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Assurance : les nouveaux risques et les moyens d’y faire face

Face à aux risques émergents, les assureurs se doivent d’être inventifs. Les nôtres le savent et l’ont démontré lors de la 10e édition du Rendez-vous de Casablanca de l’Assurance qui a démarré hier. Placé sous le Haut-Patronage de S.M. le Roi, l’événement de cette année s’est justement articulé autour du thème «Quelle assurance dans un monde d’incertitudes  ?». Augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, changement climatique, avancées technologiques… autant de nouvelles incertitudes face auxquelles les assureurs comptent innover.

Les assureurs font face à une multitude d’incertitudes et de nouveaux risques liés au développement continu de la société. Le constat a été dressé lors de la 10e édition du Rendez-vous de Casablanca de l’Assurance, un événement organisé par la Fédération marocaine de l’assurance, et placé sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. En effet, il ressort de cet événement de deux jours, qui a démarré hier, que les risques émergents ces dernières années remettent en cause les modèles utilisés par les assureurs tenus d’accompagner les changements de la société. C’est pourquoi le thème choisi pour l’édition de cette année était «Quelle assurance dans un monde d’incertitudes ?»

Parmi ces risques émergents, celui de la désinformation qui «compte parmi les plus grands risques de l’humanité et devance même les événements climatiques», a expliqué Bensalah Mohamed Hassan Bensalah, président de la Fédération marocaine de l’assurance (FMA), lors du discours d’ouverture de ce rendez-vous. Une inquiétude motivée, entre autres, par le potentiel de l’intelligence artificielle qui, utilisée à mauvais escient, peut influencer l’opinion publique et causer des dégâts économiques et sociaux. L’augmentation constatée de la fréquence des catastrophes naturelles à travers le monde est également un facteur de risque pris en compte par les assureurs et contre lesquelles le Maroc a mis en place un dispositif de couverture obligatoire.

Risques technologiques : une source d’opportunités

Mais au-delà des risques climatiques et des catastrophes naturelles, d’autres incertitudes doivent être prises en compte et ne pas être négligées. Il s’agit notamment des tensions géostratégiques, des risques de pandémie et de l’accélération des innovations technologiques qui rendent la gestion du risque cyber encore plus complexe. Le président de la FMA a ainsi rappelé qu’«une cyberattaque peut coûter des centaines de millions d’euros aux entreprises et que d’après un récent rapport du FMI, l’ampleur de ces pertes a plus que quadruplé depuis 2017 pour atteindre 2,5 milliards de dollars. Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des finances, abonde dans le même sens et considère que si les progrès technologiques disruptifs transforment les usages, les habitudes et les comportements, ils induisent de nouvelles attentes assurantielles plus complexes. Car le progrès technologique est source également de nouveaux risques, «notamment les cyber risques qui suscitent aujourd’hui de vives craintes quant à leur ampleur», explique-t-elle. Mais cette croissance des risques, le président de la Fédération la considère comme une source d’opportunités. D’ailleurs, a-t-il partagé, une étude a été lancée, en partenariat avec l’autorité de contrôle du secteur, pour identifier les leviers de développement du secteur et définir une feuille de route pour les mettre en œuvre.

Risques émergents : l’innovation est la solution !

Ce travail devrait être entrepris dans un cadre innovatif. La ministre de l’Économie et des finances en est intimement convaincue. C’est pourquoi elle a appelé les assureurs à adopter une approche plus innovante dans l’objectif de favoriser l’inclusion financière en raison de la croissance des facteurs de risque à laquelle sont confrontés les ménages et les entreprises. «Le secteur de l’assurance joue un rôle crucial dans l’inclusion financière, notamment en matière de financement, ce qui contribue au développement économique et social du Royaume», a-t-elle indiqué. D’ailleurs, si l’économie marocaine continue de faire preuve d’une capacité de résilience avérée en dépit de la succession de chocs internationaux et locaux : conflits géopolitiques, pandémie Covid-19, 6 années de sécheresse, séisme d’Al Haouz..., c’est grâce à une robuste série de réformes structurelles et sectorielles visant à asseoir les bases d’une croissance inclusive et durable accompagnée de mesures efficaces. Un effort inscrit dans la continuité. Preuve en est, partage la ministre, la préparation, avec la participation de l’ensemble des parties prenantes, d’une nouvelle feuille de route qui vise à poursuivre les efforts engagés dans le cadre de la Stratégie nationale de l’inclusion financière. C’est aussi dans ce même esprit de nouveautés qu’une commission interministérielle, qui réunit l’ensemble des parties prenantes, dont le secteur des assurances, a été créée pour mener des réflexions concernant la mise en place d’une approche adaptée et d’un outil assurantiel innovant contre la sécheresse.



Mais l’innovation ne doit pas porter que sur les produits. Lors de son intervention, Abderrahim Chaffaï, président de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), a préconisé «une gestion prospective» afin de réagir en temps voulu et de manière appropriée et faire face aux enjeux de taille du secteur. Tout l’enjeu pour le patron de l’ACAPS est de trouver un nouvel équilibre entre risques émergents et résilience dans un contexte de multiplication des incertitudes. Et l’ACAPS mène plusieurs chantiers pour accompagner le secteur du mieux qu’il faut, selon Chaffaï.

Un grand intérêt est ainsi porté au volet de la gouvernance dans laquelle s’inscrit le Projet de solvabilité basée sur les risques qui est en ligne avec les standards internationaux. «Nous notons avec grande satisfaction les avancées réalisées dans ce chantier et qui sera bientôt déposé dans le circuit d’adoption», partage Chaffaï. Un projet qui ambitionne de renforcer la résilience des opérateurs.

Autre chantier dans lequel s’est engagée l’autorité de contrôle, l’initiation d’un projet d’instruction visant à fixer les principes qui seraient considérés par les assureurs pour la gestion des cyber risques afin d’assurer leur sécurité et celles des données des tiers.

Pour rappel, le Rendez-Vous de Casablanca de l’assurance, qui s’étale sur 2 jours, est un événement phare du secteur, avec 350 intervenants de 48 pays. Il se présente comme une plateforme d’échanges entre experts internationaux et acteurs du secteur. Pour cette 10e édition, le pays à l’honneur est Les Émirats arabes unis. La cérémonie d’ouverture a d’ailleurs été clôturée par une intervention de S.E. Khaled Al-Badi, président du conseil d’administration d’Emirates Insurance Association, sur l’évolution du marché émirati de l’assurance, suivie de la signature d’un protocole d’accord avec la FMA.

Assurance climatique agricole : Le regard des professionnels sur le changement climatique

Si les catastrophes naturelles et les évolutions technologiques sont des risques avérés, le changement climatique et ses effets sur la pluviométrie n’est pas à négliger. Comment donc financer ce risque où l’incertitude est au maximum ? L’approche recommandée par Reda Aboutajdine, économiste du secteur financier à la Banque Mondiale, lors du panel organisé sur le thème «L’avenir de l’assurance climatique agricole au regard de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses», est de réduire un risque avant de le financer. Le financement, lui, peut avoir lieu en instaurant un système dual où privé et public se complètent : assurer, par exemple, les zones où le risque est très bas et passer le relai aux fonds de solidarité pour les zones où le risque et trop élevé, propose-t-il.

Pour Jean-Luc Gourgeon, gérant de JLG Consulting, le problème du financement des risques vient aussi du fait qu’il y a peu d’assureurs agricoles. Difficulté à mutualiser ou à opérer dans certaines zones empêche leur nombre d’augmenter. Or, il se trouve que les changements climatiques ont aussi une fréquence, une sévérité et un coût (comme les catastrophes naturelles) et pourraient être traités de la même manière, laisse entendre Gourgeon. «Certaines sociétés utilisent la science, des modèles de croissance des plantes, les couplent avec des images satellitaires, la météorologie et l’intelligence artificielle pour obtenir une sorte de plante numérique pour faire des simulations sur la base de changements climatiques. Ce qui permet d’évaluer ce fameux risque, de redessiner les portefeuilles et supporter les assureurs dans différents pays», a-t-il révélé. Autre problématique qui bloque la croissance du taux de pénétration de l’assurance agricole, le manque d’experts dont le nombre gagnerait à augmenter. En attendant, le Maroc continue de s’imposer comme sucess-story en matière de multirisque climatique. En témoigne le «nombre important de délégations internationales qui visitent chaque année la MAMDA», révèle Mahmoud Oudrhiri, directeur général délégué de MAMDA-MCMA. Cependant, fait-il remarquer, la réussite d’un pays repose sur 4 critères (un partenariat public-privé, la subvention de l’État, la forte implication de l’État et l’État réassureur). Or, souligne Oudrhiri, le Royaume ne coche pas encore la dernière case.

De quelles expériences internationales s’inspirer ?

Le Rendez-vous de Casablanca de l’Assurance se positionne comme plateforme d’échanges de bonnes pratiques, concepts et dernières avancées. Ce qui permet d’avancer plus vite tout en réduisant les risques d’erreurs. Ainsi, lors d’une Keynote sur le rôle de l’assurance pour combler les gaps de protection, Toyonari Sasaki, directeur exécutif représentatif de l’Association japonaise de l’assurance vie, a mis en avant le concept des 3P (préparation, prévention et protection), une approche intégrée pour faire face aux défis de la protection. Ce concept permet aux individus, entreprises et gouvernements de renforcer leur résilience face aux événements imprévus, réduire les dommages potentiels et assurer une récupération et une reprise plus rapide en cas d’incident.

L’innovation numérique était également un sujet de partage lors de l’édition de cette année. L’insurtech (startups du secteur de l’assurance) et sandbox ont été présentés lors de l’intervention de Michaela Koller, directrice générale d'Insurance Europe. «Les technologies telles que l'intelligence artificielle, associées à des données de qualité, peuvent aider les assureurs à identifier, surveiller et atténuer les risques, y compris les risques émergents actuellement non assurables», a-t-elle partagé.

Autre bonne pratique partagée lors de ce rendez-vous, les systèmes d’alerte précoce. Et c’est Richard Weurding, directeur général de l’Association néerlandaise des assureurs qui, lors de sa keynote sur l’assurance et les défis du changement climatique, a mis en avant l'importance de l'utilisation des données pour évaluer les risques climatiques et prévenir les dommages. Il a également insisté sur l’importance de l'engagement de l'industrie de l'assurance à investir dans des solutions durables telles que les énergies renouvelables.

Par ailleurs, pour repousser les frontières de l’assurabilité et combler les gaps de protection, de nouvelles solutions s’imposent, insiste Florence Lutsman, présidente de France Assureurs. Lors de son intervention, elle a mis l’accent sur la nécessité de faciliter la couverture de risque par le secteur privé, de collaborer avec les pouvoirs publics pour renforcer les fondamentaux de l'assurance cyber et de soutenir l’innovation dans le secteur.
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