Pour Axel De Goursac, AI Lead Partner chez KPMG, «l’intelligence artificielle peut être comparée à un iceberg qui ne cesse de grandir. Ce que l’on perçoit le plus, c’est sa partie émergée : la création de valeur pour les entreprises et les pionniers qui ont su exploiter cette technologie. Cependant, sous la surface se cache une base essentielle, mais moins visible à savoir les infrastructures techniques et les systèmes qui permettent à l’IA de fonctionner ; la gouvernance et la réglementation des données ; l’accompagnement du changement au sein des organisations et son impact sur les ressources humaines à travers la transformation des métiers et de l’emploi. L’IA entraîne des changements profonds dans les entreprises et la société».
En effet, si l’IA ouvre de nombreuses opportunités, son intégration dans les entreprises s’accompagne de défis majeurs. La complexité technologique est un obstacle clé, notamment pour garantir une interopérabilité entre l’IA et les systèmes existants. La sécurité des données et la conformité réglementaire constituent également des préoccupations centrales, imposant des contraintes sur la transparence des algorithmes et la gestion des données personnelles. Le manque de compétences spécialisées freine également l’adoption, avec une demande croissante pour des profils maîtrisant à la fois l’IA, l’analyse de données et la cybersécurité. La résistance au changement demeure également un défi de taille, les employés percevant parfois l’IA comme une menace pour l’emploi plutôt qu’un outil d’optimisation. Pour relever ces défis, les participants ont souligné la nécessité de mettre en place une feuille de route claire, alignée sur les objectifs métiers. La question du retour sur investissement nécessite, quant à elle, une analyse claire des avantages obtenus par rapport aux coûts.
L’écosystème pour un développement pérenne de l’IA
L’essor de l’intelligence artificielle repose en grande partie sur la collaboration entre différents acteurs de l’écosystème de l’innovation. Les startups, incubateurs et accélérateurs tels qu’Aiox Labs, structure dédiée à l'autonomisation des entrepreneurs et à la promotion de l'innovation technologique axée sur l'IA, jouent un rôle clé en apportant des solutions agiles et disruptives. Les organisations peuvent ainsi accélérer leur transformation tout en testant rapidement de nouvelles solutions. Par ailleurs, les institutions de recherche et universités comme l’Université Mohammed VI Polytechnique sont essentielles pour le développement de l’IA à long terme. Grâce à des partenariats public-privé, les entreprises peuvent bénéficier des dernières avancées scientifiques, tout en soutenant la formation de talents hautement qualifiés. Enfin, l’ouverture sur les expériences déployées à l’international est un levier essentiel pour mieux appréhender les évolutions technologiques.Un benchmark international sur les cas d’usages en entreprise
L’étude «Trends of AI 2025» menée par KPMG en France met en lumière l’adoption croissante de l’IA dans les principales fonctions de l’entreprise, avec des impacts variés selon les métiers. Guidée par le triptyque «Explore, Test, Learn», elle analyse l’adoption de l’IA dans les entreprises à travers 4 fonctions principales : Marketing, RH, Finance et IT. Selon l’étude, le marketing est le domaine où l’IA est la plus mature, notamment pour la génération de contenu (47%), la traduction automatisée (54%) et la personnalisation des campagnes (34%), bien que des préoccupations subsistent sur la perte d’identité de marque et l’automatisation excessive. Les ressources humaines (RH) bénéficient de l’IA pour l’automatisation des tâches administratives, le recrutement et l’optimisation des parcours collaborateurs, mais la réglementation des données et la transformation des métiers restent des enjeux critiques. La finance, quant à elle, adopte une approche prudente, privilégiant des cas d’usage à forte valeur ajoutée comme la détection des fraudes (21%) et l’automatisation des processus comptables, avec une attention particulière sur la traçabilité et la conformité réglementaire. Enfin, l’IT joue un rôle clé en assurant la sécurité des infrastructures IA, en optimisant les processus grâce à l’automatisation, et en garantissant une interopérabilité fluide entre les systèmes existants.Déclaration de Jihane Kabbaj, Senior Manager Lead Tech Advisory à KPMG au Maroc

Au Maroc, l’intelligence artificielle se développe rapidement, notamment dans le secteur bancaire, où elle est utilisée pour des fonctions régaliennes pour lutter contre la fraude, le blanchiment d’argent et optimiser la gestion des risques, mais également pour amplifier les capacités des commerciaux dans les agences bancaires. L'intelligence artificielle s’étend aussi aux fonctions d’entreprise, comme le service client, révélant son potentiel transformateur, notamment à travers sa capacité de compréhension de la Darija. L'intégration de l'IA ne se résume pas à une simple évolution technologique. Elle représente une mutation profonde des organisations et de la société. Cette transformation s'accompagne de défis majeurs :
- ROI à court terme : Les entreprises peinent à démontrer rapidement le retour sur investissement des projets d’IA.
- Qualité des données : La réussite des projets d'IA dépend de la disponibilité de données propres, structurées et de bonne qualité. La mise en place d'une gouvernance autour de la data est un prérequis essentiel.
- Cybersécurité : La sécurité, l’explicabilité et l'intégrité des modèles d'IA sont des enjeux critiques pour nos organisations.
- Compétences : La montée en compétences des collaborateurs à tous les niveaux, est un enjeu clé pour accompagner cette transformation, dans l'ensemble des fonctions de l'organisation.
Pour accélérer l’adoption de l’IA au Maroc, il faut encourager notre écosystème entrepreneurial spécialisé en IA, investir dans la formation (initiale et continue) et renforcer la gouvernance des données au sein de nos entreprises. En surmontant ces défis, le Maroc pourra pleinement exploiter le potentiel de l’IA et s’affirmer comme un hub d’intelligence artificielle aux côtés des grandes puissances technologiques.