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Électricité : une refonte en profondeur des tarifs à l’horizon 2027

À moins de deux ans d’une échéance clé, l’Autorité nationale de régulation de l’électricité s’attelle à l’un des chantiers les plus structurants de la régulation énergétique : la refonte globale du système tarifaire. Au-delà des ajustements techniques, cette réforme vise à restaurer la crédibilité économique des tarifs d’accès aux réseaux, à corriger les distorsions existantes et à créer un cadre lisible et prévisible, capable de soutenir les investissements massifs requis par la transition énergétique et l’essor des énergies renouvelables.

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C’est un chantier qui peut paraître discret dans sa forme, mais hautement stratégique dans ses implications. L’Autorité nationale de régulation de l'électricité (ANRE) s’apprête à engager les travaux préparatoires d’une réforme globale du système tarifaire de l’électricité, appelée à entrer en vigueur à partir du 1er mars 2027. Derrière cette opération, c’est l’architecture même de la régulation économique du secteur électrique marocain qui est appelée à évoluer, dans un contexte de transition énergétique accélérée et d’ouverture progressive du marché.

Une réforme tarifaire au cœur de la régulation du secteur électrique

Une assistance technique sera prochainement mobilisée afin d’accompagner l’ANRE de Zouhair Chorfi dans la refonte des approches méthodologiques de tarification et dans la révision des principaux tarifs d’accès aux réseaux électriques. Au cœur de cette réforme, figure un objectif central : assurer la viabilité à long terme du service public de l’électricité. L’ANRE entend, en effet, mettre en place des tarifs « clairs, lisibles et prévisibles » pour l’ensemble des utilisateurs des réseaux, tout en corrigeant les distorsions existantes et en renforçant la cohérence économique du système. La future grille tarifaire devra également jouer un rôle incitatif, en envoyant des signaux de prix reflétant les coûts réels et justes, condition indispensable à l’efficience économique du secteur. Dans un environnement marqué par des besoins massifs d’investissement dans les infrastructures électriques, l’enjeu est aussi de restaurer la crédibilité du cadre tarifaire afin d’attirer durablement les capitaux, publics comme privés.



La mission confiée au futur titulaire couvre l’ensemble des composantes structurantes de la tarification électrique. Elle porte notamment sur la révision du tarif d’utilisation du réseau électrique national de transport, de la rémunération des services système, des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution moyenne tension, de la contribution liée aux services de distribution, prévue par la loi n°82-21 ainsi que du tarif de l’excédent d’énergie électrique produite, dans le cadre des lois n°13-09 et n°82-21 relatives aux énergies renouvelables et à l’autoproduction. À travers ce périmètre élargi, l’ANRE ambitionne la construction de nouvelles structures tarifaires, fondées sur des méthodologies adaptées aux spécificités du secteur électrique marocain et à ses perspectives de développement à moyen et long termes.

Tarification, transition énergétique et nouveaux usages : un système à réinventer

Et, fait notable, la réforme intègre explicitement les nouveaux enjeux liés à la transition énergétique. L’ANRE entend dans ce sens identifier les leviers tarifaires permettant de valoriser la flexibilité des usages et les systèmes de stockage de l’énergie, encore insuffisamment pris en compte dans les dispositifs actuels. L’examen d’options tarifaires différenciées, assorties de mécanismes d’incitation adaptés au contexte marocain, vise à favoriser une participation plus active des utilisateurs des réseaux, tout en préservant la soutenabilité économique des infrastructures électriques. Une approche qui traduit la volonté du régulateur d’anticiper les mutations technologiques et comportementales du système électrique. Au-delà de son apparente technicité, ce chantier constitue l’un des fondements de la régulation électrique des prochaines décennies. En posant les bases d’un système tarifaire plus transparent, plus incitatif et mieux aligné sur les objectifs de transition énergétique, l’ANRE prépare un cadre appelé à accompagner l’ouverture du marché, l’essor des énergies renouvelables et l’émergence de nouveaux usages électriques. Une réforme silencieuse, mais décisive, dont les effets se feront sentir bien au-delà de 2027. La réforme tarifaire à engager par l’ANRE s’inscrit dans une trajectoire de long terme amorcée dès 2009, sous les Hautes Orientations Royales, plaçant la transition énergétique au rang de priorité stratégique pour le Royaume. Cette stratégie nationale, rappelons-le, vise à concilier durabilité environnementale, sécurité d’approvisionnement et compétitivité économique, dans un contexte marqué par la volatilité des marchés énergétiques et la nécessité de réduire l’empreinte carbone du pays. L’ambition affichée est claire : réduire la dépendance structurelle aux énergies fossiles et, partant, alléger la facture énergétique nationale, sécuriser l’approvisionnement à partir de ressources locales compétitives et accélérer l’intégration des énergies renouvelables dans le mix électrique. À ces objectifs s’ajoutent la rationalisation de l’usage de l’énergie, le développement de l’efficacité énergétique, le renforcement de l’intégration régionale des systèmes énergétiques et la lutte contre le changement climatique. Cette vision avait fait l’objet d’une consolidation en 2015, lors de la COP21, avec l’adoption d’une nouvelle feuille de route énergétique portant l’objectif de 52 % de capacité installée en énergies renouvelables à l’horizon 2030, contre 42 % initialement prévus à l’horizon 2020. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, le Maroc a déployé un programme intégré de production électrique de grande envergure, couvrant le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité. Pour soutenir cette dynamique, le Royaume a progressivement renforcé son arsenal juridique et réglementaire. La loi n°13-09 relative aux énergies renouvelables, amendée par la loi n°40-19, a ainsi ouvert la voie à la production privée d’électricité verte, à sa commercialisation et, sous conditions, à son exportation via un accès encadré aux réseaux électriques. En parallèle, la loi n°48-15 a posé les fondements de la régulation indépendante du secteur électrique, en créant l’ANRE et en lui confiant des prérogatives centrales, notamment dans la fixation des tarifs d’utilisation des réseaux. Cette évolution a été complétée par la loi n°82-21 relative à l’autoproduction, qui encadre, elle, l’injection des excédents d’électricité produite à partir de sources renouvelables et renforce le rôle du régulateur dans la définition des conditions tarifaires associées. Une étape décisive avait été franchie en février 2023, avec l’élargissement des compétences de l’ANRE, consacrant son rôle d’arbitre économique du système électrique et renforçant sa capacité à structurer un marché plus ouvert, transparent et non discriminatoire. Actuellement, le marché électrique marocain repose sur la coexistence de deux régimes distincts. Le premier, majoritaire, est un marché réglementé, qui représente près de 90 % de la fourniture d’électricité en 2024. Il est structuré autour d’un acheteur unique, l’Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE), qui conclut des contrats d’achat d’électricité à long terme (PPA) avec des producteurs privés indépendants, ainsi qu’avec Masen pour les grands projets renouvelables. Le second régime correspond, quant à lui, à un marché libre, réservé aux producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables, autorisés, sous conditions, à vendre directement leur production aux clients finaux, en bénéficiant d’un accès aux réseaux de transport et de distribution. Cette ouverture progressive du marché repose sur un cadre tarifaire précis, garantissant l’équité d’accès et la soutenabilité économique des infrastructures. L’ONEE demeure, à ce stade, le seul gestionnaire du réseau électrique national de transport et conserve la fonction d’opérateur système à l’échelle nationale, assurant l’équilibre et la sécurité du réseau. Dans le segment de la distribution, la réforme s’est traduite par la création des Sociétés Régionales Multiservices (SRM), instituées par la loi n°83-21. Ce nouveau modèle vise à rationaliser les investissements, réduire les disparités territoriales et améliorer la qualité des services publics d’électricité, d’eau potable et d’assainissement liquide. À ce jour, l’ensemble des SRM prévues ont été mises en place, marquant une étape clé dans la régionalisation avancée du secteur.

Un cadre juridique et institutionnel en évolution depuis plus d’une décennie

Le cadre réglementaire en vigueur confère explicitement à l’ANRE la compétence de fixation des tarifs d’utilisation du réseau électrique national de transport et des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution moyenne tension, en dérogation au régime général de liberté des prix. Ces tarifs sont arrêtés après avis des gestionnaires concernés, dans le respect des principes de transparence et de non-discrimination. L’ANRE dispose également de la prérogative de fixer le tarif de rachat de l’excédent d’électricité produite à partir de sources renouvelables, ainsi que les conditions de comptage, de facturation et de détermination de cet excédent. À cela s’ajoute la fixation de la contribution liée aux services système et aux services de distribution, due par les autoproducteurs raccordés au réseau. Dans l’exercice de ses missions, l’ANRE a déjà posé plusieurs jalons majeurs. Elle a notamment fixé, en février 2024, les tarifs d’utilisation du réseau de transport et la rémunération des services système pour une première période de régulation allant du 1er mars 2024 au 28 février 2027. En février 2025, elle a procédé à l’ajustement de ces tarifs et arrêté, pour la première fois, les tarifs d’utilisation des réseaux de distribution moyenne tension, applicables jusqu’en février 2027. D’autres décisions structurantes sont venues compléter ce dispositif. Il s’agit notamment de l’approbation de la séparation comptable des activités de l’ONEE, l’adoption du Code du réseau électrique national de transport (CRENT) et la publication de la capacité d’accueil du système électrique national pour les énergies renouvelables sur la période 2024-2028. C’est dans ce contexte institutionnel, réglementaire et stratégique que s’inscrit l’assistance technique à mobiliser par l’ANRE. L’objectif est désormais de consolider l’existant, d’harmoniser les approches tarifaires et de préparer un cadre robuste, capable d’accompagner l’essor des énergies renouvelables, l’intégration du stockage et de la flexibilité, et l’ouverture maîtrisée du marché électrique marocain à l’horizon 2027 et au-delà.
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