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Aggravation du chômage : les raisons de l’échec du gouvernement (Nabil Adel)

Quelle lecture faire des derniers chiffres de l’emploi ? Nabil Adel, enseignant chercheur et directeur du Groupe de recherche en Géopolitique & Géo-économie à l’ESCA, a partagé la sienne lors de son passage à «L’Info en Face» du jeudi 6 février courant. «Emploi-Chômage : Un (en)jeu de Forme ou de Réforme(s) ?» était le thème central de ce numéro.

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Lors de son passage à «L’Info en Face» du 6 février courant, Nabil Adel, enseignant chercheur et directeur du Groupe de recherche en Géopolitique & Géoéconomie à l’ESCA, a partagé sa perception des derniers chiffres sur le chômage. Plutôt que d’opter pour un débat chiffré, l'invité a préféré se concentrer sur ce que cela représente dans le quotidien des Marocains. Il considère que «nous sommes face à un échec du gouvernement en matière de création d’emplois». Entre le taux de chômage de l’Enquête nationale et celui révélé par le Recensement général de la population et de l'habitat (RGPH 2024), l’invité de Rachid Hallaouy considère ce dernier plus réaliste.



Loin du million d’emplois promis, les chiffres actuels inquiètent. «À l’époque des gouvernements précédents, quand on dépassait 10%, c’était l’urgence nationale. Aujourd’hui, 10% deviennent un bon vieux souvenir», rappelle Nabil Adel. Avec des taux de chômage en constante augmentation, il pointe une détresse sociale et un manque d’empathie du gouvernement : «Une famille consacre 16 à 18 ans de sa vie à financer les études de ses enfants pour leur garantir un avenir normal. Au bout du compte, ce sont des jeunes qui restent à la maison sans activité». Et les actions menées par le gouvernement en faveur de l’emploi sont coûteuses et sans effet. «Non seulement elles n’ont pas réduit le taux de chômage, elles l’ont augmenté», explique Nabil Adel.

Mais il n’y a pas que les actions directes qui n’ont pas eu l’effet escompté. Pour Nabil Adel, à titre d’exemple, la baisse de l’IS n’a pas été accompagnée d’une rationalisation du train de vie de l’État. Il souligne «une pléthore d’administrations, d’agences et de structures qui coûtent beaucoup d’argent au contribuable, mais qui n’ont pas d’effet sur le quotidien des Marocains». Autant de dépenses qu’il serait judicieux de rediriger vers des secteurs productifs : «Quand on réduit les dépenses publiques, soit on baisse l’impôt et les Marocains gardent leur argent, soit on maintient la charge fiscale, mais on oriente ces dépenses vers la recherche, la santé et l’éducation».

Dépenses publiques-chômage : des courbes corrélées

Autre action débattue lors de cette émission, la hausse de l’investissement public. À ce propos, l’invité a rappelé qu’il ne crée pas de richesse, mais favorise plutôt sa création par le privé. Et de faire remarquer que «quand nous regardons la courbe de la hausse des dépenses publiques et la courbe de la hausse du chômage, elles sont tout de même assez corrélées». Sur le plan économique, le spécialiste précise qu’il n’y a aucun lien systématique, établi et vérifié, tout le temps, entre dépenses publiques et croissance.

Concernant le volet social, l’invité rappelle que la pérennité d’un État social nécessite une croissance forte. Or, il estime que le gouvernement s’est lancé dans un grand programme sans en assurer la pérennité et qu’il est en train de détruire l’État social. À titre d’exemple, il cite le système de santé : «Avant, un citoyen pouvait se soigner avec le Ramed. Aujourd’hui, il achète un téléphone et on lui dit que son “Mouachir” (indice) a augmenté».

Il a par ailleurs rappelé que «Sa Majesté le Roi a donné l’Orientation de l’État social. Nous voulons tous un État social. Mais c’est quoi un État social ?» Pour le spécialiste, il y a deux visions différentes : la première est celle où ceux qui travaillent financent eux-mêmes leur retraite, leurs soins de santé. La deuxième est celle d’un État socialiste qui se charge de la redistribution indépendamment du niveau de chacun. Et de conclure qu’en l’absence d’une philosophie, le gouvernement n’a pas mis en œuvre l’État social, mais l’a opérationnalisé : «identifier le taux de croissance minimum requis pour que le système tienne, c’est ça la vraie mise en œuvre». Or cette croissance est fortement tributaire de la pluviométrie. Ainsi, pour l’année en cours, «le taux de chômage va encore augmenter, parce que nous n’avons rien fait en 2024 pour l’améliorer», prévoit l’invité de l’émission.

Sur le plan démographique, Nabil Adel rappelle qu’un pays sans jeunes est un pays sans production et sans dynamisme économique. Tous les pays qui ont réussi leur transition démographique ont amélioré leur niveau de vie : «Nous, nous avons réduit la natalité sans améliorer la productivité». Et d’ajouter : «Nous avons compliqué le mariage et facilité le divorce, ce qui a un impact direct sur la natalité». Encourager la natalité est devenu un enjeu stratégique pour l’avenir du pays. C'est pourquoi il prévient que «toute décision que l’on pend maintenant, qui ne va pas dans le sens du renforcement de la natalité aura des conséquences catastrophiques à long terme».

Pour conclure, l’invité souligne l’écart entre les décideurs et les préoccupations des citoyens et un focus sur les ratios de solvabilité bancaire, de la balance commerciale, du Maroc 2030, mais pas sur le quotidien des Marocains.
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