Le Matin: La BEI participe, avec une importante délégation, aux assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international à Marrakech. Quels sont les objectifs de cette participation ?
Ricardo Mourinho Félix : Conduite par notre président Werner Hoyer, notre délégation est à Marrakech avec un double objectif : renforcer le rôle des banques multilatérales de développement (BMD) et explorer les réponses du système financier mondial face aux multiples crises actuelles. Au cœur de cet appel à la réforme se trouve également la nécessité pour les BMD du monde entier de travailler ensemble de manière meilleure et plus efficace – et bien sûr de mobiliser davantage de financements pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
Nous saluons d’ailleurs la dynamique actuelle visant à renforcer le rôle mondial et la puissance de feu financière des BMD. A titre d’exemple, au printemps dernier, plusieurs BMD (BAD, BID) nous ont rejoint pour lancer la Plateforme d’investissement à impact sanitaire (HIIP), afin d’accélérer les investissements dans les soins de santé primaires, y compris le renforcement du système de santé et la préparation aux pandémies. Cela s’est articulé autour d’un premier partenariat de base entre l’OMS et la BEI.
Au programme de ces assemblées, la réforme des banques multilatérales de développement pour une meilleure valeur ajoutée et un meilleur fonctionnement collectif. Comment, selon vous, le système financier mondial peut apporter une meilleure réponse aux crises actuelles ? Tout d’abord, nous saluons l’élan en faveur des réformes et l’initiative prise ici à Marrakech par Ajay Banga. Il est en effet important d’intensifier et d’améliorer nos efforts collectifs pour réaliser les objectifs de développement durable, et ainsi lutter contre l’urgence climatique et répondre aux appels pour que l’architecture financière mondiale soit plus réactive aux besoins des pays en développement.
Dès le début d’année, en collaboration avec d’autres banques multilatérales, nous avons mis en place des directives pour garantir que les nouveaux financements soient alignés avec les objectifs de l'Accord de Paris. C’est crucial pour une transition équitable, pour un avenir sobre en carbone et résilient au climat, autant d'aspects essentiels pour atteindre les objectifs de développement durable.
Devenir plus rapide et plus agile est au cœur de nos efforts au sein de la BEI, tout comme l’adaptation aux besoins des clients dans le monde entier.
Les assemblées sont marquées par la publication d'un nouveau rapport consacré à l’action climatique conjointe des BMD. Quels sont les principaux enseignements de ce rapport ?
La contribution collective des BMD à l’action climatique mondiale est extrêmement importante. Nous publions ici à Marrakech des chiffres qui montrent que les BMD à l'échelle mondiale ont investi près de 100 milliards de dollars dans des projets d'action climatique l'année dernière. La majeure partie de ce montant, soit 60,7 milliards de dollars, a bénéficié aux économies à revenu faible et intermédiaire, dont 63% du total dédié au financement de l'atténuation et 37% à l'adaptation au changement climatique. Avec ces volumes record de financement, les BMD dépassent pour la deuxième année consécutive les objectifs de financement climatique pour 2025 qu'elles se sont fixées lors du Sommet Action Climat du Secrétaire général des Nations Unies en 2019. C’est un résultat important et très encourageant mais néanmoins insuffisant face au défi à relever. Nous devons nous concentrer sur les projets qui auront le plus d’impact.
La BEI est l’un des plus grands bailleurs de fonds au monde pour l’action en faveur du climat et de l’environnement. Comment vous vous mobilisez désormais pour soutenir une transition juste et écologique dans le monde et particulièrement en Afrique ?
À la suite des récentes catastrophes naturelles dans la région, l’impact du changement climatique sur l’ensemble du continent est un thème central ici au Maroc.
La BEI est la banque européenne du climat. L’année dernière, près de 60 % (58 %) de l’ensemble des financements de la BEI ont été consacrés à l’action climatique et environnementale, pour un montant d’environ 36,5 milliards d’euros. Le Groupe BEI dans son ensemble a également soutenu 222 milliards d’euros d’investissements en faveur de l’action climatique et de la durabilité environnementale au cours des deux dernières années.
En Afrique, nous avons alloué 4,3 milliards d’euros, avec la moitié destinée à soutenir le secteur privé tout en visant les objectifs climatiques et de développement durable. Pour mieux soutenir et accélérer cette transition juste dans le monde et en Afrique, nous avons également adopté plusieurs mesures. D’abord, l’allongement des maturités jusqu’à 30 ans, avec des délais de grâce pour nos prêts souverains jusqu’à 10 ans. Ensuite, l’introduction de clauses visant à différer le service de la dette en cas d'urgence climatique et de catastrophes naturelles dans les pays vulnérables. Enfin, l’augmentation de l'assistance technique afin que les projets puissent avoir un plus grand impact,
La BEI est également présente à Marrakech pour renforcer son partenariat avec le Maroc. D'ailleurs, vous avez annoncé un soutien important en faveur du Royaume après le tremblement de terre qui a frappé le pays. Pourriez-vous nous fournir plus de détails ?
Le rassemblement à Marrakech pour les Assemblées annuelles est pour nous aussi l’occasion de montrer notre solidarité avec ce pays dynamique – et de renforcer notre partenariat. D’autant plus que les relations de la BEI avec le Maroc sont anciennes. Nous sommes partenaires de longue date depuis 1979, avec des investissements de plus de 9,5 milliards d'euros.
Depuis le tremblement de terre dévastateur, nous entretenons un dialogue étroit avec les autorités marocaines. Après avoir rencontré cette semaine ici à Marrakech le vice-ministre du Budget, M. Fouzi Lekjaâ, nous avons pu annoncer que la BEI est prête à consacrer 1 milliard d'euros au cours des prochaines années au programme de reconstruction du Maroc après le séisme.
C’est un financement qui s'inscrit totalement dans les priorités de l'ambitieux programme national de relance du Maroc et qui s'appuie sur une vision de résilience et de durabilité.
Ce financement sera utilisé pour réparer les dégâts causés par le tremblement de terre et mieux reconstruire, en mettant l’accent sur les infrastructures résilientes et durables, le logement, les réseaux de transport, le traitement de l’eau et l’énergie propre – le tout en tirant parti des ressources et de l’expertise de la Banque.
Quelles sont les autres priorités de la BEI pour renforcer son partenariat avec le Maroc ?
Le Maroc, pour la BEI, est bien plus qu’un simple partenaire. C’est un modèle illustrant comment le climat, la résilience et le développement sont connectés. Notre collaboration avec le Maroc se traduit par plusieurs axes stratégiques.
Premièrement, nous cherchons à promouvoir une croissance économique centrée sur le secteur privé. Cela implique de soutenir la transition vers des technologies modernes, vertes et numériques, ainsi que de renforcer l'intégration du Maroc dans les chaînes de valeur régionales et internationales.
Deuxièmement, en ce qui concerne la transition verte, nos efforts sont axés sur la promotion des énergies renouvelables. Nous finançons des infrastructures d'eau et d’assainissement, nous nous efforçons de décarboner les secteurs industriels et de transport tout en soutenant de nombreuses initiatives écologiques.
Enfin, le développement humain est au cœur de nos priorités. Le Maroc, avec une population majoritairement jeune, dont plus de 40% ont moins de 25 ans, présente une formidable opportunité pour le dynamisme économique et social. Avec cet objectif, nous accompagnerons les projets de développement de compétence de de la formation.
Quel est à ce jour le montant d'engagement de la BEI au Maroc et quels sont vos projets de financements à court terme en faveur du Royaume ?
Depuis 1979, notre mobilisation au Maroc est importante. Nous avons financé 135 projets au Maroc pour donc plus de 9,5 milliards d'euros, dont 2,5 milliards d’euros de 2017 à 2022. En 2023, nous avons approuvé un total de 80 millions d’euros destiné au financement des petites et moyennes entreprises.
Nous avons également approuvé un financement de 150 millions d’euros en faveur de MedZ qui vise à soutenir la croissance et la compétitivité du Maroc, ainsi qu'une reprise économique géographiquement équitable, tout en aidant le pays à se positionner comme une base industrielle décarbonée et circulaire. Avec ce financement, nous soutenons la construction durable, l'expansion et la modernisation de dix technopoles réparties dans cinq régions du Maroc.
A l’avenir, l’action climatique restera une priorité essentielle de notre activité au Maroc, à travers un soutien aux projets d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, grâce à des investissements dans les infrastructures de production d’énergies renouvelables et dans l’efficacité énergétique. La Banque s'alignera notamment sur le programme européen « Terres Vertes » soutenant le reboisement et l'adaptation des parcs nationaux au changement climatique. Par ailleurs, nous donnerons prochainement le coup d’envoi à un programme innovant pour la biodiversité avec un investissement de 100 millions d’euros en faveur des parcs nationaux et la gestion des bassins versants. Ce programme inclut également les infrastructures avec une attention particulière portée aux régions montagneuses.
Ricardo Mourinho Félix : Conduite par notre président Werner Hoyer, notre délégation est à Marrakech avec un double objectif : renforcer le rôle des banques multilatérales de développement (BMD) et explorer les réponses du système financier mondial face aux multiples crises actuelles. Au cœur de cet appel à la réforme se trouve également la nécessité pour les BMD du monde entier de travailler ensemble de manière meilleure et plus efficace – et bien sûr de mobiliser davantage de financements pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
Nous saluons d’ailleurs la dynamique actuelle visant à renforcer le rôle mondial et la puissance de feu financière des BMD. A titre d’exemple, au printemps dernier, plusieurs BMD (BAD, BID) nous ont rejoint pour lancer la Plateforme d’investissement à impact sanitaire (HIIP), afin d’accélérer les investissements dans les soins de santé primaires, y compris le renforcement du système de santé et la préparation aux pandémies. Cela s’est articulé autour d’un premier partenariat de base entre l’OMS et la BEI.
Au programme de ces assemblées, la réforme des banques multilatérales de développement pour une meilleure valeur ajoutée et un meilleur fonctionnement collectif. Comment, selon vous, le système financier mondial peut apporter une meilleure réponse aux crises actuelles ? Tout d’abord, nous saluons l’élan en faveur des réformes et l’initiative prise ici à Marrakech par Ajay Banga. Il est en effet important d’intensifier et d’améliorer nos efforts collectifs pour réaliser les objectifs de développement durable, et ainsi lutter contre l’urgence climatique et répondre aux appels pour que l’architecture financière mondiale soit plus réactive aux besoins des pays en développement.
Dès le début d’année, en collaboration avec d’autres banques multilatérales, nous avons mis en place des directives pour garantir que les nouveaux financements soient alignés avec les objectifs de l'Accord de Paris. C’est crucial pour une transition équitable, pour un avenir sobre en carbone et résilient au climat, autant d'aspects essentiels pour atteindre les objectifs de développement durable.
Devenir plus rapide et plus agile est au cœur de nos efforts au sein de la BEI, tout comme l’adaptation aux besoins des clients dans le monde entier.
Les assemblées sont marquées par la publication d'un nouveau rapport consacré à l’action climatique conjointe des BMD. Quels sont les principaux enseignements de ce rapport ?
La contribution collective des BMD à l’action climatique mondiale est extrêmement importante. Nous publions ici à Marrakech des chiffres qui montrent que les BMD à l'échelle mondiale ont investi près de 100 milliards de dollars dans des projets d'action climatique l'année dernière. La majeure partie de ce montant, soit 60,7 milliards de dollars, a bénéficié aux économies à revenu faible et intermédiaire, dont 63% du total dédié au financement de l'atténuation et 37% à l'adaptation au changement climatique. Avec ces volumes record de financement, les BMD dépassent pour la deuxième année consécutive les objectifs de financement climatique pour 2025 qu'elles se sont fixées lors du Sommet Action Climat du Secrétaire général des Nations Unies en 2019. C’est un résultat important et très encourageant mais néanmoins insuffisant face au défi à relever. Nous devons nous concentrer sur les projets qui auront le plus d’impact.
La BEI est l’un des plus grands bailleurs de fonds au monde pour l’action en faveur du climat et de l’environnement. Comment vous vous mobilisez désormais pour soutenir une transition juste et écologique dans le monde et particulièrement en Afrique ?
À la suite des récentes catastrophes naturelles dans la région, l’impact du changement climatique sur l’ensemble du continent est un thème central ici au Maroc.
La BEI est la banque européenne du climat. L’année dernière, près de 60 % (58 %) de l’ensemble des financements de la BEI ont été consacrés à l’action climatique et environnementale, pour un montant d’environ 36,5 milliards d’euros. Le Groupe BEI dans son ensemble a également soutenu 222 milliards d’euros d’investissements en faveur de l’action climatique et de la durabilité environnementale au cours des deux dernières années.
En Afrique, nous avons alloué 4,3 milliards d’euros, avec la moitié destinée à soutenir le secteur privé tout en visant les objectifs climatiques et de développement durable. Pour mieux soutenir et accélérer cette transition juste dans le monde et en Afrique, nous avons également adopté plusieurs mesures. D’abord, l’allongement des maturités jusqu’à 30 ans, avec des délais de grâce pour nos prêts souverains jusqu’à 10 ans. Ensuite, l’introduction de clauses visant à différer le service de la dette en cas d'urgence climatique et de catastrophes naturelles dans les pays vulnérables. Enfin, l’augmentation de l'assistance technique afin que les projets puissent avoir un plus grand impact,
La BEI est également présente à Marrakech pour renforcer son partenariat avec le Maroc. D'ailleurs, vous avez annoncé un soutien important en faveur du Royaume après le tremblement de terre qui a frappé le pays. Pourriez-vous nous fournir plus de détails ?
Le rassemblement à Marrakech pour les Assemblées annuelles est pour nous aussi l’occasion de montrer notre solidarité avec ce pays dynamique – et de renforcer notre partenariat. D’autant plus que les relations de la BEI avec le Maroc sont anciennes. Nous sommes partenaires de longue date depuis 1979, avec des investissements de plus de 9,5 milliards d'euros.
Depuis le tremblement de terre dévastateur, nous entretenons un dialogue étroit avec les autorités marocaines. Après avoir rencontré cette semaine ici à Marrakech le vice-ministre du Budget, M. Fouzi Lekjaâ, nous avons pu annoncer que la BEI est prête à consacrer 1 milliard d'euros au cours des prochaines années au programme de reconstruction du Maroc après le séisme.
C’est un financement qui s'inscrit totalement dans les priorités de l'ambitieux programme national de relance du Maroc et qui s'appuie sur une vision de résilience et de durabilité.
Ce financement sera utilisé pour réparer les dégâts causés par le tremblement de terre et mieux reconstruire, en mettant l’accent sur les infrastructures résilientes et durables, le logement, les réseaux de transport, le traitement de l’eau et l’énergie propre – le tout en tirant parti des ressources et de l’expertise de la Banque.
Quelles sont les autres priorités de la BEI pour renforcer son partenariat avec le Maroc ?
Le Maroc, pour la BEI, est bien plus qu’un simple partenaire. C’est un modèle illustrant comment le climat, la résilience et le développement sont connectés. Notre collaboration avec le Maroc se traduit par plusieurs axes stratégiques.
Premièrement, nous cherchons à promouvoir une croissance économique centrée sur le secteur privé. Cela implique de soutenir la transition vers des technologies modernes, vertes et numériques, ainsi que de renforcer l'intégration du Maroc dans les chaînes de valeur régionales et internationales.
Deuxièmement, en ce qui concerne la transition verte, nos efforts sont axés sur la promotion des énergies renouvelables. Nous finançons des infrastructures d'eau et d’assainissement, nous nous efforçons de décarboner les secteurs industriels et de transport tout en soutenant de nombreuses initiatives écologiques.
Enfin, le développement humain est au cœur de nos priorités. Le Maroc, avec une population majoritairement jeune, dont plus de 40% ont moins de 25 ans, présente une formidable opportunité pour le dynamisme économique et social. Avec cet objectif, nous accompagnerons les projets de développement de compétence de de la formation.
Quel est à ce jour le montant d'engagement de la BEI au Maroc et quels sont vos projets de financements à court terme en faveur du Royaume ?
Depuis 1979, notre mobilisation au Maroc est importante. Nous avons financé 135 projets au Maroc pour donc plus de 9,5 milliards d'euros, dont 2,5 milliards d’euros de 2017 à 2022. En 2023, nous avons approuvé un total de 80 millions d’euros destiné au financement des petites et moyennes entreprises.
Nous avons également approuvé un financement de 150 millions d’euros en faveur de MedZ qui vise à soutenir la croissance et la compétitivité du Maroc, ainsi qu'une reprise économique géographiquement équitable, tout en aidant le pays à se positionner comme une base industrielle décarbonée et circulaire. Avec ce financement, nous soutenons la construction durable, l'expansion et la modernisation de dix technopoles réparties dans cinq régions du Maroc.
A l’avenir, l’action climatique restera une priorité essentielle de notre activité au Maroc, à travers un soutien aux projets d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, grâce à des investissements dans les infrastructures de production d’énergies renouvelables et dans l’efficacité énergétique. La Banque s'alignera notamment sur le programme européen « Terres Vertes » soutenant le reboisement et l'adaptation des parcs nationaux au changement climatique. Par ailleurs, nous donnerons prochainement le coup d’envoi à un programme innovant pour la biodiversité avec un investissement de 100 millions d’euros en faveur des parcs nationaux et la gestion des bassins versants. Ce programme inclut également les infrastructures avec une attention particulière portée aux régions montagneuses.
