Le Matin : Le Maroc envisage de multiplier sa flotte aérienne à l’horizon 2035. Comment voyez-vous cette ambition et quel virage négocier pour y arriver ?
Hadi Akoum : Je tiens d’abord à remercier le Royaume pour cette décision stratégique et visionnaire. L’aérien représente un vrai vivier pour l’emploi. Les statistiques de l’IATA (Association du transport aérien international) indiquent que pour chaque emploi créé dans une compagnie aérienne, il y a six emplois qui sont créés ailleurs, que ce soit au niveau de la chaîne de l’aéroport, du transport, des hôtels, des restaurants ou de l’agriculture, etc. Et aujourd’hui, lorsqu’on regarde un peu le marché dans la région, on constate que l’Afrique est un continent qui n’arrête pas d’augmenter au niveau de la population, donc le nombre de gens qui sont prêts à voyager et qui ont besoin de voyager n’arrête pas d’augmenter. Il y a un besoin estimé à 900.000 avions à l’horizon 2030-2040. Airbus se positionne donc, aujourd’hui, comme leader sur le continent avec plus de 250 avions et un carnet de commandes assez important. Nous sommes présents pratiquement dans toutes les compagnies aériennes qui ont la capacité d’opérer des vols avec nos types d’avions, ce qui veut dire des avions qui ont plus de 100 sièges. Le seul pays où on n’a pas vraiment une présence, c’est le Maroc !
Pourtant le Maroc a une industrie aérienne florissante. Pourquoi n’y êtes-vous pas ?
On n’est pas présent au niveau de la compagnie aérienne nationale, on n’a aucun avion acheté ou loué par Royal Air Maroc. Il y a eu un historique de quatre avions, mais aujourd’hui, c’est la seule compagnie presque en Afrique de cette taille-là qui n’a pas des Airbus. Et cela, c’est un peu dommage parce que, de notre côté, au niveau de la présence industrielle, on a un historique de plus de 50 ans de présence de l’industrie aéronautique européenne au Maroc. Et cette présence n’a pas été augmentée. Et il y a une vraie coopération aujourd’hui qui a aidé un peu le secteur aéronautique marocain à se développer. Parce qu’il ne faut pas oublier que pratiquement 80% des pièces qui sortent des usines marocaines sont installés sur des Airbus. Et pendant la période de la Covid, il n’y avait que Airbus qui a continué un peu à recevoir ces pièces. C’était essentiel pour maintenir le secteur. Avec cette vision d’augmenter la flotte aérienne au Maroc, je considère personnellement que c’est une belle opportunité. Cela sera une fierté pour l’équipe que je représente, mais aussi je pense qu’à Airbus, on cherche, on regarde l’avenir et on croit dans ce marché d’Afrique de l’Ouest, qui aujourd’hui est relativement vide, et on aimerait bien avoir un champion sur ce marché. On voit réellement en Royal Air Maroc un champion. Pour le bon de commande de 200 avions, nous sommes en discussion avec la compagnie pour savoir quelles sont les options d’achat ou de location possibles. Ces discussions sont confidentielles, mais nous avons un grand intérêt de contribuer au développement de la compagnie marocaine. Je note ici que si le choix des compagnies mondiales s’est porté en grande majorité sur Airbus, ceci veut dire qu’on a le produit qu’il faut. C’est un partenariat à long terme. Quand on achète un avion, c’est un mariage de 15 ans minimum, ce qui veut dire que c’est un gros investissement pour le Royaume.
Quelles seraient les options pour ce bon de commande de 200 avions, de la location leasing et plutôt une minorité qui serait achetée ?
Je pense que oui, compte tenu des disponibilités des avions aujourd’hui. Et si on veut aller vite, je pense que ça sera la décision de Royaume. Il faudrait peut-être d’ici les années 2030 pouvoir s’orienter vers le marché de location. Nous avons l’habitude de faire des montages financiers avec les compagnies aériennes pour nous adapter. Je pense qu’il y a un intérêt aussi à aller vers cette option parce que ce n’est pas un investissement direct dans l’achat et la location reste une option relativement simple à mettre en place.
Est-ce que vous êtes plutôt confiant sur le fait que cette fois-ci, pour la première fois, dans l’histoire à la fois d’Airbus et de notre pays, il pourrait y avoir des Airbus qui voleront dans le ciel marocain, en dehors de votre concurrent qui, lui, vole depuis plus d’un demi-siècle ?
Inch’Allah. Je voudrais souligner ici que l’on n’a jamais eu une telle ambiance de travail en vraie coopération entre la compagnie et Airbus. Je pense qu’il y a aujourd’hui une vraie volonté de coopération. Je tiens donc à remercier la direction de Royal Air Maroc, et son président, pour avoir ouvert cet état d’esprit de coopération, qui est très important pour les deux sociétés.
L’autre objectif annoncé par le Maroc, c’est de faire voler aussi un avion qui soit fabriqué entièrement au Maroc. Est-ce que c’est faisable, selon vous ?
Écoutez, lorsqu’on parle de fabriquer un avion, il faut être un peu plus précis là-dessus. Fabriquer un avion de 4 places, de 5 ou de 6 places, aujourd’hui, c’est quelque chose que beaucoup de gens, qui sont un peu passionnés, commandent par Internet, reçoivent les pièces, l’avion est déjà certifié, et le construisent. Ce n’est pas ça qui va créer l’industrie marocaine. Fabriquer un avion de la taille d’Airbus, c’est une autre échelle. Et cela, même des pays comme la Chine, ils n’ont toujours pas réussi à rentrer sur ce marché là. Et c’est pour cela qu’aujourd’hui dans le monde, il n’y a que pratiquement deux fabricants d’avions, c’est Airbus et Boeing. C’est quelque chose qui est beaucoup plus complexe. Je pense qu’aujourd’hui, il y a un savoir-faire qui a été développé au Maroc, quelque part grâce à cette coopération avec Airbus. Je tiens à souligner que plus de 80% des pièces qui sont fabriquées au Maroc le sont en coopération directe ou indirecte avec Airbus et qui sont installés sur des avions Airbus. Ceci a permis de créer de l’emploi, d’offrir des opportunités pour créer une école, des universités pour former des ingénieurs, etc. Je pense que c’est important de profiter et de construire sur ce savoir-faire et cette coopération, je tiens à le souligner, c’est important. Aujourd’hui, l’industrie marocaine travaille majoritairement pour des pièces Airbus, c’est très important de la pérenniser. On a une situation qui est quand même un peu déséquilibrée. C’est que du moment qu’il n’y a pas d’avion Airbus ici, forcément, nous, on a la pression de tous les pays, de toutes les compagnies qui nous achètent des centaines d’avions, de pouvoir aussi délocaliser chez eux. Forcément, dans un partenariat, il faudrait qu’il y ait un équilibre. Je rappelle ici que l’année dernière, on a vendu plus de 2.200 avions, il y a des pays qui ont acheté plus de 500 avions, ils ont un certain savoir-faire et des obligations de créer de l’emploi, un peu comme au Maroc. Et forcément, on a l’impression de pouvoir délocaliser. Après, aujourd’hui, le Maroc, il a une position géographique qui est très intéressante. Il y a aussi, il ne faut pas l’oublier, le rapprochement culturel. On a des ingénieurs ici qui sont formés un peu en Europe, qui parlent un peu la même langue, mais bon, il y a aussi tous les pays européens de l’Est ! Mais ce que je veux dire par là, c’est qu’aujourd’hui, il y a quand même une vraie réussite au Maroc avec l’industrie aéronautique. Parce que je tiens à le souligner, sur tout le continent, et même le Proche-Orient, il n’y a qu’au Maroc qu’il y a cette capacité de production et ce savoir-faire. La position géographique du Maroc est très intéressante, mais il y a beaucoup de pays en Europe qui ont aussi une position géographique, des facilités au niveau des taxes, au niveau des droits de douane et au niveau de l’investissement. Nous sommes fiers de cette dynamique que nous avons créée au Maroc. Nous avons pu créer plus de 1.000 emplois directs, mais indirectement, Airbus crée autour de 10.000 emplois, et nous estimons qu’il faut pérenniser ce partenariat. Forcément, Airbus attend des signes positifs. Aujourd’hui, entre position géographique, rapidité du transport, pouvoir travailler ensemble pour que les pièces puissent sortir à temps et dans la qualité requise, le Maroc est bien placé. Je pense que c’est très important aujourd’hui de pérenniser cette relation, on sait travailler ensemble, c’est déjà énorme. Il y a aussi une volonté des différents acteurs de travailler avec le Maroc... pérennisons donc cet esprit de coopération et le futur sera radieux pour tout le monde.
Est-ce que le Maroc peut avoir l’ambition légitime d’être une plateforme en matière de services et de maintenance pour l’industrie aérienne ?
Si je me peux me permettre, c’est un choix stratégique du gouvernement marocain. La vision que j’ai, c’est que c’est très important de créer un maximum d’emplois au Maroc et notamment des emplois de plus en plus qualifiés. Une fois que ce niveau de qualification commence à atteindre des niveaux supérieurs, vous n’avez pas besoin d’Airbus, vous n’avez pas besoin d’autres entreprises, vous savez le faire vous-même. C’est ce qu’ont fait les Chinois d’ailleurs dans plusieurs industries.
Hadi Akoum : Je tiens d’abord à remercier le Royaume pour cette décision stratégique et visionnaire. L’aérien représente un vrai vivier pour l’emploi. Les statistiques de l’IATA (Association du transport aérien international) indiquent que pour chaque emploi créé dans une compagnie aérienne, il y a six emplois qui sont créés ailleurs, que ce soit au niveau de la chaîne de l’aéroport, du transport, des hôtels, des restaurants ou de l’agriculture, etc. Et aujourd’hui, lorsqu’on regarde un peu le marché dans la région, on constate que l’Afrique est un continent qui n’arrête pas d’augmenter au niveau de la population, donc le nombre de gens qui sont prêts à voyager et qui ont besoin de voyager n’arrête pas d’augmenter. Il y a un besoin estimé à 900.000 avions à l’horizon 2030-2040. Airbus se positionne donc, aujourd’hui, comme leader sur le continent avec plus de 250 avions et un carnet de commandes assez important. Nous sommes présents pratiquement dans toutes les compagnies aériennes qui ont la capacité d’opérer des vols avec nos types d’avions, ce qui veut dire des avions qui ont plus de 100 sièges. Le seul pays où on n’a pas vraiment une présence, c’est le Maroc !
Pourtant le Maroc a une industrie aérienne florissante. Pourquoi n’y êtes-vous pas ?
On n’est pas présent au niveau de la compagnie aérienne nationale, on n’a aucun avion acheté ou loué par Royal Air Maroc. Il y a eu un historique de quatre avions, mais aujourd’hui, c’est la seule compagnie presque en Afrique de cette taille-là qui n’a pas des Airbus. Et cela, c’est un peu dommage parce que, de notre côté, au niveau de la présence industrielle, on a un historique de plus de 50 ans de présence de l’industrie aéronautique européenne au Maroc. Et cette présence n’a pas été augmentée. Et il y a une vraie coopération aujourd’hui qui a aidé un peu le secteur aéronautique marocain à se développer. Parce qu’il ne faut pas oublier que pratiquement 80% des pièces qui sortent des usines marocaines sont installés sur des Airbus. Et pendant la période de la Covid, il n’y avait que Airbus qui a continué un peu à recevoir ces pièces. C’était essentiel pour maintenir le secteur. Avec cette vision d’augmenter la flotte aérienne au Maroc, je considère personnellement que c’est une belle opportunité. Cela sera une fierté pour l’équipe que je représente, mais aussi je pense qu’à Airbus, on cherche, on regarde l’avenir et on croit dans ce marché d’Afrique de l’Ouest, qui aujourd’hui est relativement vide, et on aimerait bien avoir un champion sur ce marché. On voit réellement en Royal Air Maroc un champion. Pour le bon de commande de 200 avions, nous sommes en discussion avec la compagnie pour savoir quelles sont les options d’achat ou de location possibles. Ces discussions sont confidentielles, mais nous avons un grand intérêt de contribuer au développement de la compagnie marocaine. Je note ici que si le choix des compagnies mondiales s’est porté en grande majorité sur Airbus, ceci veut dire qu’on a le produit qu’il faut. C’est un partenariat à long terme. Quand on achète un avion, c’est un mariage de 15 ans minimum, ce qui veut dire que c’est un gros investissement pour le Royaume.
Quelles seraient les options pour ce bon de commande de 200 avions, de la location leasing et plutôt une minorité qui serait achetée ?
Je pense que oui, compte tenu des disponibilités des avions aujourd’hui. Et si on veut aller vite, je pense que ça sera la décision de Royaume. Il faudrait peut-être d’ici les années 2030 pouvoir s’orienter vers le marché de location. Nous avons l’habitude de faire des montages financiers avec les compagnies aériennes pour nous adapter. Je pense qu’il y a un intérêt aussi à aller vers cette option parce que ce n’est pas un investissement direct dans l’achat et la location reste une option relativement simple à mettre en place.
Est-ce que vous êtes plutôt confiant sur le fait que cette fois-ci, pour la première fois, dans l’histoire à la fois d’Airbus et de notre pays, il pourrait y avoir des Airbus qui voleront dans le ciel marocain, en dehors de votre concurrent qui, lui, vole depuis plus d’un demi-siècle ?
Inch’Allah. Je voudrais souligner ici que l’on n’a jamais eu une telle ambiance de travail en vraie coopération entre la compagnie et Airbus. Je pense qu’il y a aujourd’hui une vraie volonté de coopération. Je tiens donc à remercier la direction de Royal Air Maroc, et son président, pour avoir ouvert cet état d’esprit de coopération, qui est très important pour les deux sociétés.
L’autre objectif annoncé par le Maroc, c’est de faire voler aussi un avion qui soit fabriqué entièrement au Maroc. Est-ce que c’est faisable, selon vous ?
Écoutez, lorsqu’on parle de fabriquer un avion, il faut être un peu plus précis là-dessus. Fabriquer un avion de 4 places, de 5 ou de 6 places, aujourd’hui, c’est quelque chose que beaucoup de gens, qui sont un peu passionnés, commandent par Internet, reçoivent les pièces, l’avion est déjà certifié, et le construisent. Ce n’est pas ça qui va créer l’industrie marocaine. Fabriquer un avion de la taille d’Airbus, c’est une autre échelle. Et cela, même des pays comme la Chine, ils n’ont toujours pas réussi à rentrer sur ce marché là. Et c’est pour cela qu’aujourd’hui dans le monde, il n’y a que pratiquement deux fabricants d’avions, c’est Airbus et Boeing. C’est quelque chose qui est beaucoup plus complexe. Je pense qu’aujourd’hui, il y a un savoir-faire qui a été développé au Maroc, quelque part grâce à cette coopération avec Airbus. Je tiens à souligner que plus de 80% des pièces qui sont fabriquées au Maroc le sont en coopération directe ou indirecte avec Airbus et qui sont installés sur des avions Airbus. Ceci a permis de créer de l’emploi, d’offrir des opportunités pour créer une école, des universités pour former des ingénieurs, etc. Je pense que c’est important de profiter et de construire sur ce savoir-faire et cette coopération, je tiens à le souligner, c’est important. Aujourd’hui, l’industrie marocaine travaille majoritairement pour des pièces Airbus, c’est très important de la pérenniser. On a une situation qui est quand même un peu déséquilibrée. C’est que du moment qu’il n’y a pas d’avion Airbus ici, forcément, nous, on a la pression de tous les pays, de toutes les compagnies qui nous achètent des centaines d’avions, de pouvoir aussi délocaliser chez eux. Forcément, dans un partenariat, il faudrait qu’il y ait un équilibre. Je rappelle ici que l’année dernière, on a vendu plus de 2.200 avions, il y a des pays qui ont acheté plus de 500 avions, ils ont un certain savoir-faire et des obligations de créer de l’emploi, un peu comme au Maroc. Et forcément, on a l’impression de pouvoir délocaliser. Après, aujourd’hui, le Maroc, il a une position géographique qui est très intéressante. Il y a aussi, il ne faut pas l’oublier, le rapprochement culturel. On a des ingénieurs ici qui sont formés un peu en Europe, qui parlent un peu la même langue, mais bon, il y a aussi tous les pays européens de l’Est ! Mais ce que je veux dire par là, c’est qu’aujourd’hui, il y a quand même une vraie réussite au Maroc avec l’industrie aéronautique. Parce que je tiens à le souligner, sur tout le continent, et même le Proche-Orient, il n’y a qu’au Maroc qu’il y a cette capacité de production et ce savoir-faire. La position géographique du Maroc est très intéressante, mais il y a beaucoup de pays en Europe qui ont aussi une position géographique, des facilités au niveau des taxes, au niveau des droits de douane et au niveau de l’investissement. Nous sommes fiers de cette dynamique que nous avons créée au Maroc. Nous avons pu créer plus de 1.000 emplois directs, mais indirectement, Airbus crée autour de 10.000 emplois, et nous estimons qu’il faut pérenniser ce partenariat. Forcément, Airbus attend des signes positifs. Aujourd’hui, entre position géographique, rapidité du transport, pouvoir travailler ensemble pour que les pièces puissent sortir à temps et dans la qualité requise, le Maroc est bien placé. Je pense que c’est très important aujourd’hui de pérenniser cette relation, on sait travailler ensemble, c’est déjà énorme. Il y a aussi une volonté des différents acteurs de travailler avec le Maroc... pérennisons donc cet esprit de coopération et le futur sera radieux pour tout le monde.
Est-ce que le Maroc peut avoir l’ambition légitime d’être une plateforme en matière de services et de maintenance pour l’industrie aérienne ?
Si je me peux me permettre, c’est un choix stratégique du gouvernement marocain. La vision que j’ai, c’est que c’est très important de créer un maximum d’emplois au Maroc et notamment des emplois de plus en plus qualifiés. Une fois que ce niveau de qualification commence à atteindre des niveaux supérieurs, vous n’avez pas besoin d’Airbus, vous n’avez pas besoin d’autres entreprises, vous savez le faire vous-même. C’est ce qu’ont fait les Chinois d’ailleurs dans plusieurs industries.