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Droits de douane de Trump : La Chine pourrait réorienter une partie de ses investissements vers le Maroc (Laila El Andaloussi)

Dans un contexte international en pleine recomposition, marqué par un retour en force des politiques protectionnistes, l’émission «L’Info en Face», diffusée sur «Matin TV» le mercredi 9 avril, a proposé une lecture analytique de l’actualité économique mondiale. Invitée de Rachid Hallaouy, Laila El Andaloussi, experte-comptable et fiscaliste, est revenue en détail sur les implications du récent décret signé par le Président américain Donald Trump, instaurant de nouveaux droits de douane différenciés sur les importations provenant du monde entier, y compris du Maroc. Selon l’experte, la Chine pourrait réorienter une partie de ses investissements vers le Maroc. Toutefois, il convient de souligner que cette conjoncture expose également les PME marocaines à de nouveaux défis.

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Bien que l’annonce d’une pause de 90 jours dans l’application des tarifs douaniers réciproques ait été faite, les droits de douane ont bel et bien été décidés, imposant le débat. La Chine reste particulièrement visée, avec un tarif atteignant 125%, tandis que le Maroc se voit imposer un droit de douane de 10%. Un taux relativement faible à l’échelle internationale, mais qui n’en soulève pas moins des inquiétudes parmi les opérateurs marocains.

Une stratégie américaine radicale et clivante

La stratégie du Président Trump repose sur une vision unilatérale du commerce mondial. Selon ses conseillers, il s’agit de réduire le déficit commercial américain en restreignant les importations et en boostant les exportations. Une vision du commerce perçue comme un jeu à somme nulle, où chaque perte d’un pays serait le gain d’un autre. Dans cette logique, les taxes douanières sont imposées sans concertation avec les partenaires traditionnels, rompant ainsi avec les pratiques multilatérales encadrées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Plusieurs types de taxes sont introduits : une taxe minimale de 10% sur l’ensemble des partenaires commerciaux, une taxe réciproque pouvant atteindre 100% pour l’Europe et la Chine, et une taxe ciblée de 25% sur le secteur automobile. Cette dernière soulève toutefois des incertitudes, notamment sur son éventuelle cumulabilité avec d’autres taxes.

Des opinions partagées sur l’approche Trump

Ce nouveau cap économique divise les analystes. D’un côté, les partisans de Trump y voient une stratégie structurée et potentiellement bénéfique à long terme, saluant le retour du capital et de l’investissement sur le sol américain. De l’autre, de nombreuses voix, notamment en Europe, dénoncent une démarche impulsive, susceptible de déclencher une guerre commerciale globale. Les tensions avec la Chine et l’Europe font craindre une contraction du commerce international, avec en toile de fond un ralentissement de l’activité économique mondiale. Les marchés boursiers ont d’ailleurs vivement réagi à ces annonces. Une journée noire a été enregistrée après l’annonce des premières taxes, mettant en lumière la volatilité croissante des marchés et l’impact direct de la politique commerciale américaine sur la finance mondiale.

Un impact indirect, mais réel pour le Maroc

Pour le Maroc, ces évolutions mondiales ne sont pas sans conséquence. Même si les droits de douane appliqués par les États-Unis restent modérés, le Royaume pourrait en subir des effets indirects. Avec une politique douanière relativement ouverte – des droits de 10% – et des exonérations fiscales pour attirer les investissements, le Maroc est devenu un hub régional. En 2024, les investissements directs étrangers (IDE) ont progressé de 17% par rapport à 2023. Les zones industrielles de Tanger, Kénitra, Casablanca et Rabat bénéficient d’exonérations de TVA et de droits de douane sur les équipements importés. Ce modèle, combiné à une stabilité politique relative, a permis d’attirer des géants tels que Renault. Face aux tensions sino-américaines, la Chine pourrait rediriger certains de ses investissements vers le Maroc. Le projet «Gen Hightech», représentant plus de 14 millions d’euros, illustre cette reconfiguration des flux d’investissement.

Les PME marocaines, en première ligne

Mais cette conjoncture expose également les PME marocaines à de nouveaux défis. Ces dernières, qui représentent plus de 90% du tissu économique national, pourraient faire face à une concurrence étrangère accrue, notamment de la part des producteurs asiatiques. Laila El Andaloussi a cité l’exemple des jantes fabriquées au Maroc par une entreprise chinoise, taxées par l’Union européenne malgré les accords de libre-échange. Une situation qui soulève des interrogations sur les pratiques de dumping et les stratégies de contournement des règles commerciales. Ces pratiques appellent à la vigilance du Royaume, qui doit éviter de se retrouver pris entre des mesures de rétorsion commerciale de ses partenaires stratégiques. À cet effet, l’experte recommande un soutien renforcé aux PME, notamment à travers une charte d’investissement adaptée à leurs besoins, en complément des grandes réformes déjà engagées.

Des réformes structurelles encore en chantier

Le Maroc a amorcé une réforme fiscale majeure en 2021, ayant permis une amélioration des recettes et une réduction progressive des taux de l’impôt sur les sociétés (IS). Toutefois, Laila El Andaloussi souligne l’importance d’accélérer l’adoption d’une charte spécifique aux PME, afin de les accompagner face aux mutations économiques mondiales. Le maintien d’un climat d’investissement stable, appuyé par des infrastructures compétitives et une gouvernance prévisible, demeure essentiel pour consolider les acquis. Le Maroc doit également veiller à ce que ses petites entreprises sous-traitantes restent solides face aux chocs extérieurs.

Une posture d’observation active

Si la stratégie de Donald Trump introduit une dose importante d’incertitude, ses effets à long terme restent incertains. Le Maroc doit adopter une approche souple et proactive, surveiller de près les évolutions du commerce mondial, et ajuster en permanence ses politiques fiscales et douanières. Dans un environnement global marqué par la volatilité, la prudence et la capacité d’adaptation seront, plus que jamais, les garants de la résilience économique nationale.
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