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Aide au logement : l'avis de l'expert en immobilier, Amine Mernissi

Même s’il pense que le nouveau programme d’aide au logement va relancer le secteur immobilier, Amine Mernissi, expert et consultant en immobilier, estime que certaines conditions à sa réussite totale manquent à l’appel. Il a ainsi pointé du doigt, lors de son passage à l’émission «L’Info en Face», l’absence de cahier des charges dédié aux logements objets de l’aide ou encore la non-fixation d’une superficie minimale pour les logements entrant dans ce cadre. Il préconise, en plus de la mise en place d’une éligibilité pour les promoteurs, l’instauration d’un taux de crédit dédié pour les crédits immobiliers finançant ces logements. L’expert ne s’attend pas, par ailleurs, à une réussite des projets de logements dont le prix est égal ou inférieur à 300.000 DH TTC dans les périphéries des grandes agglomérations, mais plutôt dans les petites et moyennes villes.

Les nouvelles aides au logement vont-elles relancer le secteur de l’immobilier ? «Oui», répond d’emblée Amine Mernissi, expert & consultant en immobilier, lors de son passage à l’émission «L’Info en Face» de «Groupe Le Matin». Et pour cause, rappelle, l’expert par exemple, pour les logements dont le prix est inférieur ou égal à 300.000 TTC, le montant de l’aide est de 100.000 DH : «jamais auparavant un programme d’aide au logement au profit des primo-acquéreurs n’avait supporté le tiers du prix des logements. C’est du jamais vu !», a-t-il souligné.



Cependant, souligne Mernissi, le programme, tel qu’il a été présenté, aurait gagné à fixer certains détails tels que la superficie des biens éligibles à l’aide. Il rappelle ainsi que le précédent programme, qui a pris fin en 2020 et qui a permis la production de 600.000 logements à 250.000 TTC, avait clairement défini les superficies des logements sociaux. «Il y avait deux parties gagnantes à travers ce programme. La première est le promoteur immobilier, qui était exonéré de toute la fiscalité afférente à la production de ces logements à travers une convention signée avec l’état et aux termes de laquelle il s’engageait à produire 500 unités minimum sur 5 ans. La deuxième est l’acquéreur qui ne payait pas de TVA puisque celle-ci était à la charge de l’état. L’une des nouveautés de ce programme a été l’instauration d’un cahier des charges précisant comment et combien produire des logements éligibles.

Ce dernier fixait, entre autres, la superficie d’un logement social entre 50 et 80 m», a-t-il expliqué. Or, lors de l’annonce du nouveau programme d’aide au logement, aucune information concernant la superficie des biens éligibles n’a été fournie, fait remarquer Mernissi. «Il est dit que cet élément est laissé à la libre concurrence. Pour moi, ce n’est pas une bonne chose parce qu’un cahier des charges est essentiel dans ce type de production», partage-t-il. Il est en effet à rappeler qu’entre 2020 et 2023, l’inflation a accéléré en raison de la pandémie de la Covid-19, de la guerre en Ukraine... Donc, s’étonne l’invité de l’émission, «on veut produire des logements à 300.000 DH TTC alors que les prix des intrants et du foncier ont augmenté, sans un cahier des charges qui définit avec exactitude une superficie minimale à respecter. On ne sait pas quels résultats cela va donner !» Ainsi, à titre d'exemple, un promoteur immobilier qui n’est pas tenu par un cahier des charges peut facilement être tenté par des studios de 30 m à 10.000 DH TTC le mètre carré. «Cela est possible en centre-ville», fait remarquer Mernissi. Ceci dit, pour l’invité de l’émission, la tranche de logements dont les prix vont de 300.000 à 700.000 DH TTC est plus «jouable» dans la mesure où «sortir un logement de 50 mètres carrés à 300.000 DH TTC et payer toutes les taxes et les impôts qui en découlent va être très compliqué à mettre en œuvre», estime l’expert.

Aide au logement : Une éligibilité à mettre en place pour les promoteurs ?

Pour Amine Mernissi, il aurait été intéressant de mettre en place une éligibilité pour les promoteurs souhaitant construire dans le cadre du nouveau programme d’aide au logement. Il rappelle que dans le cadre de l’ancien programme de logements sociaux, et grâce au cahier des charges, certains promoteurs avaient élevé la barre haut et produit des logements de qualité avec des prestations qui n’ont rien à envier au moyen standing «tout en restant rentables». Et pour cause, une panoplie de mesures et d’exonérations dont ils bénéficiaient. Avec ce nouveau programme d’aide, la rentabilité même des promoteurs n’est plus la même, soutient notre invité. «Il sera plus intéressant pour eux d’aller sur des studios. Mais est-ce cela l’objectif du nouveau programme d’aide au logement», s’interroge-t-il tout en mettant en garde contre une régression des superficies proposées s'il est laissé au marché et à la libre concurrence le soin de réguler l’offre. Pour l’invité de l’émission, une nouvelle page de l’immobilier s’écrit avec ce nouveau programme d’aide au logement. Il sera «difficile de réaliser des logements à 300.000 DH TTC dans les périphéries des grandes villes», où les prix des fonciers connaissent d’importantes hausses. En revanche, dans les petites villes, un peu délaissées dans le cadre de l’ancien programme puisque l’essentiel de la demande se concentrait dans les périphéries des grandes villes, des projets vont certainement voir le jour», prévoit l’expert.

Plateforme digitale de gestion de l’aide au logement : La transparence garantie

Concernant la plateforme spécialement conçue pour superviser ce tout nouveau programme et qui a pour objectif de rendre les procédures plus simples, de réduire les formalités et les déplacements nécessaires pour les citoyens lorsqu'ils interagissent avec les administrations, et de les soutenir à chaque étape, depuis la soumission de leur demande jusqu'à l’acquisition de leur bien, notre invité est convaincu qu’elle assurera toute la transparence nécessaire. «La digitalisation permettra de centraliser les données au niveau national», estime-t-il. Seul bémol, soulève l’invité, dans le cas des logements dont le prix est inférieur ou égal à 300.000 DH TTC : «n’importe qui pourra s’inscrire sur la plateforme pour bénéficier de l’aide au logement même s’il ne fait pas partie de la catégorie sociale ciblée. Il suffit qu’un promoteur produise ne serait-ce que deux logements, qui j’en suis sûr auront une superficie inférieure à 50 m², et déclare un prix de vente inférieur ou égal à 300.000 DH TTC», prévoit l’invité de «L’Info en Face».

Futures agences régionales d’Urbanisme et d’habitat : Une excellente nouvelle

Amine Mernissi qualifie l’annonce de la création de 12 futures Agences régionales d’Urbanisme et d’habitat d’«excellente nouvelle qui confirme que ce programme a été pensé pour les régions avec pour objectif d’aller servir des régions qui ne l’étaient pas auparavant par des offres de nouveaux logements». Par ailleurs, souligne l’expert en immobilier, cette aide au logement va régler le problème de l’avance que les acheteurs sont parfois obligés de donner au promoteur, mais pas celui du «noir» : «c’est l’un des effets pervers possibles de la non-fixation d’une superficie minimale», prévient Mernissi. Par exemple, un promoteur pourra construire un logement d’une superficie importante dont le prix de vente est supérieur à 300.000 DH TTC et exiger de l’acquéreur, le paiement, en noir, du différentiel. «Le rôle des futures agences urbaines ne sera pas de vérifier la véracité des prix de vente, mission qui revient au fisc, mais de libérer du foncier pour accompagner ce programme et déployer ces deux produits de logement. C’est le nerf de la guerre», souligne Mernissi.

Crédits immobiliers : un taux spécifique serait le bienvenu

Les banques restent attentives au profil général de l’emprunteur et à sa solvabilité. Dans le cas d’un crédit immobilier, un apport personnel peut constituer un plus en faveur de son dossier de crédit. Dans le cadre du nouveau programme d’aide au logement, l’aide peut atteindre le tiers du prix du logement si ce dernier est inférieur ou égal à 300.000 TTC. En soit, «cela résout le problème de l’apport personnel de 30% qu’une banque pourrait exiger du futur acquéreur», estime Mernissi. L’expert est de ce fait convaincu que les banque auront moins de réticence à accorder des crédits sur les deux tiers restants du prix du logement objet de l’aide. L’apport n’est pas le seul élément contraignant lors de l’achat d’un logement financé par crédit. Le taux d’intérêt l’est tout autant. «Bank al-Maghrib a revu, 3 fois, son taux directeur à la hausse. Aujourd’hui, les taux d’intérêt sur les crédits immobiliers se situent entre 4,5% et 5%. On s’attendait à pire après les hausses du taux directeur décidées par Bank Al-Maghrib, mais cela reste assez élevé pour un acquéreur qui opte pour un crédit immobilier de 200.000 DH et dont le pouvoir d’achat est limité ou qui est au SMIG», souligne Mernissi qui préconise la mise en place d’un taux d’intérêt spécifique aux crédits immobiliers contractés pour financer les deux catégories de logement objets de l’aide. «Je reste convaincu que la page est encore ouverte et qu'il sera possible, probablement en cours de route, de mettre en place un taux d’intérêt dédié et un cahier des charges spécifique à ces logements», conclut l’invité de l’émission.
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