Le Matin : Posons d’abord le contexte. Cette année, l’APEBI consacre un stand dédié aux PME Tech au Gitex. C’est une première. Revenons sur cette actualité.
Redouane El Haloui : La PME Tech est inscrite dans la stratégie Maroc Digital 2030 dans laquelle l’accompagnement du développement de ce tissu économique est évoqué. La première étape d’institutionnalisation de la PME Tech a été franchie. Toutefois, bien que cette étape soit validée, elle a pris plus de temps que prévu. Cela a pris le même temps que pour les autres aspects. Ce n’est pas spécifique à la PME Tech. Si l’on examine la stratégie Maroc 2030 dans son ensemble, elle a, elle aussi, demandé beaucoup de temps. Ce n’était pas un manque d’idées, mais plutôt la nécessité de faire converger tous les acteurs de l’écosystème. Il convient de souligner que le ministère a accompli un travail remarquable.
Ce qui était primordial, c’était de fédérer les acteurs et de s’assurer que nous partagions tous une même terminologie, une même définition, une même orientation et un même objectif. C’est là que réside la difficulté. Plus l’ambition est grande, plus l’on cherche à inclure l’ensemble du pays et tous ses acteurs, plus l’inertie devient présente. Ce n’est pas une tâche facile.
Je ne tiens pas à critiquer le temps qu’il a fallu pour aboutir à ce résultat. Au contraire, je tiens à souligner qu’il est déjà remarquable qu’une telle initiative ait vu le jour. Nous avons désormais franchi cette première étape.
La deuxième étape est maintenant en cours. C’est à ce moment-là que nous, en tant que Fédération, avons pris pleinement en charge le sujet. Lors de notre participation au Gitex Africa, nous avons constaté que, que ce soit les organisateurs de l’événement, le ministère, la Banque africaine de développement (BAD), ou les autres acteurs, tout le monde parlait de startup, ici et là, sans mentionner la PME Tech.
Nous avons alors décidé de nous démarquer. Nous avons affirmé que nous soutenons pleinement les startups, mais que la PME-tech est tout aussi essentielle. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec Lamiae Benmakhlouf, directrice générale du Technopark, dont je fais partie du conseil d’administration, car l’APEBI a été à l’origine de cette initiative. J’ai également eu des échanges avec la Banque africaine de développement à ce sujet.
C’est la raison pour laquelle, cette année, nous avons instauré un village de la PME Tech. C’est la première fois, lors de cette troisième édition du Gitex Africa, que nous mettons à l’honneur la PME Tech. L’objectif est de communiquer et d’expliquer et au monde, tant au secteur privé qu’au secteur public, ce qu’est réellement la PME Tech.
Ces entreprises, qui ont toujours opéré dans l’ombre, ont façonné le paysage numérique. Ce sont elles qui sont les véritables bâtisseurs du digital et qui ont toujours été présentes. D’ailleurs, si l’on observe l’ensemble du tissu économique, on se rend compte que les multinationales ne sont que quelques dizaines, voire une cinquantaine au maximum. Quant aux startups, il en existe probablement un millier, mais pour ce qui est des PME Tech, il en existe peut-être trois, quatre, cinq, voire dix mille.
Il s’agit d’entreprises qui vendent des solutions, du matériel, qui s’occupent de l’interconnexion, des câblages et des réseaux, qui installent des infrastructures aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, qui assurent la sécurité, qui développent des solutions, qui accompagnent et conseillent. C’est véritablement un secteur d’envergure, et aujourd’hui, il était essentiel de les mettre en lumière et de reconnaître leur rôle.
Cela représente un jalon important. Après l’institutionnalisation, il fallait passer à la communication. Et nous avons saisi l’opportunité du Gitex Africa pour valoriser la PME Tech.
La troisième étape, quant à elle, est celle qui s’annonce. Cette phase de communication est cruciale et elle se poursuivra. J’espère qu’à l’horizon du Gitex Africa 2026, nous compterons 100 entreprises, 100 PME Tech.
Ce ne sera pas seulement l’APEBI qui travaillera sur ce projet, mais bien l’ensemble de l’écosystème, qui s’investira pour permettre à ce nombre de PME Tech d’atteindre au moins une centaine.
Avant de passer à la troisième étape, il est important de mentionner une petite nouveauté de cette édition du Gitex Africa : il ne s’agit pas seulement d’une exposition. Nous avons introduit une dimension innovante au sein de cet événement, à savoir la mise en place d’un programme d’accélération, intitulé France PME Tech Export.
En quoi consiste-t-il ?
Nous avons invité des experts français et canadiens, qui viendront accompagner ces entreprises en les profilant de manière spécifique. C’est une véritable innovation. Pourquoi ? Parce que nous avons choisi de réunir ces experts et les entreprises au même endroit, afin d’éviter toute forme de blocage.
Ces experts, qui disposent souvent d’une base de données d’entreprises et de PME françaises en quête de produits ou de services, repartiront ensuite pour analyser toutes les données recueillies. D’ici 6 à 8 mois, soit en octobre ou novembre 2025, nous organiserons des rencontres B2B, avec des rendez-vous qualifiés, et des contrats à la clé.
Autrement dit, la première étape consistera en un profilage et une analyse lors du Gitex Africa. La deuxième étape sera le lancement d’un événement B2B réel sur place, avec des rendez-vous qualifiés. Puis, en janvier 2026, nous annoncerons les résultats de cette expérimentation, et à partir de là, nous souhaitons la déployer à une échelle plus large.
Nous avons mis en place ce programme de profilage avec les moyens dont dispose la Fédération. Nous envisageons désormais de généraliser cette démarche afin de coacher et d’accompagner ces entreprises. En effet, nous nous sommes rendu compte que, pour les PME Tech de notre secteur – mais cela est également valable pour d’autres PME dans des secteurs tels que le textile, l’électricité, ou d’autres – l’entrepreneur est avant tout compétent dans son produit ou son service. Il est un technicien dans son domaine.
L’entrepreneur ou le dirigeant d’entreprise est souvent très compétent dans la maîtrise de son produit ou de son service. Cependant, lorsqu’on examine de plus près la gestion de son entreprise, on se rend compte qu’il rencontre des difficultés en gestion financière, en force commerciale, en branding et en marketing.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils peinent à accélérer leur développement. Nous sommes convaincus qu’en procédant à ce profilage et en l’aidant à améliorer certains aspects de son entreprise, l’entrepreneur pourrait doubler, voire tripler son chiffre d’affaires, au minimum.
Cela représente véritablement un levier important pour notre économie.
Qu’est-ce qui entrave l’essor de la PME Tech ? Est-ce le manque d’accompagnement ou plutôt de reconnaissance comme pourrait le démontrer ce flou dans la terminologie ? Quel est le rôle de l’APEBI pour favoriser leur croissance ?
En réalité, tous les projecteurs ont été braqués sur les startups et non pas sur la startup en tant qu’entité, mais plutôt sur le terme lui-même, qui est devenu un nom fourre-tout.
Je pense qu’en fait, nous avons eu un problème de prise de conscience et de recul. Lorsqu’on examine la situation, il est crucial de prendre les choses sous le bon angle. Effectivement, il y a eu des difficultés pour faire émerger les startups, ainsi que des tensions entre les startups et les PME qui ne se retrouvaient pas dans cette catégorie. Cependant, dans tout cela, nous avons pris du recul, et ensemble, nous avons analysé ce qui faisait défaut.
Aujourd’hui, cette prise de conscience est fondamentale. En réalité, nous manquions de recul et nous n’avions pas pleinement conscience des difficultés rencontrées par ces PME Tech. Il fallait également définir ce qu’est une startup, afin d’éviter la confusion et l’usage abusif de ce terme.
En mettant en lumière cette distinction, nous allons pouvoir mieux travailler ensemble. Dans ce tissu économique numérique, les entreprises sauront désormais mieux se situer et se reconnaître.
Enfin, il y a cette troisième étape dont je souhaitais parler. La première phase d’institutionnalisation a été réalisée avec les pouvoirs publics. La deuxième phase, celle de la communication, est en cours de développement.
Notre travail actuel consiste à communiquer avec les journalistes, à leur expliquer et à leur faire comprendre ce qu’est véritablement la PME Tech.
La troisième étape consistera en la labellisation de ces PME Tech. À ce stade, il nous faudra collaborer avec les acteurs de l’écosystème, que ce soit le ministère de la Transition numérique, le Technopark, ou la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), qui joue un rôle clé. La CGEM est un consommateur de technologies, tout comme l’Ausim (Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc, Ndlr), qui est un expert des systèmes d’information et qui, souvent, joue un rôle de donneur d’ordres.
L’Agence de développement du digital (ADD), en tant qu’acteur d’interopérabilité, agit comme un intermédiaire entre les institutions publiques et privées. Il joue donc un rôle de passerelle. Il est essentiel que nous nous réunissions avec ces acteurs pour définir ensemble comment labelliser ces PME Tech.
Cela peut sembler simple, mais il est important de préciser qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place des critères complexes de maturité ou d’innovation pour labelliser une PME Tech. La première condition sine qua non est que, pour être considérée comme une PME Tech, l’entreprise doit être une véritable entité légale. Elle doit exister réellement, payer ses impôts et être en règle. Cela peut paraître évident, mais c’est fondamental : l’entreprise doit exister sur le plan juridique.
Cela signifie que, pour être véritablement une PME Tech, il faut exister pleinement : être une entité légale, disposer d’une identité propre, être en règle, payer ses impôts et être bien implanté sur le terrain. La deuxième étape consiste à définir, après ce premier filtre, quel est le niveau de maturité en termes d’innovation.
Apporte-t-elle un véritable niveau d’innovation, par exemple avec l’intelligence artificielle ? Intègre-t-elle 100% de cette innovation dans ses processus ?
Bien sûr, ce sont des exemples généraux. Mon objectif n’est pas de créer des critères artificiels, mais de discuter avec les acteurs de l’écosystème. Je souhaite entendre leurs idées et parvenir à un consensus ensemble.
Ensuite, nous pourrons définir s’il s’agit bien d’une PME Tech en termes de chiffre d’affaires, de nombre d’emplois, d’identité, etc. Une fois cette labellisation réalisée, nous serons en mesure de faire un travail de profilage, afin de déterminer quelles sont les problématiques spécifiques auxquelles elle fait face et comment nous pourrons l’aider à accélérer ton développement.
Pourquoi la PME Tech est-elle un acteur clé de la transformation numérique ? Est-ce parce que l’institutionnalisation a pris du temps que cette prise de conscience se fait attendre ?
Je dirais qu’inconsciemment, les institutions publiques savaient que ces PME existantes étaient là. Elles en avaient conscience. Après tout, elles côtoient chaque jour des personnes qui distribuent du matériel, qui les accompagnent dans le conseil, qui développent des solutions, qui intègrent des outils tels que des CRM ou des ERP, et qui les aident dans la digitalisation de leurs processus. Ce sont des bâtisseurs. Pour moi, les PME Tech sont véritablement les bâtisseurs du digital.
Si j’ai un technicien qui souhaite que je l’aide à structurer son activité, il faut un site internet, une cartographie de ses processus, il faut digitaliser ces processus... Voilà, c’est du classique. Et aujourd’hui, si l’on parle de la digitalisation des PME, c’est-à-dire des entreprises à digitaliser, il est évident que nous avons besoin des PME Tech.
Pourquoi ? Parce que certaines entreprises n’ont pas encore de site internet, de CRM, d’ERP, et qu’elles n’ont pas intégré ces outils dans leurs processus. Maintenant, l’intelligence artificielle est devenue un élément incontournable. On intègre un agent IA, on indexe tous ses documents, et l’IA produit des solutions qui facilitent le quotidien de l’entreprise. Ce n’est plus un simple effet de mode ou une innovation, c’est devenu une nécessité.
Ce sont ces bâtisseurs qui vont intégrer la technologie. Voyez-vous la différence ? Pour moi, la distinction entre une startup et une PME Tech réside dans leur approche. Les startups arrivent avec une solution innovante. Par exemple, si l’on prend le cas de Taxi Sahbi, je n’aurais jamais imaginé cette idée. Ce fondateur a eu l’idée de disrupter le marché des taxis. Plutôt que de se battre avec les VTC et Uber, il a décidé de proposer une solution innovante en interconnectant tous les taxis. C’est cela, l’innovation : trouver le bon angle d’attaque et la bonne manière de se différencier. Voilà ce qu’est une startup.
De même, pour Chari, l’idée a été de donner aux petits commerçants, comme les épiceries, un outil leur permettant de faciliter leurs achats. Il a trouvé un angle astucieux pour commercialiser son idée. Ce sont là des exemples typiques de startups.
Cependant, lorsqu’on observe l’écosystème des startups, on constate qu’en France, il y a 25 licornes, aux États-Unis, environ 300 à 400, et en Afrique, une dizaine. Mais combien de PME Tech existe-t-il ? Des centaines de milliers en Afrique, peut-être des millions en Europe.
Alors, que faut-il en déduire par rapport aux licornes ? Les PME Tech, elles, sont présentes chaque jour, elles sont là pour digitaliser le quotidien des entreprises. Elles sont omniprésentes. C’est cette réalité qu’il faut comprendre.
Pour résumer de manière simplifiée, on pourrait dire que la startup incarne l’innovation, tandis que la PME Tech se concentre sur l’exécution de cette innovation. Mais, pour moi, les startups sont avant tout des explorateurs de l’innovation, des pionniers. Elles ouvrent la voie, mais ce sont les PME Tech qui appliquent ces idées et les rendent réelles au quotidien.
Les startups sont des explorateurs de l’innovation, car elles explorent un domaine vierge, un terrain encore inexploré, un angle novateur. Tandis que les PME Tech, elles, incarnent la réalité du digital. En d’autres termes, lorsque l’on crée une entreprise, même les comptables le diront, il existe une notion de «matériel immatériel». Ce que l’on appelle «matériel», ce sont les locaux, les bâtiments, les infrastructures physiques, alors que le «matériel immatériel» inclut les outils numériques que l’entreprise utilise. Ces derniers, bien qu’intangibles, sont essentiels au fonctionnement de l’entreprise.
Les outils numériques que l’on possède, que l’on achète, développe ou intègre, ce sont des éléments incontournables du quotidien de toutes les entreprises. Par exemple, tout le monde possède un ordinateur avec une messagerie, un CRM, un ERP, un réseau Wi-Fi, des bornes Wi-Fi, des écrans... Ce ne sont pas des startups, mais bien des PME Tech.
Cela dit, ces PME Tech peuvent aussi être porteuses d’innovation. Par exemple, une entreprise spécialisée dans le réseau pourrait proposer une solution innovante pour améliorer la connectivité Internet au sein des entreprises. Ces PME Tech ont également le droit de se revendiquer innovantes.
Les startups, quant à elles, explorent des zones où personne n’est encore allé. Elles sont avant tout des pionnières dans des domaines inexplorés, et c’est ce qui fait leur spécificité.
Enfin, concernant le stand du Gitex, c’est la première fois qu’une édition consacre un espace entièrement dédié aux PME Tech. Lors des éditions précédentes, des entreprises du secteur tech étaient présentes, mais cette année, nous avons choisi de donner un nom spécifique à cet espace, en mettant en lumière les PME Tech. Cela marque une étape importante dans la reconnaissance de ce secteur.
Peut-on avoir une idée sur le nombre de PME Tech qui seront présentes au Gitex ?
Nous aurons 55 entreprises présentes. Elles évoluent dans les secteurs des technologies de l’information et des télécommunications. Ces entreprises sont là pour offrir des services, des produits, et des solutions. Certaines se spécialisent également dans l’accompagnement. Par exemple, si l’on souhaite intégrer un CRM, on trouvera des sociétés spécialisées dans ce domaine. Si on a besoin d’une entreprise pour développer une application mobile, on pourra également en trouver. Si on cherche une société pour aider à cartographier ses processus, elles seront présentes également. En somme, on pourra faire son choix parmi diverses solutions technologiques dans le domaine des technologies de l’information et des télécommunications.
L’objectif de ce stand, au-delà de mettre en lumière le secteur des PME Tech et son écosystème, est de favoriser les rencontres B2B. Nous organiserons aussi un dîner de gala, auquel nous avons invité des délégations africaines et arabes. Ces délégations seront présentes pour faciliter les échanges entre nos entreprises et les acteurs étrangers. Nous accueillerons également des donneurs d’ordres locaux, des députés et des responsables d’achats qui participeront à ces rencontres.
De plus, un centre de conférence sera mis en place, car parler des PME Tech et organiser des rencontres B2B nécessite aussi de traiter des thématiques d’actualité. Nous aurons des experts internationaux qui interviendront, en majorité sur le sujet de l’intelligence artificielle (IA), en abordant son impact dans divers domaines technologiques. Cela permettra de montrer que ces rencontres B2B sont également une plateforme pour échanger sur des sujets d’actualité majeurs.
Y a-t-il du nouveau depuis l’année dernière par rapport à cette Fédération que vous avez créée, la Fédération africaine des entreprises du numérique ?
C’est une excellente question. En effet, lors de cette deuxième édition, nous accueillerons les dirigeants des fédérations africaines. Actuellement, nous devrions finaliser la création de la structure juridique. Nous avons désormais un avocat qui travaille sur ce dossier, car la première étape a été l’annonce et la crédibilisation de la Fédération africaine.
Aujourd’hui, cette Fédération a signé un partenariat avec SmartAfrica. Juste après l’annonce, en septembre, nous avons signé cet accord. En décembre, nous avons rejoint les BRICS avec la signature qui a eu lieu à Moscou.
Ainsi, un travail de crédibilisation – je ne sais pas si l’on peut l’appeler ainsi – a été réalisé pour que cette Fédération africaine acquière la notoriété nécessaire. Elle a rapidement été reconnue. Nous en sommes maintenant à la phase finale, celle de la formalisation juridique.
Redouane El Haloui : La PME Tech est inscrite dans la stratégie Maroc Digital 2030 dans laquelle l’accompagnement du développement de ce tissu économique est évoqué. La première étape d’institutionnalisation de la PME Tech a été franchie. Toutefois, bien que cette étape soit validée, elle a pris plus de temps que prévu. Cela a pris le même temps que pour les autres aspects. Ce n’est pas spécifique à la PME Tech. Si l’on examine la stratégie Maroc 2030 dans son ensemble, elle a, elle aussi, demandé beaucoup de temps. Ce n’était pas un manque d’idées, mais plutôt la nécessité de faire converger tous les acteurs de l’écosystème. Il convient de souligner que le ministère a accompli un travail remarquable.
Ce qui était primordial, c’était de fédérer les acteurs et de s’assurer que nous partagions tous une même terminologie, une même définition, une même orientation et un même objectif. C’est là que réside la difficulté. Plus l’ambition est grande, plus l’on cherche à inclure l’ensemble du pays et tous ses acteurs, plus l’inertie devient présente. Ce n’est pas une tâche facile.
Je ne tiens pas à critiquer le temps qu’il a fallu pour aboutir à ce résultat. Au contraire, je tiens à souligner qu’il est déjà remarquable qu’une telle initiative ait vu le jour. Nous avons désormais franchi cette première étape.
La deuxième étape est maintenant en cours. C’est à ce moment-là que nous, en tant que Fédération, avons pris pleinement en charge le sujet. Lors de notre participation au Gitex Africa, nous avons constaté que, que ce soit les organisateurs de l’événement, le ministère, la Banque africaine de développement (BAD), ou les autres acteurs, tout le monde parlait de startup, ici et là, sans mentionner la PME Tech.
Nous avons alors décidé de nous démarquer. Nous avons affirmé que nous soutenons pleinement les startups, mais que la PME-tech est tout aussi essentielle. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec Lamiae Benmakhlouf, directrice générale du Technopark, dont je fais partie du conseil d’administration, car l’APEBI a été à l’origine de cette initiative. J’ai également eu des échanges avec la Banque africaine de développement à ce sujet.
C’est la raison pour laquelle, cette année, nous avons instauré un village de la PME Tech. C’est la première fois, lors de cette troisième édition du Gitex Africa, que nous mettons à l’honneur la PME Tech. L’objectif est de communiquer et d’expliquer et au monde, tant au secteur privé qu’au secteur public, ce qu’est réellement la PME Tech.
Ces entreprises, qui ont toujours opéré dans l’ombre, ont façonné le paysage numérique. Ce sont elles qui sont les véritables bâtisseurs du digital et qui ont toujours été présentes. D’ailleurs, si l’on observe l’ensemble du tissu économique, on se rend compte que les multinationales ne sont que quelques dizaines, voire une cinquantaine au maximum. Quant aux startups, il en existe probablement un millier, mais pour ce qui est des PME Tech, il en existe peut-être trois, quatre, cinq, voire dix mille.
Il s’agit d’entreprises qui vendent des solutions, du matériel, qui s’occupent de l’interconnexion, des câblages et des réseaux, qui installent des infrastructures aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, qui assurent la sécurité, qui développent des solutions, qui accompagnent et conseillent. C’est véritablement un secteur d’envergure, et aujourd’hui, il était essentiel de les mettre en lumière et de reconnaître leur rôle.
Cela représente un jalon important. Après l’institutionnalisation, il fallait passer à la communication. Et nous avons saisi l’opportunité du Gitex Africa pour valoriser la PME Tech.
La troisième étape, quant à elle, est celle qui s’annonce. Cette phase de communication est cruciale et elle se poursuivra. J’espère qu’à l’horizon du Gitex Africa 2026, nous compterons 100 entreprises, 100 PME Tech.
Ce ne sera pas seulement l’APEBI qui travaillera sur ce projet, mais bien l’ensemble de l’écosystème, qui s’investira pour permettre à ce nombre de PME Tech d’atteindre au moins une centaine.
Avant de passer à la troisième étape, il est important de mentionner une petite nouveauté de cette édition du Gitex Africa : il ne s’agit pas seulement d’une exposition. Nous avons introduit une dimension innovante au sein de cet événement, à savoir la mise en place d’un programme d’accélération, intitulé France PME Tech Export.
En quoi consiste-t-il ?
Nous avons invité des experts français et canadiens, qui viendront accompagner ces entreprises en les profilant de manière spécifique. C’est une véritable innovation. Pourquoi ? Parce que nous avons choisi de réunir ces experts et les entreprises au même endroit, afin d’éviter toute forme de blocage.
Ces experts, qui disposent souvent d’une base de données d’entreprises et de PME françaises en quête de produits ou de services, repartiront ensuite pour analyser toutes les données recueillies. D’ici 6 à 8 mois, soit en octobre ou novembre 2025, nous organiserons des rencontres B2B, avec des rendez-vous qualifiés, et des contrats à la clé.
Autrement dit, la première étape consistera en un profilage et une analyse lors du Gitex Africa. La deuxième étape sera le lancement d’un événement B2B réel sur place, avec des rendez-vous qualifiés. Puis, en janvier 2026, nous annoncerons les résultats de cette expérimentation, et à partir de là, nous souhaitons la déployer à une échelle plus large.
Nous avons mis en place ce programme de profilage avec les moyens dont dispose la Fédération. Nous envisageons désormais de généraliser cette démarche afin de coacher et d’accompagner ces entreprises. En effet, nous nous sommes rendu compte que, pour les PME Tech de notre secteur – mais cela est également valable pour d’autres PME dans des secteurs tels que le textile, l’électricité, ou d’autres – l’entrepreneur est avant tout compétent dans son produit ou son service. Il est un technicien dans son domaine.
L’entrepreneur ou le dirigeant d’entreprise est souvent très compétent dans la maîtrise de son produit ou de son service. Cependant, lorsqu’on examine de plus près la gestion de son entreprise, on se rend compte qu’il rencontre des difficultés en gestion financière, en force commerciale, en branding et en marketing.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils peinent à accélérer leur développement. Nous sommes convaincus qu’en procédant à ce profilage et en l’aidant à améliorer certains aspects de son entreprise, l’entrepreneur pourrait doubler, voire tripler son chiffre d’affaires, au minimum.
Cela représente véritablement un levier important pour notre économie.
Qu’est-ce qui entrave l’essor de la PME Tech ? Est-ce le manque d’accompagnement ou plutôt de reconnaissance comme pourrait le démontrer ce flou dans la terminologie ? Quel est le rôle de l’APEBI pour favoriser leur croissance ?
En réalité, tous les projecteurs ont été braqués sur les startups et non pas sur la startup en tant qu’entité, mais plutôt sur le terme lui-même, qui est devenu un nom fourre-tout.
Je pense qu’en fait, nous avons eu un problème de prise de conscience et de recul. Lorsqu’on examine la situation, il est crucial de prendre les choses sous le bon angle. Effectivement, il y a eu des difficultés pour faire émerger les startups, ainsi que des tensions entre les startups et les PME qui ne se retrouvaient pas dans cette catégorie. Cependant, dans tout cela, nous avons pris du recul, et ensemble, nous avons analysé ce qui faisait défaut.
Aujourd’hui, cette prise de conscience est fondamentale. En réalité, nous manquions de recul et nous n’avions pas pleinement conscience des difficultés rencontrées par ces PME Tech. Il fallait également définir ce qu’est une startup, afin d’éviter la confusion et l’usage abusif de ce terme.
En mettant en lumière cette distinction, nous allons pouvoir mieux travailler ensemble. Dans ce tissu économique numérique, les entreprises sauront désormais mieux se situer et se reconnaître.
Enfin, il y a cette troisième étape dont je souhaitais parler. La première phase d’institutionnalisation a été réalisée avec les pouvoirs publics. La deuxième phase, celle de la communication, est en cours de développement.
Notre travail actuel consiste à communiquer avec les journalistes, à leur expliquer et à leur faire comprendre ce qu’est véritablement la PME Tech.
La troisième étape consistera en la labellisation de ces PME Tech. À ce stade, il nous faudra collaborer avec les acteurs de l’écosystème, que ce soit le ministère de la Transition numérique, le Technopark, ou la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), qui joue un rôle clé. La CGEM est un consommateur de technologies, tout comme l’Ausim (Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc, Ndlr), qui est un expert des systèmes d’information et qui, souvent, joue un rôle de donneur d’ordres.
L’Agence de développement du digital (ADD), en tant qu’acteur d’interopérabilité, agit comme un intermédiaire entre les institutions publiques et privées. Il joue donc un rôle de passerelle. Il est essentiel que nous nous réunissions avec ces acteurs pour définir ensemble comment labelliser ces PME Tech.
Cela peut sembler simple, mais il est important de préciser qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place des critères complexes de maturité ou d’innovation pour labelliser une PME Tech. La première condition sine qua non est que, pour être considérée comme une PME Tech, l’entreprise doit être une véritable entité légale. Elle doit exister réellement, payer ses impôts et être en règle. Cela peut paraître évident, mais c’est fondamental : l’entreprise doit exister sur le plan juridique.
Cela signifie que, pour être véritablement une PME Tech, il faut exister pleinement : être une entité légale, disposer d’une identité propre, être en règle, payer ses impôts et être bien implanté sur le terrain. La deuxième étape consiste à définir, après ce premier filtre, quel est le niveau de maturité en termes d’innovation.
Apporte-t-elle un véritable niveau d’innovation, par exemple avec l’intelligence artificielle ? Intègre-t-elle 100% de cette innovation dans ses processus ?
Bien sûr, ce sont des exemples généraux. Mon objectif n’est pas de créer des critères artificiels, mais de discuter avec les acteurs de l’écosystème. Je souhaite entendre leurs idées et parvenir à un consensus ensemble.
Ensuite, nous pourrons définir s’il s’agit bien d’une PME Tech en termes de chiffre d’affaires, de nombre d’emplois, d’identité, etc. Une fois cette labellisation réalisée, nous serons en mesure de faire un travail de profilage, afin de déterminer quelles sont les problématiques spécifiques auxquelles elle fait face et comment nous pourrons l’aider à accélérer ton développement.
Pourquoi la PME Tech est-elle un acteur clé de la transformation numérique ? Est-ce parce que l’institutionnalisation a pris du temps que cette prise de conscience se fait attendre ?
Je dirais qu’inconsciemment, les institutions publiques savaient que ces PME existantes étaient là. Elles en avaient conscience. Après tout, elles côtoient chaque jour des personnes qui distribuent du matériel, qui les accompagnent dans le conseil, qui développent des solutions, qui intègrent des outils tels que des CRM ou des ERP, et qui les aident dans la digitalisation de leurs processus. Ce sont des bâtisseurs. Pour moi, les PME Tech sont véritablement les bâtisseurs du digital.
Si j’ai un technicien qui souhaite que je l’aide à structurer son activité, il faut un site internet, une cartographie de ses processus, il faut digitaliser ces processus... Voilà, c’est du classique. Et aujourd’hui, si l’on parle de la digitalisation des PME, c’est-à-dire des entreprises à digitaliser, il est évident que nous avons besoin des PME Tech.
Pourquoi ? Parce que certaines entreprises n’ont pas encore de site internet, de CRM, d’ERP, et qu’elles n’ont pas intégré ces outils dans leurs processus. Maintenant, l’intelligence artificielle est devenue un élément incontournable. On intègre un agent IA, on indexe tous ses documents, et l’IA produit des solutions qui facilitent le quotidien de l’entreprise. Ce n’est plus un simple effet de mode ou une innovation, c’est devenu une nécessité.
Ce sont ces bâtisseurs qui vont intégrer la technologie. Voyez-vous la différence ? Pour moi, la distinction entre une startup et une PME Tech réside dans leur approche. Les startups arrivent avec une solution innovante. Par exemple, si l’on prend le cas de Taxi Sahbi, je n’aurais jamais imaginé cette idée. Ce fondateur a eu l’idée de disrupter le marché des taxis. Plutôt que de se battre avec les VTC et Uber, il a décidé de proposer une solution innovante en interconnectant tous les taxis. C’est cela, l’innovation : trouver le bon angle d’attaque et la bonne manière de se différencier. Voilà ce qu’est une startup.
De même, pour Chari, l’idée a été de donner aux petits commerçants, comme les épiceries, un outil leur permettant de faciliter leurs achats. Il a trouvé un angle astucieux pour commercialiser son idée. Ce sont là des exemples typiques de startups.
Cependant, lorsqu’on observe l’écosystème des startups, on constate qu’en France, il y a 25 licornes, aux États-Unis, environ 300 à 400, et en Afrique, une dizaine. Mais combien de PME Tech existe-t-il ? Des centaines de milliers en Afrique, peut-être des millions en Europe.
Alors, que faut-il en déduire par rapport aux licornes ? Les PME Tech, elles, sont présentes chaque jour, elles sont là pour digitaliser le quotidien des entreprises. Elles sont omniprésentes. C’est cette réalité qu’il faut comprendre.
Pour résumer de manière simplifiée, on pourrait dire que la startup incarne l’innovation, tandis que la PME Tech se concentre sur l’exécution de cette innovation. Mais, pour moi, les startups sont avant tout des explorateurs de l’innovation, des pionniers. Elles ouvrent la voie, mais ce sont les PME Tech qui appliquent ces idées et les rendent réelles au quotidien.
Les startups sont des explorateurs de l’innovation, car elles explorent un domaine vierge, un terrain encore inexploré, un angle novateur. Tandis que les PME Tech, elles, incarnent la réalité du digital. En d’autres termes, lorsque l’on crée une entreprise, même les comptables le diront, il existe une notion de «matériel immatériel». Ce que l’on appelle «matériel», ce sont les locaux, les bâtiments, les infrastructures physiques, alors que le «matériel immatériel» inclut les outils numériques que l’entreprise utilise. Ces derniers, bien qu’intangibles, sont essentiels au fonctionnement de l’entreprise.
Les outils numériques que l’on possède, que l’on achète, développe ou intègre, ce sont des éléments incontournables du quotidien de toutes les entreprises. Par exemple, tout le monde possède un ordinateur avec une messagerie, un CRM, un ERP, un réseau Wi-Fi, des bornes Wi-Fi, des écrans... Ce ne sont pas des startups, mais bien des PME Tech.
Cela dit, ces PME Tech peuvent aussi être porteuses d’innovation. Par exemple, une entreprise spécialisée dans le réseau pourrait proposer une solution innovante pour améliorer la connectivité Internet au sein des entreprises. Ces PME Tech ont également le droit de se revendiquer innovantes.
Les startups, quant à elles, explorent des zones où personne n’est encore allé. Elles sont avant tout des pionnières dans des domaines inexplorés, et c’est ce qui fait leur spécificité.
Enfin, concernant le stand du Gitex, c’est la première fois qu’une édition consacre un espace entièrement dédié aux PME Tech. Lors des éditions précédentes, des entreprises du secteur tech étaient présentes, mais cette année, nous avons choisi de donner un nom spécifique à cet espace, en mettant en lumière les PME Tech. Cela marque une étape importante dans la reconnaissance de ce secteur.
Peut-on avoir une idée sur le nombre de PME Tech qui seront présentes au Gitex ?
Nous aurons 55 entreprises présentes. Elles évoluent dans les secteurs des technologies de l’information et des télécommunications. Ces entreprises sont là pour offrir des services, des produits, et des solutions. Certaines se spécialisent également dans l’accompagnement. Par exemple, si l’on souhaite intégrer un CRM, on trouvera des sociétés spécialisées dans ce domaine. Si on a besoin d’une entreprise pour développer une application mobile, on pourra également en trouver. Si on cherche une société pour aider à cartographier ses processus, elles seront présentes également. En somme, on pourra faire son choix parmi diverses solutions technologiques dans le domaine des technologies de l’information et des télécommunications.
L’objectif de ce stand, au-delà de mettre en lumière le secteur des PME Tech et son écosystème, est de favoriser les rencontres B2B. Nous organiserons aussi un dîner de gala, auquel nous avons invité des délégations africaines et arabes. Ces délégations seront présentes pour faciliter les échanges entre nos entreprises et les acteurs étrangers. Nous accueillerons également des donneurs d’ordres locaux, des députés et des responsables d’achats qui participeront à ces rencontres.
De plus, un centre de conférence sera mis en place, car parler des PME Tech et organiser des rencontres B2B nécessite aussi de traiter des thématiques d’actualité. Nous aurons des experts internationaux qui interviendront, en majorité sur le sujet de l’intelligence artificielle (IA), en abordant son impact dans divers domaines technologiques. Cela permettra de montrer que ces rencontres B2B sont également une plateforme pour échanger sur des sujets d’actualité majeurs.
Y a-t-il du nouveau depuis l’année dernière par rapport à cette Fédération que vous avez créée, la Fédération africaine des entreprises du numérique ?
C’est une excellente question. En effet, lors de cette deuxième édition, nous accueillerons les dirigeants des fédérations africaines. Actuellement, nous devrions finaliser la création de la structure juridique. Nous avons désormais un avocat qui travaille sur ce dossier, car la première étape a été l’annonce et la crédibilisation de la Fédération africaine.
Aujourd’hui, cette Fédération a signé un partenariat avec SmartAfrica. Juste après l’annonce, en septembre, nous avons signé cet accord. En décembre, nous avons rejoint les BRICS avec la signature qui a eu lieu à Moscou.
Ainsi, un travail de crédibilisation – je ne sais pas si l’on peut l’appeler ainsi – a été réalisé pour que cette Fédération africaine acquière la notoriété nécessaire. Elle a rapidement été reconnue. Nous en sommes maintenant à la phase finale, celle de la formalisation juridique.