Le Matin : Le Maroc dispose d’une base de l’industrie aéronautique depuis déjà 25 ans. Comment évaluez-vous aujourd’hui le niveau de performance et compétitivité de ce secteur ?
Hamid Benbrahim El Andaloussi : La base aéronautique marocaine a émergé avec l’Accession du Souverain au Trône de Ses glorieux ancêtres, il y a 25 ans. Et depuis, le Maroc a accueilli quelque 145 sociétés qui se sont installées dans le Royaume. Et désormais, la base aéronautique marocaine est incontournable. C’est la première en Afrique puisqu’on a déjà dépassé l’Afrique du Sud depuis quelques années. La plateforme aéronautique marocaine est incontournable par sa compétitivité, par la valeur ajoutée de la supply chain locale et par sa montée en compétence progressive au fil des années. Aujourd’hui, il n’y a pas d’autres alternatives à la porte de l’Europe que le Maroc. L’on peut dire qu’aujourd’hui, nous sommes en train de passer à une deuxième phase de développement de l’aéronautique, où l’on constate une accélération des implantations de nouveaux investisseurs. L’on constate également l’ouverture de l’industrie aéronautique marocaine sur de nouveaux marchés.
Hamid Benbrahim El Andaloussi : La base aéronautique marocaine a émergé avec l’Accession du Souverain au Trône de Ses glorieux ancêtres, il y a 25 ans. Et depuis, le Maroc a accueilli quelque 145 sociétés qui se sont installées dans le Royaume. Et désormais, la base aéronautique marocaine est incontournable. C’est la première en Afrique puisqu’on a déjà dépassé l’Afrique du Sud depuis quelques années. La plateforme aéronautique marocaine est incontournable par sa compétitivité, par la valeur ajoutée de la supply chain locale et par sa montée en compétence progressive au fil des années. Aujourd’hui, il n’y a pas d’autres alternatives à la porte de l’Europe que le Maroc. L’on peut dire qu’aujourd’hui, nous sommes en train de passer à une deuxième phase de développement de l’aéronautique, où l’on constate une accélération des implantations de nouveaux investisseurs. L’on constate également l’ouverture de l’industrie aéronautique marocaine sur de nouveaux marchés.
En effet, ne serait-ce que pour ce début d’année, nous avons trois nouveaux marchés qui s’ouvrent pour l’industrie aéronautique nationale. Il s’agit du marché espagnol, avec l’implantation en février dernier de la société Aciturri, du marché allemand avec Böllhoff qui s’est installé en mars dernier au MidParc et du marché suédois avec l’implantation de Trelleborg début mai. Parmi les mesures phares qui ont permis ce développement et qui font aujourd’hui que la base marocaine est incontournable, je dois citer deux qui correspondent d’ailleurs à des ruptures qui ont été faites. La première rupture est dans le domaine de la formation et qui s’est matérialisée par la création de l’Institut marocain des métiers de l’aéronautique (IMA) et qui permet de répondre aux besoins des industriels en termes de talents et compétences. La deuxième rupture a trait à l’aménagement du MidParc, développé par la CDG à travers sa filiale MedZ, qui constitue une base permettant d’implanter rapidement des industriels. Le business model de MidParc permet de répondre à différents besoins. Les entreprises de grande envergure ont donc la possibilité d’acquérir le foncier, auprès de MedZ en bénéficiant d’un accompagnement dans la construction par Midparc. Pour les petites entreprises, c’est MidParc qui achète le terrain, auprès MedZ, construit l’usine et la loue à l’industriel bénéficiaire selon un contrat de longue durée. Aujourd’hui, nous disposons sur le même espace géographique des réponses qu’il faut aux besoins des industriels étrangers. Nous sommes dans un secteur où les carnets de commandes de Boeing et Airbus sont pleins pour les 10 années à venir. Les sociétés spécialisées dans l’aéronautique ont de la technologie, de l’innovation et ont besoin d’une plateforme industrielle efficace et rapide, avec les talents qu’il faut pour gagner en compétitivité. Nous leur apportons des solutions pour doper leur compétitivité à l’international.
Après les trois dernières implantations que vous venez de citer, le motoriste américain Pratt & Whitney pose, ce lundi, à MidParc la première pierre une unité d’une Usine pour la production de composants pour les réacteurs d’avions civils et militaires. Quels sont les enjeux liés à cette nouvelle installation et quel serait son apport pour l’écosystème aéronautique marocain en termes de technologie et de valeur ajoutée industrielle ?
Effectivement, nous nous réjouissons de l’implantation de Pratt & Whitney à MidParc. Cet opérateur est l’un des principaux acteurs majeurs dans les moteurs d’avions civils et militaires qui dispose initialement d’une base en Pologne et qui a décidé de faire du Maroc sa prochaine base à la porte de l’Europe. Son installation revêt une importance majeure. D’abord, cela marque l’engagement du Maroc dans des technologies beaucoup plus complexes à savoir les moteurs d’avions qui se trouvent au cœur de la transformation technologique de la construction aéronautique. Car, le secteur du transport aérien a aujourd’hui comme obligation à l’horizon 2050 d’atteindre la neutralité carbone. À cet horizon, il transportera l’équivalent de la population mondiale, soit 8 milliards de passagers avec zéro émission de CO2. Évidemment, le cœur de cette transformation est le réacteur de l’avion qui d’ici là devra fonctionner avec du carburant bio avec comme objectif la mise au point d’un réacteur à hydrogène vert d’ici 2040. Donc, ceci montre la montée en compétence du Maroc dans ce secteur. Je vous rappelle qu’il y a 25 ans, l’on avait démarré avec des systèmes électriques. On était alors en bas de la pyramide des valeurs et nous sommes progressivement montés pour être aujourd’hui avec Safran dans le domaine des nacelles d’avions, le piston français et avec Pratt & Whitney, dans les composants des moteurs d’avions. Nous nous sommes donc propulsés dans le haut de la pyramide des valeurs de l’industrie aéronautique. Nous nous réjouissons également de l’implantation de Pratt & Whitney parce que cette installation coïncide avec l’extension du MidParc. Le projet d’unité industrielle de Pratt & Whitney représente un investissement de 70 millions de dollars avec une emprise de sol de 28.000 m2 et une usine de 17.000 m². Dans sa première phase, le projet permettra la création de 200 emplois, dans une première phase. Il s’agit en effet de cadres-ingénieurs et techniciens hautement qualifiés.
Comment ce projet s’inscrit-il dans les recommandations cristallisées dans la Lettre Royale sur l’industrie du 29 mars 2023 ?
Justement, la Lettre Royale sur l’industrie du 29 mars 2023 nous convie à entrer dans une nouvelle ère de l’industrie. Cette nouvelle ère est marquée par un niveau technologique plus élevé, avec une grande valeur ajoutée, des niveaux de qualification de nos ressources encore plus pointues et une production décarbonée. Je puis vous dire que nous sommes aujourd’hui entrés de plain-pied dans l’atteinte de ces objectifs avec l’implantation d’un motoriste de la taille et de la renommée de Pratt & Whitney, puisque ce projet est appelé à cocher toutes ces cases. S’agissant de la décarbonation, nous sommes en train de travailler activement là-dessus pour que d’ici la fin de l’année, toute la production qui sort de MidParc, déjà qualifiée HQE, soit une production décarbonée. Il s’agit, en effet, d’avoir accès à de l’énergie propre d’ici la fin de l’exercice en cours, et ce à travers notre fournisseur actuel de l’électricité, à savoir la société Lydec. De même, la taille la qualité et la diversité de l’écosystème aéronautique marocain, le lancement de la deuxième phase de MidParc propulse le Maroc comme probablement la 15e base aéronautique au niveau mondial. En Afrique, nous sommes, de loin, le numéro 1, depuis quelques années. Le premier marché de la construction aéronautique dans le monde c’est les États-Unis, le deuxième marché est l’Europe et le troisième est sans doute la Chine. Nous sommes dans un secteur mondial hautement concurrentiel avec une pression sur les coûts et sur les prix. Historiquement, pour pénétrer les États-Unis à des coûts plus bas, les sociétés installent une partie de leurs activités au Mexique qui constitue d’ailleurs la porte d’entrée du pays de l’Oncle Sam. Beaucoup de sociétés, en effet, ont installé leurs activités au Mexique afin d’adresser le marché américain avec des coûts beaucoup plus compétitifs. Pour l’Europe, historiquement, les opérateurs aéronautiques installaient une partie de leurs activités soit dans l’Europe de l’Est, soit en Irlande, mais progressivement l’Europe de l’Est et l’Irlande, ayant intégré la communauté européenne, leurs coûts ont progressivement augmenté. Dans cette configuration, le Maroc s’est positionné de plus en plus comme l’alternative à ces pays-là et est, de ce fait, devenu l’alternative incontournable. De même qu’aujourd’hui le Vietnam et la Malaisie constituent les pays où il faut s’implanter afin de pouvoir pénétrer le marché chinois à des coûts plus bas. Donc, on a de plus en plus pris la place en termes de compétitivité par rapport à l’Europe de l’Est et l’Irlande. Bombardier, par exemple, est installé historiquement en Irlande, mais il a créé une base, il y a 13 ans, au Maroc et qui, progressivement, pris le relais de l’Irlande. Quant à Pratt & Whitney, il dispose d’une base européenne de près de 7.000 personnes en Pologne, mais s’agrandira de plus en plus au Maroc pour son développement à l’international.
Le succès du Royaume dans ce secteur réside dans nos jeunes. Ce secteur est porté aujourd’hui par près de 22.000 jeunes, de grande valeur et disposant d’un potentiel d’une importance stratégique. Nos jeunes sont formés à l’IMA et sont remarquables avec un niveau de progression en compétences indéniable. C’est le secret de notre réussite dans ce secteur. Ce qui a permis à notre cher pays de gagner en compétitivité sur l’échiquier mondial de l’industrie aéronautique. Il faut aussi signaler la qualité remarquable du partenariat et de complémentarité entre les industriels du secteur et les autorités gouvernementales, notamment le département de l’Industrie, et locales qui contribuent à ce succès.
En plus du réservoir de compétences, quels sont les autres atouts qui font la réussite du Maroc sur l’industrie aéronautique ?
En fait, notre secteur se distingue par une valeur ajoutée locale de plus de 38%. Ce qui est énorme dans ce secteur, et ce grâce à l’apport de la Supply chain locale et à son développement. Je dois souligner que le secteur de l’aéronautique au Maroc se distingue aussi par son taux exceptionnel d’inclusion des femmes qui s’élève à 40%. Ce qui nous permet d’être bien au-delà de l’objectif fixé par le nouveau modèle de développement pour le Maroc à l’horizon 2030-2035. Encore une fois, si ce secteur progresse, c’est grâce à nos jeunes talents qui le portent.
Le secteur de l’industrie aéronautique au Maroc séduit, certes, parce qu’il est compétitif, mais comment sécuriser la viabilité de ce modèle compétitif dans le temps ?
La viabilité du positionnement du Maroc et sa compétitivité sur ce secteur est évidemment à sécuriser. C’est ce que nous sommes d’ailleurs en train de faire, en allant plus vite et en captant plus de sociétés aéronautiques. Il s’agit également de diversifier les marchés et augmenter la valeur ajoutée locale par la Supply Chain et en allant chercher les chaînons manquants. De même, pour sécuriser la viabilité de la compétitivité marocaine sur ce secteur, il est important de monter en compétence et en valeur ajoutée. C’est ce qui se fait aujourd’hui par l’industrialisation et l’ingénierie locales et par l’implication dans des métiers à très forte valeur ajoutée qui sont d’ailleurs au cœur de la transformation du secteur à l’instar des moteurs d’avions. Il est tout aussi important d’aller au-delà de la construction aéronautique en attirant d’autres activités comme l’industrie de la défense et les services divers notamment ceux liés à l’entretien, la modification et la transformation des avions, des moteurs et des systèmes embarqués. L’autre levier à actionner également consiste à inciter le capital marocain à investir dans l’industrie aéronautique. Ensemble, ces éléments sur lesquels nous sommes en train de travailler permettent déjà aujourd’hui d’avoir un secteur à très forte valeur ajoutée locale plus robuste et, par conséquent, plus pérenne. Nous le constatons d’ailleurs aujourd’hui. Des sociétés qui se sont installées au Maroc il y a 20 ans, ont doublé voir même triplé leurs emprises dans le Royaume. Pour ne citer que quelques-unes, Safran Nacelles au Maroc a triplé son emprise au Maroc en passant de 10.000 à 32.000 m², Spirit de 15.000 à 30.000 m², Hexcel Matis, Figeac Aéro et tant d’autres. Au niveau de Midparc même, nous avons déjà au moins 7 sociétés qui ont doublé leur taille en moins de 10 ans.
Comment entrevoyez-vous les perspectives de développement de l’industrie aéronautique au Maroc ?
Aujourd’hui, nous sommes dans une industrie où les carnets de commandes sont pleins à craquer sur 10 ans pour construire 46.000 avions en 20 ans pour un Chiffre d’affaires de 8.000 milliards entre activités de production et de services. Mais le problème est lié à la supply chain mondiale. En effet, l’industrie aéronautique mondiale est constituée de deux grands constructeurs (Boeing et Airbus), 4 motoristes (General Electric, Safran, Pratt & Whitney et Rolls-Royce) et de six fabricants d’avions régionaux comme ATR et Embraer. À cela, s’ajoute une trentaine de sous-traitants de premier ordre qui disposent derrière de quelque 30.000 sous-traitants. Aujourd’hui, les donneurs d’ordres principaux ont du mal à répondre à la demande parce que la supply chain n’arrive pas à suivre. Pourquoi ? Parce que la Covid est passée par là et a cassé la structure financière des sous-traitants et leur a fait perdre une partie de leurs techniciens. Valeur aujourd’hui, l’un des problèmes auxquels font face les pays du nord c’est le manque de talents et compétences. Ce qui constitue une chance pour le Maroc qui dispose de la capacité en termes de mobilisation des talents. De même, les sociétés installées au Maroc tournent à plein régime et répondent aux besoins des principaux donneurs d’ordres. Je pense que dans ce secteur de l’aéronautique au Maroc, le plus dur a été fait, à savoir exister d’abord, d’être reconnu et se positionner désormais sur la carte mondiale de cette industrie comme étant une base incontournable à la porte de l’Europe. En plus, nous avons effectué une montée en compétence remarquable qui fait que nous sommes de plus en plus en haut de la pyramide des valeurs de cette Industrie, et qui s’inscrit dans le processus de transformation du secteur de l’aéronautique notamment la réduction de l’empreinte carbone. Notre réussite en aéronautique nous permet, aujourd’hui, d’avoir l’ambition d’attirer d’autres industries notamment la défense. Le Maroc sera dans ce sens une base importante de l’industrie de la défense. Parce que cette industrie fait intervenir pratiquement les mêmes technologies que l’aéronautique civile et que la demande de ce secteur est considérable aujourd’hui compte tenu du contexte géostratégique mondial. Notre positionnement dans ce secteur nous permet aussi d’attirer d’autres industries moins complexes technologiquement comme les machines médicales. Et là, je dois vous dire qu’il y a une véritable autoroute pour notre pays surtout depuis que Sa Majesté e Roi a décidé du Programme de l’élargissement de la couverture sociale et du développement du secteur médical qui s’en suit. Nous avons donc la possibilité de faire du Maroc à la porte de l’Europe une base de l’industrie médicale. Il est du coup raisonnable d’avoir comme ambition de créer une base de co-localisation économiquement soutenable à la porte du vieux continent, dans ce Secteur en s’inspirant de ce qui a été réalisé dans l’Aéronautique. Aujourd’hui, le secteur aéronautique participe à la souveraineté industrielle de notre pays, ses réalisations, son niveau d’excellence et ses perspectives de développement cochent toutes les cases qui lui permettent de s’inscrire dans la Vision Royale à laquelle nous convie notre Souverain dans le cadre de sa Lettre à l’industrie afin d’entrer dans une nouvelle ère de l’industrie.
Après les trois dernières implantations que vous venez de citer, le motoriste américain Pratt & Whitney pose, ce lundi, à MidParc la première pierre une unité d’une Usine pour la production de composants pour les réacteurs d’avions civils et militaires. Quels sont les enjeux liés à cette nouvelle installation et quel serait son apport pour l’écosystème aéronautique marocain en termes de technologie et de valeur ajoutée industrielle ?
Effectivement, nous nous réjouissons de l’implantation de Pratt & Whitney à MidParc. Cet opérateur est l’un des principaux acteurs majeurs dans les moteurs d’avions civils et militaires qui dispose initialement d’une base en Pologne et qui a décidé de faire du Maroc sa prochaine base à la porte de l’Europe. Son installation revêt une importance majeure. D’abord, cela marque l’engagement du Maroc dans des technologies beaucoup plus complexes à savoir les moteurs d’avions qui se trouvent au cœur de la transformation technologique de la construction aéronautique. Car, le secteur du transport aérien a aujourd’hui comme obligation à l’horizon 2050 d’atteindre la neutralité carbone. À cet horizon, il transportera l’équivalent de la population mondiale, soit 8 milliards de passagers avec zéro émission de CO2. Évidemment, le cœur de cette transformation est le réacteur de l’avion qui d’ici là devra fonctionner avec du carburant bio avec comme objectif la mise au point d’un réacteur à hydrogène vert d’ici 2040. Donc, ceci montre la montée en compétence du Maroc dans ce secteur. Je vous rappelle qu’il y a 25 ans, l’on avait démarré avec des systèmes électriques. On était alors en bas de la pyramide des valeurs et nous sommes progressivement montés pour être aujourd’hui avec Safran dans le domaine des nacelles d’avions, le piston français et avec Pratt & Whitney, dans les composants des moteurs d’avions. Nous nous sommes donc propulsés dans le haut de la pyramide des valeurs de l’industrie aéronautique. Nous nous réjouissons également de l’implantation de Pratt & Whitney parce que cette installation coïncide avec l’extension du MidParc. Le projet d’unité industrielle de Pratt & Whitney représente un investissement de 70 millions de dollars avec une emprise de sol de 28.000 m2 et une usine de 17.000 m². Dans sa première phase, le projet permettra la création de 200 emplois, dans une première phase. Il s’agit en effet de cadres-ingénieurs et techniciens hautement qualifiés.
Comment ce projet s’inscrit-il dans les recommandations cristallisées dans la Lettre Royale sur l’industrie du 29 mars 2023 ?
Justement, la Lettre Royale sur l’industrie du 29 mars 2023 nous convie à entrer dans une nouvelle ère de l’industrie. Cette nouvelle ère est marquée par un niveau technologique plus élevé, avec une grande valeur ajoutée, des niveaux de qualification de nos ressources encore plus pointues et une production décarbonée. Je puis vous dire que nous sommes aujourd’hui entrés de plain-pied dans l’atteinte de ces objectifs avec l’implantation d’un motoriste de la taille et de la renommée de Pratt & Whitney, puisque ce projet est appelé à cocher toutes ces cases. S’agissant de la décarbonation, nous sommes en train de travailler activement là-dessus pour que d’ici la fin de l’année, toute la production qui sort de MidParc, déjà qualifiée HQE, soit une production décarbonée. Il s’agit, en effet, d’avoir accès à de l’énergie propre d’ici la fin de l’exercice en cours, et ce à travers notre fournisseur actuel de l’électricité, à savoir la société Lydec. De même, la taille la qualité et la diversité de l’écosystème aéronautique marocain, le lancement de la deuxième phase de MidParc propulse le Maroc comme probablement la 15e base aéronautique au niveau mondial. En Afrique, nous sommes, de loin, le numéro 1, depuis quelques années. Le premier marché de la construction aéronautique dans le monde c’est les États-Unis, le deuxième marché est l’Europe et le troisième est sans doute la Chine. Nous sommes dans un secteur mondial hautement concurrentiel avec une pression sur les coûts et sur les prix. Historiquement, pour pénétrer les États-Unis à des coûts plus bas, les sociétés installent une partie de leurs activités au Mexique qui constitue d’ailleurs la porte d’entrée du pays de l’Oncle Sam. Beaucoup de sociétés, en effet, ont installé leurs activités au Mexique afin d’adresser le marché américain avec des coûts beaucoup plus compétitifs. Pour l’Europe, historiquement, les opérateurs aéronautiques installaient une partie de leurs activités soit dans l’Europe de l’Est, soit en Irlande, mais progressivement l’Europe de l’Est et l’Irlande, ayant intégré la communauté européenne, leurs coûts ont progressivement augmenté. Dans cette configuration, le Maroc s’est positionné de plus en plus comme l’alternative à ces pays-là et est, de ce fait, devenu l’alternative incontournable. De même qu’aujourd’hui le Vietnam et la Malaisie constituent les pays où il faut s’implanter afin de pouvoir pénétrer le marché chinois à des coûts plus bas. Donc, on a de plus en plus pris la place en termes de compétitivité par rapport à l’Europe de l’Est et l’Irlande. Bombardier, par exemple, est installé historiquement en Irlande, mais il a créé une base, il y a 13 ans, au Maroc et qui, progressivement, pris le relais de l’Irlande. Quant à Pratt & Whitney, il dispose d’une base européenne de près de 7.000 personnes en Pologne, mais s’agrandira de plus en plus au Maroc pour son développement à l’international.
Le succès du Royaume dans ce secteur réside dans nos jeunes. Ce secteur est porté aujourd’hui par près de 22.000 jeunes, de grande valeur et disposant d’un potentiel d’une importance stratégique. Nos jeunes sont formés à l’IMA et sont remarquables avec un niveau de progression en compétences indéniable. C’est le secret de notre réussite dans ce secteur. Ce qui a permis à notre cher pays de gagner en compétitivité sur l’échiquier mondial de l’industrie aéronautique. Il faut aussi signaler la qualité remarquable du partenariat et de complémentarité entre les industriels du secteur et les autorités gouvernementales, notamment le département de l’Industrie, et locales qui contribuent à ce succès.
En plus du réservoir de compétences, quels sont les autres atouts qui font la réussite du Maroc sur l’industrie aéronautique ?
En fait, notre secteur se distingue par une valeur ajoutée locale de plus de 38%. Ce qui est énorme dans ce secteur, et ce grâce à l’apport de la Supply chain locale et à son développement. Je dois souligner que le secteur de l’aéronautique au Maroc se distingue aussi par son taux exceptionnel d’inclusion des femmes qui s’élève à 40%. Ce qui nous permet d’être bien au-delà de l’objectif fixé par le nouveau modèle de développement pour le Maroc à l’horizon 2030-2035. Encore une fois, si ce secteur progresse, c’est grâce à nos jeunes talents qui le portent.
Le secteur de l’industrie aéronautique au Maroc séduit, certes, parce qu’il est compétitif, mais comment sécuriser la viabilité de ce modèle compétitif dans le temps ?
La viabilité du positionnement du Maroc et sa compétitivité sur ce secteur est évidemment à sécuriser. C’est ce que nous sommes d’ailleurs en train de faire, en allant plus vite et en captant plus de sociétés aéronautiques. Il s’agit également de diversifier les marchés et augmenter la valeur ajoutée locale par la Supply Chain et en allant chercher les chaînons manquants. De même, pour sécuriser la viabilité de la compétitivité marocaine sur ce secteur, il est important de monter en compétence et en valeur ajoutée. C’est ce qui se fait aujourd’hui par l’industrialisation et l’ingénierie locales et par l’implication dans des métiers à très forte valeur ajoutée qui sont d’ailleurs au cœur de la transformation du secteur à l’instar des moteurs d’avions. Il est tout aussi important d’aller au-delà de la construction aéronautique en attirant d’autres activités comme l’industrie de la défense et les services divers notamment ceux liés à l’entretien, la modification et la transformation des avions, des moteurs et des systèmes embarqués. L’autre levier à actionner également consiste à inciter le capital marocain à investir dans l’industrie aéronautique. Ensemble, ces éléments sur lesquels nous sommes en train de travailler permettent déjà aujourd’hui d’avoir un secteur à très forte valeur ajoutée locale plus robuste et, par conséquent, plus pérenne. Nous le constatons d’ailleurs aujourd’hui. Des sociétés qui se sont installées au Maroc il y a 20 ans, ont doublé voir même triplé leurs emprises dans le Royaume. Pour ne citer que quelques-unes, Safran Nacelles au Maroc a triplé son emprise au Maroc en passant de 10.000 à 32.000 m², Spirit de 15.000 à 30.000 m², Hexcel Matis, Figeac Aéro et tant d’autres. Au niveau de Midparc même, nous avons déjà au moins 7 sociétés qui ont doublé leur taille en moins de 10 ans.
Comment entrevoyez-vous les perspectives de développement de l’industrie aéronautique au Maroc ?
Aujourd’hui, nous sommes dans une industrie où les carnets de commandes sont pleins à craquer sur 10 ans pour construire 46.000 avions en 20 ans pour un Chiffre d’affaires de 8.000 milliards entre activités de production et de services. Mais le problème est lié à la supply chain mondiale. En effet, l’industrie aéronautique mondiale est constituée de deux grands constructeurs (Boeing et Airbus), 4 motoristes (General Electric, Safran, Pratt & Whitney et Rolls-Royce) et de six fabricants d’avions régionaux comme ATR et Embraer. À cela, s’ajoute une trentaine de sous-traitants de premier ordre qui disposent derrière de quelque 30.000 sous-traitants. Aujourd’hui, les donneurs d’ordres principaux ont du mal à répondre à la demande parce que la supply chain n’arrive pas à suivre. Pourquoi ? Parce que la Covid est passée par là et a cassé la structure financière des sous-traitants et leur a fait perdre une partie de leurs techniciens. Valeur aujourd’hui, l’un des problèmes auxquels font face les pays du nord c’est le manque de talents et compétences. Ce qui constitue une chance pour le Maroc qui dispose de la capacité en termes de mobilisation des talents. De même, les sociétés installées au Maroc tournent à plein régime et répondent aux besoins des principaux donneurs d’ordres. Je pense que dans ce secteur de l’aéronautique au Maroc, le plus dur a été fait, à savoir exister d’abord, d’être reconnu et se positionner désormais sur la carte mondiale de cette industrie comme étant une base incontournable à la porte de l’Europe. En plus, nous avons effectué une montée en compétence remarquable qui fait que nous sommes de plus en plus en haut de la pyramide des valeurs de cette Industrie, et qui s’inscrit dans le processus de transformation du secteur de l’aéronautique notamment la réduction de l’empreinte carbone. Notre réussite en aéronautique nous permet, aujourd’hui, d’avoir l’ambition d’attirer d’autres industries notamment la défense. Le Maroc sera dans ce sens une base importante de l’industrie de la défense. Parce que cette industrie fait intervenir pratiquement les mêmes technologies que l’aéronautique civile et que la demande de ce secteur est considérable aujourd’hui compte tenu du contexte géostratégique mondial. Notre positionnement dans ce secteur nous permet aussi d’attirer d’autres industries moins complexes technologiquement comme les machines médicales. Et là, je dois vous dire qu’il y a une véritable autoroute pour notre pays surtout depuis que Sa Majesté e Roi a décidé du Programme de l’élargissement de la couverture sociale et du développement du secteur médical qui s’en suit. Nous avons donc la possibilité de faire du Maroc à la porte de l’Europe une base de l’industrie médicale. Il est du coup raisonnable d’avoir comme ambition de créer une base de co-localisation économiquement soutenable à la porte du vieux continent, dans ce Secteur en s’inspirant de ce qui a été réalisé dans l’Aéronautique. Aujourd’hui, le secteur aéronautique participe à la souveraineté industrielle de notre pays, ses réalisations, son niveau d’excellence et ses perspectives de développement cochent toutes les cases qui lui permettent de s’inscrire dans la Vision Royale à laquelle nous convie notre Souverain dans le cadre de sa Lettre à l’industrie afin d’entrer dans une nouvelle ère de l’industrie.