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IA, innovation, cybersécurité... Le Maroc trace sa route vers un modèle digital souverain

Le Maroc affirme plus que jamais son ambition de devenir un hub technologique en Afrique. Gitex Africa Morocco 2025, qui réunira à Marrakech les géants de l’innovation et les champions de demain, en est la preuve éclatante. Mais derrière cette vitrine prometteuse, se dessinent aussi les défis d’un avenir digital, entre intelligence artificielle, cybersécurité et transformation des compétences.

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Le Maroc se positionne de plus en plus comme une véritable locomotive numérique en Afrique, et Gitex Africa 2025 en est une preuve éclatante. Organisé à Marrakech du 14 au 16 avril courant, cet événement phare accueillera plus de 1.500 entreprises, 800 startups et 400 investisseurs venus de 130 pays. C’est bien plus qu’un salon : c’est une vitrine de l’ambition marocaine de devenir un hub régional de l’innovation, en phase avec les orientations royales.
Parmi les nouveautés marquantes annoncées par la ministre de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni : la création d’un «Sommet du futur de la couverture en Afrique», centré sur les enjeux des télécoms, du Cloud et de la 5G, ainsi qu’un «Studio de la Diaspora africaine» pour connecter les talents africains à l’innovation locale. S’ajoute à cela le programme «Morocco 200», qui offrira un appui renforcé à 200 startups marocaines, avec financement, accompagnement et visibilité mondiale.



La PME Tech à l'honneur

Autre nouveauté : cette année a été instauré un village de la PME Tech. C’est la première fois, lors de cette troisième édition du Gitex Africa, que ces entreprises sont mises à l'honneur. L'objectif est de communiquer et d'expliquer au monde, tant au secteur privé qu'au secteur public, ce qu'est réellement la PME Tech. «Ces entreprises, qui ont toujours opéré dans l'ombre, ont façonné le paysage numérique. Ce sont elles qui sont les véritables bâtisseurs du digital et qui ont toujours été présentes. D'ailleurs, si l'on observe l'ensemble du tissu économique, on se rend compte que les multinationales ne sont que quelques dizaines, voire une cinquantaine au maximum. Quant aux startups, il en existe probablement un millier, mais pour ce qui est des PME Tech, il en existe peut-être trois, quatre, cinq, voire dix mille», explique Redouane Lhaloui, président de la Fédération des technologies de l’information, de télécommunication et de l’offshoring (APEBI). Il s’agit d’entreprises qui vendent des solutions, du matériel, qui s’occupent de l’interconnexion, des câblages et des réseaux, qui installent des infrastructures aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, qui assurent la sécurité, qui développent des solutions, qui accompagnent et conseillent. C'est véritablement un secteur d’envergure, et aujourd'hui, il était essentiel de les mettre en lumière et de reconnaître leur rôle.

Cette dynamique s’inscrit dans une stratégie nationale de transformation numérique, qui place l’intelligence artificielle (IA) au cœur des priorités. L’IA révolutionne déjà des secteurs comme l’industrie, la logistique, ou encore le service client et dont le rythme effréné ne peut ne pas influer sur l’évolution de la stratégie «Maroc digital 2030». «Cette dernière qui se veut agile et inclusive devrait naturellement avancer en fonction des évolutions de l’IA et intégrer les dernières innovations technologiques au fur et à mesure de sa progression. Pour ce faire, une veille technologique de premier plan est nécessaire afin de détecter les tendances et anticiper les disruptions et les risques potentiels», estiment des experts comme Yasser Monkachi qui considère que l’IA ne doit pas être une simple mode, mais un outil au service de l’humain. Elle exige une vision claire, une stratégie éthique, et surtout une culture d’apprentissage permanent. Car si elle peut générer de l’efficacité, elle peut aussi standardiser les idées, affaiblir la créativité et poser des questions de confiance et de responsabilité.

Une culture du risque numérique à bâtir

Autre défi à ne pas perdre de vue : la formation qui apparaît comme un levier crucial. Selon plusieurs acteurs du secteur – Capgemini Maroc, Jabra, Foundever –, l’un des freins majeurs réside dans l’écart entre l’enthousiasme des dirigeants et l’appropriation réelle des outils par les équipes. Il est donc impératif d’investir dans la montée en compétence des collaborateurs, dans tous les secteurs.

Un autre enjeu fondamental est celui de la cybersécurité. Alors que les cyberattaques se multiplient à l’échelle mondiale, les entreprises marocaines, comme ailleurs, sont exposées. La montée de l’IA et de l’Internet des objets (IoT) crée de nouvelles failles, que les hackers n’hésitent pas à exploiter. Le Maroc, à travers la Direction générale de la sécurité des systèmes d'information (DGSSI), a déjà fait des avancées, mais il doit intensifier ses efforts pour protéger ses infrastructures, sensibiliser les acteurs et bâtir une culture du risque numérique. L'attaque de ce mois d'avril 2025 contre des institutions publiques marocaines dont la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) agit comme un électrochoc. Elle rappelle que dans un monde interconnecté, la sécurité numérique est une condition essentielle à la confiance des citoyens et au bon fonctionnement des institutions. Pour le Maroc, il s’agit non seulement de réagir, mais surtout d’anticiper, dans une logique de résilience et de souveraineté technologique.

Sidi Mohammed Drissi Melyani, directeur général de l’Agence de développement du digital : L’ADD souhaite valoriser les partenariats stratégiques noués dans le cadre de la coopération Sud-Sud

Le Matin : Dans un contexte mondial de digitalisation accélérée, comment l’ADD intervient-elle dans le renforcement de la compétitivité de l’économie marocaine ?

Sidi Mohammed Drissi Melyani :
L’Agence de développement du digital est l’un des leviers clés de la Stratégie nationale de transformation numérique pilotée par le gouvernement marocain. En tant qu’établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Transition numérique et de la réforme de l’Administration, l’ADD a pour mission de mettre en œuvre les politiques publiques dans le domaine du digital, tout en veillant à ce que les outils technologiques soient mis au service de l’amélioration des services, de la productivité et de l’inclusion.

Dans un monde où la compétitivité économique dépend étroitement de la capacité à adopter et à intégrer les technologies numériques, l’ADD œuvre à créer un environnement propice à l’émergence d’une économie moderne, innovante et connectée. Elle accompagne la transformation numérique de l’administration, soutient l’évolution digitale du tissu économique national, et agit en faveur de l’inclusion digitale des citoyens. Et à travers ces missions, l’ADD contribue concrètement à renforcer la résilience et l’attractivité de l’économie marocaine sur la scène internationale.

Comment l’ADD collabore-t-elle avec les différentes institutions publiques et privées ?

La transformation numérique est un chantier transversal qui mobilise l’ensemble des acteurs de l’écosystème national. Dans cette dynamique, l’ADD joue un rôle de facilitateur entre les administrations publiques, les opérateurs privés et les partenaires institutionnels. Elle agit en étroite collaboration avec son ministère de tutelle, qui œuvre à fédérer les efforts de transformation au niveau gouvernemental, et s’appuie sur cette coordination pour encourager l’alignement stratégique des initiatives numériques. Concrètement, l’ADD accompagne les institutions publiques en mettant à leur disposition des plateformes mutualisées, des solutions digitales prêtes à l’emploi, ainsi que des outils d’interopérabilité qui facilitent l’échange de données et l’intégration des services. Elle adopte une approche collaborative, centrée sur l’optimisation des ressources, la mutualisation des investissements et la montée en compétence des équipes, avec objectif de garantir une digitalisation harmonisée, durable et structurée, tout en valorisant l’effort collectif de l’État en faveur d’une administration plus moderne, plus efficiente et plus proche des usagers.

Quels sont les projets phares actuellement portés par l’ADD ?

L’ADD pilote de nombreux projets qui traduisent concrètement la volonté du gouvernement marocain de faire du numérique un moteur de transformation économique et sociale. Dans le domaine de l’e-gouvernement, l’Agence œuvre à la mise en place de services publics numériques qui permettent aux citoyens d’accéder plus facilement à leurs droits, de simplifier leurs démarches administratives et de renforcer la transparence de l’action publique. Ces services sont conçus pour être accessibles, sécurisés et interconnectés, et s’inscrivent dans une logique de proximité et d’efficience. Sur le plan économique, l’ADD accompagne les startups, les jeunes entreprises innovantes et les TPME à travers des dispositifs comme le «Label JEI», la plateforme «StartupHubMaroc» ou encore les initiatives portées dans le cadre de MoroccoTech. Ces projets visent à encourager l’entrepreneuriat technologique, à faciliter l’accès aux financements et à renforcer l’écosystème d’innovation. Par ailleurs, l’Agence s’investit pleinement dans la transformation numérique de la société, notamment à travers des programmes d’inclusion numérique, de formation aux compétences digitales et de sensibilisation à l’usage des technologies, en particulier pour les jeunes, les femmes et les populations éloignées des services numériques.

Quels sont les projets innovants que l’ADD souhaite mettre en lumière à l’occasion du Gitex Africa ?

Le Gitex Africa constitue une opportunité stratégique pour le Maroc de présenter les avancées concrètes réalisées dans le domaine du digital et de valoriser l’engagement du gouvernement en faveur d’une transformation numérique inclusive et ambitieuse. À cette occasion, l’ADD entend mettre en lumière plusieurs projets à fort impact, qui illustrent la capacité du Royaume à innover tout en renforçant sa souveraineté technologique. Parmi les projets phares, on retrouve les plateformes numériques mutualisées déployées dans le cadre de l’e-gouvernement, qui facilitent l’accès des citoyens aux services publics tout en optimisant les coûts pour l’administration. L’Agence souhaite, également, valoriser les partenariats stratégiques noués dans le cadre de la coopération Sud-Sud, en particulier les solutions développées localement et destinées à être partagées avec d’autres pays africains. Enfin, le Gitex sera l’occasion de mettre en avant l’écosystème startup marocain, soutenu par l’ADD, et de démontrer comment le Royaume agit concrètement pour faire du digital un levier de croissance, de compétitivité et de rayonnement régional.

Quel message souhaitez-vous transmettre sur la place de l’Afrique dans la révolution numérique ?

Aujourd’hui, l’Afrique ne subit plus les effets de la révolution numérique, elle en devient un acteur moteur. Grâce à sa jeunesse, à la vitalité de son tissu entrepreneurial et à l’engagement croissant des gouvernements, le continent africain affirme sa capacité à concevoir ses propres solutions technologiques et à bâtir un avenir digital adapté à ses spécificités.

De son côté, le Maroc est fidèle à sa vocation africaine et à sa stratégie de coopération, et joue un rôle actif dans cette dynamique. À travers l’ADD et les différentes initiatives soutenues par l’État, le Royaume participe à la co-construction d’une Afrique connectée, inclusive et innovante. L’enjeu est de garantir à nos pays une souveraineté numérique durable, de créer des opportunités pour la jeunesse, de favoriser le transfert de compétences et de positionner l’Afrique comme une zone d’innovation et de croissance digitale à l’échelle mondiale.

Dernièrement, je vous dis que le message que nous portons aujourd’hui est clair, c’est ensemble, en valorisant nos atouts et en mutualisant nos expériences, que nous pourrons bâtir une Afrique numérique forte et influente.
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