Dakhla génère 3 milliards de dirhams de valeur ajoutée par an grâce à l’industrie de la pêche
La région de Dakhla s’impose comme un acteur fort de l’industrie halieutique marocaine, générant une valeur ajoutée annuelle de 3 milliards de dirhams. Selon le rapport «Afrique-Atlantique à Dakhla : Une “success-story” venue du Sud face à de nouveaux défis», réalisé par l’Institut marocain d’intelligence stratégique, cette réussite repose sur une stratégie intégrée allant de la capture à la transformation des ressources marines. Cependant, le Maroc doit mobiliser des leviers en matière de la diplomatie, de la recherche scientifique et de la législation afin de surmonter les défis qui menacent la poursuite de cette dynamique.
Rochdi Mokhliss |
05 Février 2025
À 10:05
Avec une production annuelle de 400.000 tonnes de poissons, soit près de 30% de la production nationale, Dakhla a su développer un véritable hub industriel et logistique. Les 40 unités de transformation implantées dans la région permettent de maximiser la valeur ajoutée locale. L’introduction des navires RSW (Refrigerated Sea Water) a joué un rôle clé dans l’optimisation des chaînes d’approvisionnement, renforçant ainsi la compétitivité de la région sur le marché international. La pêche occupe une place prédominante à Dakhla, notamment dans la province d’Oued Eddahab, où elle constitue le principal employeur avec environ 40.000 emplois directs et indirects. Cette activité est essentielle au dynamisme économique des provinces sahariennes du Maroc, renforçant ainsi leur positionnement comme levier stratégique pour le développement du continent africain.
La façade atlantique marocaine, un espace riche en ressources halieutiques
Les provinces du Sud s’étendent sur environ 1.100 kilomètres de côtes et disposent d’une plateforme continentale couvrant 55.100 km². Elles se distinguent par la richesse et la diversité de leurs ressources halieutiques, parmi lesquelles les petits pélagiques constituent la principale composante de la biomasse exploitable, faisant de cette région le premier réservoir de pélagiques en Afrique.
La zone atlantique sud bénéficie de conditions hydroclimatiques exceptionnelles, favorisant une grande diversité d’espèces halieutiques. Cette richesse biologique comprend à la fois des espèces démersales et benthiques, qui sont activement pêchées, ainsi que deux grandes catégories de pélagiques :
• Les petits pélagiques, qui évoluent en surface ou entre deux eaux, incluant les sardines, les maquereaux, les chinchards et les anchois.
• Les grands pélagiques, dominés principalement par les stocks de thonidés.
Parmi ces provinces, la région de Dakhla-Oued Eddahab joue un rôle stratégique dans l’économie marocaine et s’impose comme un levier clé du développement du continent africain. Le secteur primaire y occupe une place prépondérante, représentant 43,2% de la valeur ajoutée locale et contribuant à hauteur de 1,8% à la richesse nationale. La pêche maritime, associée à une industrie de transformation dynamique et soutenue par des ressources halieutiques abondantes, constitue un pilier essentiel du développement socio-économique des provinces sahariennes du Maroc. Au-delà de leur impact local, ces activités s’inscrivent dans une ambition plus large, portée par la Vision Royale, qui aspire à faire des provinces du Sud un hub économique majeur en Afrique.
Historique des principales politiques publiques menées dans le secteur des pêches maritimes
Des menaces sur un modèle économique prospère
Cette «success-story» se trouve aujourd’hui confrontée à plusieurs menaces. Le changement climatique, en modifiant les écosystèmes marins, perturbe les migrations des espèces halieutiques et remet en cause certaines pratiques traditionnelles. La pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), particulièrement présente en Afrique de l’Ouest, exerce une pression croissante sur les ressources halieutiques et menace la durabilité de cette économie. Par ailleurs, la récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 4 octobre 2024 relative à l’étiquetage des produits issus des Provinces du sud du Maroc devrait avoir un impact sur les exportations marocaines vers l’UE et réduire la compétitivité de l’industrie halieutique locale. À noter que le Maroc avait confirmé ne pas être concerné par cette décision. «Le Maroc n’est pas partie à cette affaire, qui concerne l’Union européenne d’une part, et le “polisario” soutenu par l’Algérie d’autre part. Le Maroc n’a participé à aucune des phases de cette procédure et, par conséquent, ne se considère aucunement concerné par la décision», avait précisé le ministère des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, dans un communiqué.
Selon un panel d’experts, les exportations vers l’UE pourraient chuter de 50 à 80%, entraînant une baisse globale de 23 à 36% des exportations totales de l’industrie de la conserverie. Les pertes économiques sont estimées entre 1,374 et 2,198 milliards de dirhams, menaçant des milliers d’emplois et fragilisant la capacité des entreprises à valoriser les ressources pêchées.
Vers une stratégie de résilience et d’adaptation
Face à ces défis, le Rapport préconise dix recommandations visant à préserver et renforcer l’expérience halieutique industrielle à Dakhla. Parmi les principales mesures figurent :
1. Le renforcement des collaborations entre instituts de recherche et opérateurs privés pour améliorer l’évaluation des stocks halieutiques en temps réel.
2. L’intégration régionale à travers une participation active du Maroc aux organisations sous-régionales, comme la Commission sous-régionale des pêches (CSRP), pour lutter contre la pêche illégale.
3. Le développement de technologies innovantes, notamment les capteurs acoustiques pour réduire les captures accidentelles et les incubateurs locaux favorisant la création de startups spécialisées dans l’économie bleue.
4. L’optimisation de la transformation halieutique pour maximiser la valorisation des produits de la mer et réduire le gaspillage.
5. Développement dans les pays africains de la façade Atlantique des unités de production intégrées capables de transformer 100% des ressources halieutiques par la production de poisson en filets, congelé, en conserve, plats cuisinés ainsi que de produits industriels transformés, d’huiles destinées à la consommation humaine et de farines de poisson de haute valeur pour une valorisation intégrale de la ressource.
6. Adaptation de la population et des pratiques locales à la mutation de l’économie bleue.
Concernant l’impact de la décision de la CJUE, le Rapport recommande une double approche, à court et à long terme, afin de pérenniser le partenariat Maroc-UE. À court terme, la mise en place d’un Fonds spécial de transition (FST) financé par l’UE et des partenaires internationaux pourrait compenser la hausse des droits de douane et soutenir l’économie locale. À long terme, une stratégie de diversification des marchés et de consolidation du statut avancé du Maroc au sein de l’UE devrait permettre de maintenir la compétitivité des filiales marocaines.
Ainsi, le Rapport prône des mesures sociales et formatives pour accompagner les professionnels de l’industrie, via des campagnes de sensibilisation, des formations spécifiques et des dispositifs de protection sociale adaptés.
Un modèle à consolider pour un avenir durable
Le Rapport, commandité par l’Institut marocain d’intelligence stratégique et dirigé par Kabiné Komara, expert africain reconnu mondialement dans le développement économique et industriel et ancien Premier ministre de Guinée, souligne l’urgence d’une concertation ambitieuse pour anticiper les mutations du secteur et renforcer la résilience de l’industrie halieutique à Dakhla. L’économie bleue de la région doit non seulement continuer à inspirer, mais aussi démontrer que la croissance économique et la durabilité peuvent aller de pair.
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