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Fruits et légumes : la formule du Conseil de la concurrence pour des prix plus accessibles

Absence de cadre juridique, collusion «tacite» entre les détaillants, marchés parallèles informels, hégémonie des intermédiaires... Autant de dysfonctionnements relevés par le Conseil de la concurrence dans son avis publié récemment sur l’état de la concurrence dans les marchés de fruits et de légumes au Maroc. L’institution dirigée par Ahmed Rahou formule par ailleurs une série de recommandations pour pallier ces dysfonctionnements.

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Le Conseil de la concurrence vient de rendre public son avis sur l’état de la concurrence dans les marchés de fruits et de légumes au Maroc. L’avis qui établit une radioscopie de la situation des marchés de gros de fruits et de légumes (MGFL) ne manque pas d’identifier les grands dysfonctionnements concurrentiels de ce secteur. Le document pointe ainsi du doigt l’absence d’un cadre juridique spécifique régissant ces structures. En effet, seuls des aspects parcellaires relatifs à la création des marchés de gros et à leur gestion figurent dans des dispositions de loi disparates, dont certaines sont obsolètes. Il s’agit notamment de la loi relative à l’attribution des charges de mandataire datant du 7 février 1962. Ce texte régit l’exploitation des MGFL à travers des agréments octroyés gratuitement par l’État à des mandataires désignés par le ministre de l’Intérieur et qui comptent pour moitié des personnes ayant contribué au mouvement de résistance nationale. Ce régime de mandataires des MGFL est souvent considéré comme archaïque et limité dans sa pratique.

Les marchés informels, prix... le diagnostic du Conseil de la concurrence

L’autre dysfonctionnement relevé et non des moindres, c’est la croissance et la multiplication des marchés parallèles et informels, attestant ainsi dans les faits «un laxisme dans l’application des dispositifs de contrôle par les autorités compétentes». Une situation, note le rapport, qui a incité les grossistes de ces marchés à renforcer leurs capacités logistiques en mettant en place des installations frigorifiques et des entrepôts de stockage clandestins.

L’avis pointe du doigt par ailleurs la multiplicité des intermédiaires sur toute la chaîne de valeur, et qui jouent un rôle prépondérant dans le fonctionnement des marchés et dans la détermination des prix des fruits et légumes.



«En raison de la longueur du circuit de distribution et de commercialisation des produits des MGFL, les producteurs ont du mal à réaliser des profits suffisants de leurs cycles de production respectifs, tandis que les consommateurs ont du mal à accéder aux fruits et légumes, essentiels à leur alimentation de base, à des prix raisonnables. Les intermédiaires captent la majeure partie de la valeur ajoutée générée par le circuit. En effet, la marge brute des intermédiaires constituerait la composante dominante dans la formation des prix de vente, s’appropriant en moyenne près de 34% du prix final, contre une part de 30% pour les producteurs», souligne le rapport.

Un autre dysfonctionnement de taille soulevé par l’avis du Conseil de la concurrence concerne les pratiques de fixation des prix et des marges au sein du marché de détail. D’après les conclusions de l’enquête réalisée dans le cadre de cet avis, la fixation des prix et des marges n’est pas le fruit d’une saine concurrence, mais plutôt le résultat d’une collusion tacite entre les détaillants, qui s’alignent les uns sur les autres pour déterminer des marges pouvant aller du double au triple. D’après l’avis, ce phénomène d’alignement des prix est observable chez toutes les catégories de commerçants de détail, qu’il s’agisse des marchés de proximité (Aswak Namodajia), des marchés centraux urbains, des souks dans les zones urbaines, des marchés hebdomadaires dans les zones périurbaines et rurales, ou des magasins d’alimentation et des commerçants ambulants, ainsi que des grandes surfaces. Une situation qui soulève, selon le même avis, «des préoccupations importantes quant à la transparence et à l’équité dans le fonctionnement du marché de détail, ainsi qu’à l’impact sur les consommateurs qui peuvent se retrouver à payer des prix disproportionnés en l’absence d’une véritable concurrence».

Les recommandations du Conseil de la concurrence

Ainsi pour pallier ces dysfonctionnements, le Conseil de la concurrence a formulé une série de recommandations transverses. Il y a lieu de citer la révision du cadre juridique régissant l’ensemble des maillons de la chaîne. D’après le document, il est impératif de revoir le cadre juridique en vigueur et de l’actualiser. Cette démarche vise à assurer une régulation adéquate tout en favorisant le développement équilibré de ces marchés, tant sur le plan public que privé. Dans cette optique, il convient de définir clairement, par voie réglementaire, les conditions de réalisation et d’exploitation des infrastructures commerciales dédiées à la vente de fruits et légumes, que ce soit par le secteur public ou le privé, garantissant ainsi des normes uniformes et équitables pour tous les acteurs impliqués.

Le Conseil présidé par Ahmed Rahhou préconise par ailleurs de lutter contre les pertes et le gaspillage. «Au Maroc, les pertes en post-récolte des fruits et légumes se situeraient entre 20 et 40%. Cette tendance est particulièrement prononcée dans la culture de l’oignon, où environ 40 à 80% de la récolte est perdue en raison des conditions de stockage. De nombreux agriculteurs continuent de recourir à des pratiques traditionnelles telles que le stockage dans des fosses recouvertes de paille ou de plastique», souligne l’avis. Pour surmonter donc cette situation, le Conseil souligne l’importance d’œuvrer en faveur de la valorisation et du conditionnement des fruits et légumes et en favorisant les circuits courts de commercialisation. Il est également recommandé de renforcer la traçabilité des produits par le recours à des solutions intelligentes. En effet, dans le contexte marocain, l’adoption de solutions intelligentes pour les marchés de fruits et légumes représenterait une avancée significative, répondant au défi de réduire les pertes de qualité des produits tout en garantissant leur traçabilité et leur sécurité alimentaire.

Le Conseil propose en outre de renforcer les normes et standards de qualité. En effet, l’adoption de normes et de standards est essentielle pour garantir la qualité, la sécurité et la transparence dans la chaîne d’approvisionnement agricole. Les normes visent à améliorer le niveau de qualité des produits agricoles en établissant des critères précis tels que la maturité, la date de récolte et la date de commercialisation. En fixant des normes strictes en matière de qualité, les producteurs sont incités à respecter des standards élevés, ce qui bénéficie tant aux consommateurs qu’aux producteurs eux-mêmes. Le régulateur de la concurrence préconise par ailleurs de promouvoir la contractualisation des transactions entre les différents maillons de la chaîne et de mettre en place un système d’information intégré et un système de veille stratégique pour le suivi et l’analyse du marché des fruits et légumes.

S’agissant des recommandations relatives au stade de la production, l’instance de régulation propose d’encourager le regroupement des producteurs, d’impulser la transformation digitale dans le secteur agricole «Agritech», d’étoffer l’offre bancaire et assurantielle au profit des agriculteurs. Enfin pour ce qui est des recommandations relatives au stade de la distribution et de la commercialisation, le Conseil propose d’accélérer la réforme des marchés de gros, d’œuvrer en faveur de la transformation et de la valorisation des fruits et légumes, de réformer les espaces de commercialisation, de promouvoir les circuits courts et de favoriser la digitalisation des circuits de commercialisation.
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