Plus de 70% du tissu entrepreneurial marocain est constitué d’entreprises familiales. Ces groupes, parfois centenaires, emploient des milliers de personnes, irriguent des territoires et représentent une part essentielle du PIB. «Les entreprises familiales sont les plus attachées à l’emploi et à la communauté locale», souligne Diana Zniber, à la tête de Diana Holding. Leur particularité : une vision de long terme. Là où les sociétés cotées doivent satisfaire des actionnaires pressés de recevoir des dividendes, les dynasties familiales privilégient l’investissement patient. À l’image du groupe Coficab, dirigé par Elyes Rekik, devenu en quarante ans un fournisseur mondial de câbles automobiles. «Chez nous, une nouvelle société peut fonctionner dix ou quinze ans sans distribuer de dividendes. Comme disait mon grand-père: les entreprises doivent être riches, pas les personnes», raconte-t-il. Cette stratégie de réinvestissement systématique a permis d’implanter des usines aussi bien au Mexique qu’en Chine et de gagner la confiance des constructeurs aussi exigeants que Volkswagen.
Pour Diana Zniber, le sujet reste un tabou, mais il faut l’aborder avec lucidité: «Nous savons tous que la succession est l’étape la plus délicate. Elle doit se préparer sur des années, avec diplomatie et empathie. Car pour le fondateur, céder le flambeau est souvent un traumatisme.» Amine Sekkat, représentant de la quatrième génération d’IMACAB, insiste de son côté sur la nécessité de maintenir l’élan entrepreneurial : «De la deuxième à la troisième génération, beaucoup vivent dans le confort et perdent la faim d’entreprendre. Il faut cultiver cette audace, cette frustration positive qui pousse à avancer.» In fine, pour Mohamed Senounni, à la tête de son groupe familial, la clé reste la transparence. «Même en tant que CEO, je dois constamment partager les résultats et préserver les droits de chacun. Le pacte d’actionnaires n’est jamais figé : il faut l’adapter en permanence pour maintenir l’équilibre entre les branches et éviter les conflits», affirme-t-il.
Et parmi les causes justement qui pourraient alimenter la mésentente, il y a «l’ego». D’ailleurs, ce mot est revenu à plusieurs reprises dans la discussion. «Même avec les meilleures intentions, l’ego peut vous trahir», reconnaît Amine Sekkat (IMACAB). Comment céder sa place quand on a dirigé trente ans ? Comment accepter que les «champions» de demain ne soient pas toujours des héritiers, mais parfois des managers venus de l’extérieur ? La réponse, selon M. Sekkat, passe par l’humilité : «La famille doit garder la vision stratégique, mais déléguer l’exécution à ceux qui savent faire.» Puis, à mesure que les générations s’empilent, la difficulté est aussi de maintenir l’intérêt des héritiers éloignés du cœur du métier. «L’un des plus grands risques est le désintérêt», prévient Diana Zniber. D’où la nécessité de multiplier les pactes actionnariaux, les déjeuners familiaux, les retraites entre cousins, pour «garder tout le monde à bord».
Hériter, mais aussi prouver
Mais si le modèle a de quoi séduire, il n’en reste pas moins fragile. La plupart des entreprises familiales dans le monde ne survivent pas au-delà de la troisième génération. La question de la transmission est donc omniprésente dans les débats. «Je suis le troisième fils d’une fratrie de quatre. Je dois toujours prouver que je mérite ma place», confie Amine Berrada Sounni, CEO d’Aiguebelle – Holding Omnipar. Un aveu rare dans un univers où l’on préfère généralement évoquer la vision que les les frustrations. D’autres dirigeants partagent ce même sentiment de pression. Elyes Rekik, du groupe tunisien Coficab, rappelle que dans les grandes familles, «la confiance se gagne par les résultats : chaque nouvelle responsabilité, je ne l’ai obtenue qu’après un grand succès, une transaction majeure. C’est la seule façon de convaincre la génération précédente de vous céder du terrain.»Pour Diana Zniber, le sujet reste un tabou, mais il faut l’aborder avec lucidité: «Nous savons tous que la succession est l’étape la plus délicate. Elle doit se préparer sur des années, avec diplomatie et empathie. Car pour le fondateur, céder le flambeau est souvent un traumatisme.» Amine Sekkat, représentant de la quatrième génération d’IMACAB, insiste de son côté sur la nécessité de maintenir l’élan entrepreneurial : «De la deuxième à la troisième génération, beaucoup vivent dans le confort et perdent la faim d’entreprendre. Il faut cultiver cette audace, cette frustration positive qui pousse à avancer.» In fine, pour Mohamed Senounni, à la tête de son groupe familial, la clé reste la transparence. «Même en tant que CEO, je dois constamment partager les résultats et préserver les droits de chacun. Le pacte d’actionnaires n’est jamais figé : il faut l’adapter en permanence pour maintenir l’équilibre entre les branches et éviter les conflits», affirme-t-il.
Et parmi les causes justement qui pourraient alimenter la mésentente, il y a «l’ego». D’ailleurs, ce mot est revenu à plusieurs reprises dans la discussion. «Même avec les meilleures intentions, l’ego peut vous trahir», reconnaît Amine Sekkat (IMACAB). Comment céder sa place quand on a dirigé trente ans ? Comment accepter que les «champions» de demain ne soient pas toujours des héritiers, mais parfois des managers venus de l’extérieur ? La réponse, selon M. Sekkat, passe par l’humilité : «La famille doit garder la vision stratégique, mais déléguer l’exécution à ceux qui savent faire.» Puis, à mesure que les générations s’empilent, la difficulté est aussi de maintenir l’intérêt des héritiers éloignés du cœur du métier. «L’un des plus grands risques est le désintérêt», prévient Diana Zniber. D’où la nécessité de multiplier les pactes actionnariaux, les déjeuners familiaux, les retraites entre cousins, pour «garder tout le monde à bord».
