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Performance de l’administration fiscale : ce que révèle la nouvelle évaluation du FMI

Le Fonds monétaire international a publié les résultats d’une nouvelle évaluation du système d’administration fiscale du Maroc. Si le Rapport met en évidence des progrès notables issus de plusieurs réformes, il pointe aussi des fragilités persistantes, notamment la faible intégrité du registre des contribuables, le stock élevé des arriérés fiscaux, ainsi que les délais prolongés de traitement des remboursements de TVA et du contentieux fiscal.

L’exactitude du registre des contribuables est compromise par les retards dans la désactivation des contribuables inactifs . Le système de remboursement de la TVA , lui, ne fait pas l’objet d’une évaluation fondée sur les risques, ce qui entraîne des retards pour la plupart des remboursements.
L’exactitude du registre des contribuables est compromise par les retards dans la désactivation des contribuables inactifs . Le système de remboursement de la TVA , lui, ne fait pas l’objet d’une évaluation fondée sur les risques, ce qui entraîne des retards pour la plupart des remboursements.
Une nouvelle évaluation du système d’Administration fiscale du Maroc a été réalisée par le Fonds monétaire international (FMI) entre le 30 septembre et le 13 octobre 2025. Cette analyse, réalisée dans le cadre d’une assistance technique, diagnostique la performance de l’Administration fiscale et identifie les priorités de réformes. Il s’agit de la deuxième évaluation après celle de 2018, qui dresse un bilan contrasté : si des progrès substantiels ont été accomplis dans plusieurs domaines, des défis majeurs subsistent.

En 2024, dans un contexte de croissance économique ralentie à 3,2%, la Direction générale des impôts (DGI) a collecté 343,7 milliards de dirhams, soit 21,53% du PIB. La TVA reste le pilier des recettes avec 37% du total, devant l’impôt sur les sociétés (22%) et l’impôt sur le revenu des personnes physiques (18%). Sur les 32 indicateurs de performance analysés par le FMI, 18 affichent une amélioration par rapport à 2018, mais le chemin reste encore long.

Des réformes ambitieuses depuis 2018

Depuis la première évaluation, la DGI a entrepris une transformation significative de ses opérations, visant notamment à améliorer la conformité et à aligner l’Administration sur les normes internationales. Elle a mis en œuvre une démarche structurée de collecte de renseignements sur le terrain et de croisement d’informations avec plusieurs organismes afin d’identifier les contribuables non enregistrés et d’élargir l’assiette fiscale.

L’introduction du portail des services des impôts en ligne (SIMPL) constitue l’une des avancées les plus notables : la déclaration électronique est désormais obligatoire pour l’ensemble des contribuables, permettant de traiter plus de 90% des déclarations et des paiements d’impôts par voie électronique.

La gestion des risques a également été modernisée grâce à la mise en place du Système de recoupement et d’analyse des données (SRAD), qui exploite les mégadonnées et l’analyse avancée pour recouper à grande échelle les dossiers des contribuables. Cette approche holistique et centralisée, supervisée par une unité dédiée, permet de cibler les contrôles sur les dossiers les plus sensibles.

La DGI s’appuie aussi sur un programme de contrôle fiscal basé sur les risques, dont l’exécution est suivie rigoureusement pour évaluer la qualité et l’efficacité des contrôles. Parallèlement, l’Administration a instauré une véritable culture de service, favorisant le civisme fiscal volontaire : portail internet, application mobile «Daribati», centre d’appels... les contribuables disposent d’une panoplie d’outils accessibles 24 h/24. Des programmes d’éducation fiscale ont même été introduits dans les écoles primaires et secondaires, en partenariat avec le ministère de l’Éducation.

Parmi les autres points forts, le FMI relève la contribution régulière et structurée de la DGI aux prévisions de recettes, incluant le suivi mensuel et les projections des remboursements de TVA, ainsi que la mise en place de systèmes comptables automatisés et transparents.

Des faiblesses persistantes

Malgré ces avancées, l’évaluation souligne plusieurs problèmes majeurs nécessitant une attention urgente, notamment la faible intégrité du registre des contribuables, en particulier ceux inactifs. L’exactitude du registre est compromise par les retards dans la désactivation des contribuables inactifs. Conformément à l’article 228 bis du CGI (Code général des impôts), un contribuable est considéré comme inactif s’il n’a pas déposé de déclaration ni payé d’impôts au cours des trois derniers exercices fiscaux et n’a réalisé aucune opération durant cette période. La DGI a indiqué que la fonctionnalité de mise à jour automatique du registre des contribuables inactifs est en cours de développement et poursuivra ses efforts pour renforcer la fiabilité du registre.

Faibles taux de déclaration dans les délais

Les taux de déclaration dans les délais restent préoccupants et inférieurs aux normes internationales. En 2024, seulement 57,3% des déclarations d’impôt sur les sociétés ont été déposées dans les délais pour l’ensemble des contribuables, contre 93,3% pour les grands contribuables, un niveau inférieur à la norme de bonne performance (75%). Pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques, le taux est de 62,2%. Pour la TVA, il atteint 64,7% pour tous les contribuables et 96,5% pour les grands contribuables. Le prélèvement à la source affiche un taux de 56,8%.

Stock élevé d’arriérés fiscaux

Le Rapport souligne également un stock élevé d’arriérés fiscaux. Le pourcentage moyen des arriérés fiscaux en fin d’exercice, rapporté aux recettes d’impôts de base recouvrées sur les trois derniers exercices, s’établit à 58,8%. Le ratio des arriérés d’impôts de base recouvrables par rapport au total des sommes recouvrées au titre de ces impôts reste élevé, à 43,8% en moyenne. Par ailleurs, les arriérés de plus de 12 mois représentent 67% de la valeur totale des arriérés d’impôts de base. La DGI indique que cette situation pourrait être due à des critères stricts de radiation de la dette et à la présence de nombreux contribuables inactifs dans le registre.

Problèmes de remboursement de TVA

Le processus de remboursement de la TVA présente également des lacunes importantes. Le traitement des demandes n’est pas basé sur une évaluation systématique du risque. Entre août 2024 et juillet 2025, seulement 9% en nombre et 8% en valeur des demandes de remboursement de TVA ont été payées, compensées ou rejetées dans un délai de 30 jours. Pour la majorité, le paiement intervient après plusieurs mois en raison de l’obligation légale de vérification complète.

Contentieux fiscal : délais longs et indépendance limitée

Le système de règlement des litiges fiscaux pose aussi des difficultés. Bien que le Code général des impôts prévoie un dispositif progressif comprenant une phase administrative et une phase juridictionnelle, son utilisation reste limitée. Les commissions de recours fiscaux sont systématiquement saisies et règlent à l’amiable 90% des dossiers avant le prononcé de leurs décisions. Le recours à la procédure contentieuse formelle demeure marginal. Concernant les délais, 90,5% des réclamations sont traitées dans un délai de 90 jours, loin des bonnes pratiques internationales.

Perspectives

Pour le FMI, cette évaluation constitue une base solide pour la révision du Plan stratégique 2024-2028 de la DGI et l’élaboration des plans annuels de mise en œuvre. Elle devrait servir de catalyseur du changement, en encourageant l’adoption de techniques et technologies modernes d’Administration fiscale, tout en fixant des repères clairs pour mesurer l’avancement des réformes.

L’équipe d’évaluation souligne que cette radiographie objective des forces et faiblesses de l’Administration fiscale contribuera à aligner les stratégies de la DGI sur les bonnes pratiques internationales, favorisant une culture d’amélioration continue et d’innovation, et garantissant la responsabilité et la détermination de la DGI à atteindre ses objectifs stratégiques.
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