolitiques à l’international, qui pourraient faire grimper l’inflation des produits énergétiques.

Soutien de BAM aux besoins de liquidité pour stimuler l'investissement

En ce qui concerne la contribution de la Banque centrale au soutien de projets économiques générateurs de croissance et d'emplois, Abdellatif Jouahri a déclaré que l'institution est prête à fournir davantage de liquidités aux banques, malgré le maintien du taux directeur, si cela permet de stimuler les investissements. «Si les banques expriment des besoins pour financer des investissements, la Banque centrale leur accordera les montants nécessaires», a -t-il assuré.

D’ailleurs, le besoin en liquidité des banques a augmenté de 111,6 milliards de DH en moyenne hebdomadaire au premier trimestre 2024 à 113,8 milliards au deuxième trimestre. Ainsi, Bank Al-Maghrib a porté ses injections à 128,2 milliards de DH, après 123,9 milliards. Le besoin de liquidité des banques s’est encore accentué à 129,4 milliards en moyenne en juillet et août. La Banque centrale a ainsi porté le montant de ses injections à 128,2 milliards puis à 143,3 milliards respectivement. «Actuellement, nous accordons 151 milliards de DH. Si le besoin atteint 200 milliards, nous sommes prêts à répondre pleinement à cette demande pour soutenir le financement de l'économie», a précisé la Banque centrale, réaffirmant ainsi son engagement à ajuster ses interventions en fonction des besoins croissants en liquidité des banques. Les montants que les banques peuvent obtenir de la Banque centrale, en fonction des garanties qu’elles offrent sous forme de portefeuille, peuvent aller jusqu’à 400 milliards de DH. Selon les nouvelles prévisions de BAM, le déficit de liquidité bancaire devrait se creuser pour ressortir à 146,6 milliards en 2025.

Le besoin de liquidité se creuse en raison de l'expansion de la monnaie fiduciaire

Si le besoin de liquidité bancaire continue de se creuser, c’est essentiellement en raison de l’expansion de la monnaie fiduciaire. Selon les données présentées par Jouahri, le cash représente 28% du PIB au Maroc, un niveau très élevé même par rapport à des pays comparables où environ 30% de l’économie est informelle. À titre de comparaison, en Égypte, la circulation du cash ne représente que 12% du PIB, tandis qu'au Kenya, elle n'atteint que 2%. Le Kenya a réussi à limiter l'utilisation du cash grâce au mobile banking, tandis qu'en Égypte, les autorités ont mis en place des mesures significatives pour remédier à cette problématique. Pour le Maroc, le Wali de BAM a indiqué qu’une étude globale et approfondie a été lancée pour dresser l’état des lieux et proposer des solutions adaptées.

Transférabilité des créances en souffrance : Le projet est finalisé

Bank Al-Maghrib a contribué dans le cadre d’un comité inter-institutionnel piloté par le Secrétariat général du gouvernement, aux travaux de mise en place d’un marché secondaire des créances non performantes. Il a pour objectif de faciliter la gestion et la réduction du portefeuille de ces créances porté par les établissements de crédit et accroitre la capacité de ces derniers à financer l’économie. Ces travaux ont donné lieu à la préparation d’un projet de réforme, relatif à la transférabilité des créances en souffrance, en concertation avec les parties prenantes concernées. Selon Jouahri, le projet est finalisé et sera bientôt transmis au Chef du gouvernement pour qu’il soit inscrit dans le processus d’adoption.

Le Maroc attend le bon moment pour se financer à l'international

En ce qui concerne le délai pris par le Maroc pour se financer sur les marchés extérieurs, le gouverneur de la Banque centrale estime que la sortie du Trésor sur le marché international dépend de plusieurs facteurs, notamment de son besoin de financement et des conditions favorables sur les marchés financiers. À ce sujet, Jouahri juge que ce délai est bénéfique pour le pays, compte tenu de la tendance actuelle à l'assouplissement monétaire et à la baisse des taux directeurs à l'échelle internationale. «Plus les taux baissent, plus c'est avantageux pour le Maroc», a-t-il précisé. En effet, les récentes baisses de taux décidées par les banques centrales, notamment la BCE et la FED, devraient se poursuivre jusqu'à la fin de l'année et au cours de l'année prochaine, selon les projections du marché international. Dans ce contexte, le Maroc attend le moment opportun pour réaliser cette opération. Par ailleurs, la ligne de crédit modulable (LCM) accordée par le FMI renforce la position du pays pour obtenir les meilleurs taux lors de sa sortie sur les marchés internationaux. Jouahri a rappelé, par ailleurs, que l’agence de notation Standard & Poor's a relevé de «stable» à «positive» la perspective associée à la note de la dette souveraine du Maroc, à la faveur notamment de l'amélioration des réformes socio-économiques et budgétaires. Le gouvernement bénéficie également de l'expertise de consultants et de banques spécialisées pour déterminer le moment et le volume optimal de cette opération.

Société Générale Maroc : L’approbation du nouvel agrément imminente

Le dossier de demande d’un nouvel agrément pour la Société Générale marocaine de banques (SGMB) est dans sa phase finale. «Pratiquement, nous avons finalisé l’examen de la demande. Vraisemblablement, nous allons programmer une réunion du comité des établissements de crédit, sous un format restreint, vers mi-octobre. Avant la fin de l’année, tout sera ficelé pour valider l’opération d’achat», a annoncé le Wali de Bank Al-Maghrib. Pour rappel, en avril dernier, le groupe Société Générale a signé deux contrats de cession avec le groupe Saham, soumis à l’approbation des autorités compétentes, en vue de céder la Société Générale marocaine de banques ainsi que ses filiales, et La Marocaine Vie. La transaction se ferait au prix de 745 millions d’euros.
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