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Comment se positionne le Maroc face à la montée du protectionnisme industriel (BERD)

Dans un nouveau Rapport, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement alerte sur la résurgence des politiques industrielles protectionnistes, menaçant la coopération internationale et risquant de nuire aux pays les plus pauvres. Dans ce contexte mondial marqué par une compétition accrue, le Maroc se positionne par des stratégies industrielles bien conçues, notamment dans les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique, lui permettant de renforcer la compétitivité nationale et l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales.

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La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) vient de publier son Rapport annuel (2024-2025) phare sur les transitions économiques, consacré cette fois aux politiques industrielles dans le monde, avec un focus particulier sur les défis et opportunités liés à ces stratégies dans les économies émergentes.

Cette étude de 130 pages publiée en anglais, intitulée «Naviguer dans les politiques industrielles», met en lumière l'importance croissante des politiques industrielles dans la transformation économique des pays émergents et développés. Ces politiques, définies comme des interventions stratégiques visant à restructurer la production économique, sont présentées comme des outils essentiels pour relever des défis majeurs tels que la transition écologique, le renforcement des infrastructures et l'attraction des investissements directs étrangers (IDE).

Dans un contexte de renouveau des politiques industrielles à l’échelle mondiale, plusieurs tendances se dessinent, notamment des stratégies visant à stimuler ou protéger les intérêts nationaux à travers des mesures comme les subventions, les barrières tarifaires ou les restrictions commerciales. Cependant, la BERD alerte sur les conséquences potentielles de cette résurgence, qui pourrait compromettre la coopération internationale et affecter de manière disproportionnée les pays les plus pauvres, en limitant leur accès aux chaînes de valeur mondiales et en amplifiant les disparités économiques.



Le Rapport s'appuie sur des analyses innovantes pour explorer comment les politiques industrielles, bien que porteuses d'opportunités de croissance et de transition économiques, peuvent également engendrer des tensions commerciales et des effets négatifs pour les pays n'ayant pas les moyens d’adopter de telles stratégies.
Malgré ces risques, certains pays émergents, comme le Maroc, illustrent comment des politiques industrielles bien conçues peuvent dynamiser la compétitivité nationale et l'intégration dans les chaînes de valeur mondiales.

L'exemple du Maroc

«L'exemple du Maroc montre comment une politique industrielle bien conçue peut aider les pays à accroître leur participation aux chaînes de valeur mondiales dans le secteur manufacturier. Cela peut être réalisé en augmentant la production et en montant dans la chaîne de valeur, même sur des marchés mondiaux hautement compétitifs», souligne le Rapport. L’étude indique qu’au cours des 15 dernières années, le Maroc a mis en œuvre une série de stratégies industrielles visant à développer des secteurs manufacturiers compétitifs à l'échelle mondiale, avec un accent particulier sur les secteurs de l'automobile et de l'aéronautique. L'une de ces initiatives était le Plan national pour l'émergence industrielle (PNEI) 2009-2015, qui visait à créer 220.000 emplois et à augmenter les exportations de 11 milliards de dollars, principalement en attirant les investissements directs étrangers (IDE), en formant 94.000 travailleurs qualifiés et en renforçant la coopération entre les secteurs public et privé dans les domaines ciblés.

Ce Plan a été suivi par le Plan d'accélération industrielle (PAI) 2014-2020, encore plus ambitieux, qui a plus que doublé l'objectif en matière d'emplois. En outre, le gouvernement marocain a investi 15 milliards de dollars dans les infrastructures entre 2010 et 2015 et a établi des Zones économiques spéciales (ZES) dans des emplacements stratégiques tels que Casablanca, Kénitra et Tanger.

Le Royaume récolte les fruits de ses efforts

Le Royaume, grâce à ces stratégies, a réussi à transformer ses exportations manufacturières. La part des biens à contenu technologique moyen et élevé dans ses exportations est ainsi passée de 33% en 2009 à 65% en 2022. Dans les secteurs ciblés de l’automobile et de l’aérospatial, les exportations par habitant (exports per capita) ont augmenté respectivement de 2.390% et 550% en termes réels sur cette période.

Cependant, le Maroc n’a pas seulement brillé par ses succès manufacturiers. Il se distingue également par sa gestion ciblée de l’assistance étatique. Selon le Rapport, 42% de l’assistance publique au Maroc est orientée vers des entreprises spécifiques, une proportion nettement supérieure à la moyenne des autres économies étudiées. De plus, 7% de cette assistance cible spécifiquement les jeunes entreprises, ce qui reflète une volonté d'encourager l'innovation et de soutenir les acteurs économiques émergents. Ce type de politiques reste rare, même parmi les économies avancées de la BERD.

De plus, à l’instar des économies émergentes, le Maroc s'efforce d’accéder à des chaînes de valeur mondiales en diversifiant sa base industrielle. Les Zones économiques spéciales, souvent utilisées pour attirer les investissements et dynamiser les exportations, illustrent cette dynamique. La Turquie mène ce domaine avec 469 ZES, suivie par l'Égypte avec 147 et le Maroc avec 143. Contrairement à certains pays comme la Pologne ou la Serbie, qui concentrent leurs ZES dans des régions à faible revenu pour réduire les disparités régionales, le Maroc privilégie leur implantation dans des zones plus développées. Ces choix stratégiques, soutenus par des infrastructures solides et une connectivité renforcée, ont permis au Maroc de se positionner comme une plateforme compétitive dans des secteurs stratégiques tels que l’automobile et l’aéronautique.

Des défis persistants

Malgré ces avancées, le Rapport met en évidence des défis persistants. Au Maroc, la majorité de la production et de l’emploi dans les secteurs ciblés reste dominée par des entreprises étrangères. Les PME locales peinent à s’intégrer aux chaînes de valeur en raison de freins structurels, comme l’informalité ou des difficultés d’accès aux financements. Le gouvernement tente d’y remédier avec le nouveau Plan d’accélération industrielle 2021-2025, qui vise à renforcer les capacités d’approvisionnement local et à stimuler la participation des entreprises marocaines dans les écosystèmes industriels.

D’ailleurs, une tendance marquante identifiée dans le Rapport est le rôle prédominant des entreprises dites «superstar» dans les exportations des économies émergentes. Ces entreprises, peu nombreuses, mais extrêmement performantes, génèrent une part substantielle des exportations totales. Le Maroc illustre cette tendance, où des entreprises leaders, notamment dans les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique, dominent les chaînes de valeur mondiales et contribuent largement à la croissance des exportations manufacturières. Cette concentration reflète une capacité accrue à attirer des investissements étrangers et à développer des infrastructures de soutien adaptées, comme les zones économiques spéciales.

En conclusion, le Rapport de la BERD positionne le Maroc comme un exemple à suivre, tout en mettant en garde contre les écueils d’une mise en œuvre mal calibrée. Avec ses 143 ZES, ses politiques d’assistance ciblée et ses infrastructures compétitives, le royaume a démontré sa capacité à transformer sa base industrielle. Toutefois, le défi reste d’intégrer pleinement les PME locales et de maximiser les retombées économiques pour l’ensemble de la population. Ce Rapport de la BERD rappelle que les politiques industrielles ne sont pas seulement des outils de compétitivité, mais également des leviers pour une transformation économique durable et inclusive.
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