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Irrigation localisée : 40 milliards de DH mobilisés pour équiper 350.000 ha supplémentaires (Mohammed Sadiki)

Pour relever le défi de la gestion rationnelle des ressources hydriques et faire face au stress hydrique, l’État va mobiliser 40 milliards de DH afin d’équiper 350.000 ha supplémentaires en techniques d’irrigation localisée. Ce qui devra porter à 1 million la superficie sous irrigation localisée, soit 60% de la superficie irriguée. Cet investissement conséquent permettra également d’étendre les réseaux d’irrigation à 72.500 ha de nouvelles terres, principalement par les techniques d’irrigation efficientes qui valorisent l’eau. Autre chantier stratégique : un projet de cadre partenarial avec le secteur bancaire pour faciliter l’octroi de crédits garantis aux agriculteurs et aux investisseurs. Les détails dans cet entretien avec le ministre de l’Agriculture dont la première partie a été publiée dans notre édition de lundi.

Ph. Saouri
Ph. Saouri
Le Matin : La stratégie Génération Green a été bâtie autour de quatre fondements majeurs à savoir la contribution à l’émergence d’une nouvelle génération de classe moyenne agricole, la création d’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs, la mise en place d’organisations agricoles innovantes de nouvelle génération et la mise en route d’une nouvelle génération de mécanismes d'accompagnement. L’atteinte de ces objectifs devra mobiliser des investissements conséquents par le public et le privé. A combien estimez-vous ces investissements et comment votre département entend les financer, sachant que le contexte actuel est marqué par une pression sans précédent sur le budget de l’Etat ?

Mohammed Sadiki : Je dois préciser d’abord que la stratégie Génération Green s’articule autour de deux fondements : le premier porte sur l’élément humain et le second est relatif à la pérennité du développement du secteur agricole. Le premier fondement s’articule autour de quatre objectifs : l’émergence d’une nouvelle génération de classe moyenne agricole en permettant à 400.000 ménages d’y accéder et d’y stabiliser 690.000, l’essor d’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs (180.000 jeunes exploitants et 170.000 emplois dans les services agricoles, para-agricole et de transformation), la mise en place d’une nouvelle génération d’organisations agricoles plus innovantes et le lancement d’une nouvelle génération de mécanismes d’accompagnement des agriculteurs.



Dans le 2e fondement, il s’agit de capitaliser sur les acquis du Plan Maroc Vert (PMV) en matière de développement des filières de production, tout en faisant un saut qualitatif et technologique, à travers des actions spécifiques sur les filières agricoles, les chaines de distribution, la qualité et l'innovation, ainsi qu'en matière de préservation des ressources naturelles et de renforcement de la résilience du secteur. La concrétisation des projets et chantiers prévus par cette feuille de route pour atteindre ses différents objectifs notamment en matière d’amélioration des conditions et cadre du secteur agricole et des conditions de vie des agriculteurs nécessitent de grands efforts de mobilisation des investissements publics et privés. Ainsi, la stratégie prévoit une multiplication par 2,5 du budget d’investissement public entre 2020 et 2030 pour la réalisation de ses différents chantiers. Dans ce cadre, il est à rappeler que durant la dernière décennie de mise en œuvre du PMV, et suite aux différentes réformes institutionnelles et règlementaires, à l’amélioration du climat des affaires et du doing-business, l’investissement dans le secteur agricole a connu un progrès notable. En effet, les investissements de l’Etat ainsi que le cadre incitatif mis en place ont encouragé les investisseurs à réaliser leurs projets de développement agricole et les agriculteurs à moderniser et à équiper leurs exploitations. La nouvelle stratégie agricole œuvre davantage à promouvoir l’investissement dans le secteur agricole tout en veillant à créer plus d’équilibre entre l’investissement drainé par le budget général de l’Etat et celui du privé. A cet effet, en plus des financements de l’Etat destinés principalement au développement des conditions-cadre du secteur, de l’agriculture solidaire et des chantiers transverses, le département de l’Agriculture entend promouvoir la contractualisation avec les interprofessions du secteur à travers les contrats-programmes de développement des filières de production qui fixent les mesures à entreprendre et la contribution financière de chacune des parties. Comme je l’ai rappelé au début de nos discussions, 19 contrats-programmes portants sur les filières ont été signés entre l’Etat et les interprofessions en marge du SIAM 2023. Il s’agit également de promouvoir le partenariat public-privé pour la réalisation de projets structurants en irrigation et le développement des filières par l’octroi d’offres avantageuses aux investisseurs en termes de facilitation de la mobilisation du foncier agricole et de mise en place d’un cadre incitatif approprié. Sans oublier la mise place de mesures incitatives dans le cadre du FDA (Ndlr, Fonds de Développement Agricole). En effet, les efforts d’incitation de l’Etat seront réorientés plus vers l’aval des filières agricoles et pour la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes. Dans ce sens, notre département a instauré des aides financières de l’Etat aux membres des collectivités ethniques et aux jeunes pour la réalisation de projets de valorisation des terres collectives agricoles dans le cadre de la melkisation, de la location ou de la modernisation des exploitations agricoles. Le décret définissant ces aides pour les terres collectives a été adopté, reste l’arrêté de son application qui emprunte actuellement les circuits d’adoption.

Autre chantier important à souligner, c’est le développement d’un cadre partenarial avec les banques pour la facilitation de l’octroi de crédits garantis aux agriculteurs et aux investisseurs. De même, nous prévoyons la conclusion de conventions avec les autres départements ministériels pour la réalisation de projets structurants tels que les marchés de gros. Dans ce cadre, les ministères de l'Agriculture, des Finances, de l'Intérieur et du Commerce ont signé une convention cadre, en 2020, qui définit les engagements des différentes parties prenantes afin de créer ou moderniser des marchés de gros de nouvelles génération. En outre, le département de l’Agriculture continue de bénéficier de la confiance des bailleurs de fonds pour drainer plus de financements pour le développement du secteur agricole. La mobilisation de fonds dans le cadre de la finance climatique est parmi les moyens envisagés également par notre département pour le financement de ses projets en lien avec le développement durable. Par ailleurs, l’adoption de la nouvelle réforme d’appui à l’investissement concrétisée par l’entrée en vigueur de la nouvelle Charte de l’Investissement qui offre des incitations avantageuses au privé, ne peut que donner un élan à l’investissement et améliorer l’environnement des affaires au Maroc.

L’agriculture marocaine doit relever le défi de la gestion rationnelle des ressources hydriques, surtout que le Royaume est bel et bien entré dans un épisode de stress hydrique. Pourra-t-on s’attendre à un reparamétrage de la stratégie Génération Green afin de répondre à cette problématique de raréfaction de l’or bleu ? Si oui, en quoi consistera vos véritables challenges sur cet aspect ? Les réajustements à mener auront-ils un impact sur l’offre agricole exportable dont une grande partie est basée sur des cultures hydrovores ?

En fait, la stratégie agricole Génération Green a mis au centre de ces préoccupations l’amélioration de l’efficacité hydrique pour justement relever le défi de la gestion rationnelle des ressources hydriques et faire face stress hydrique. L’effort d’investissement prévu est de 40 milliards de DH pour équiper 350.000 ha supplémentaires en techniques d’irrigation localisée permettant d’atteindre 1 million d’hectares sous irrigation localisée, soit 60% de la superficie irriguée. Cet investissement conséquent permettra également d’étendre les réseaux d’irrigation à 72.500 ha de nouvelles terres principalement par les techniques d’irrigation efficientes qui valorisent l’eau. Il s’agit aussi de promouvoir l’irrigation par dessalement de l’eau de mer dans le cadre du partenariat public-privé afin de réduire la pression sur les ressources en eau conventionnelles. C’est dans le cadre de cette orientation stratégique que le programme d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, impulsé sous la vision éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu L’assiste, s’est inscrit dans le développement et la diversification des ressources en eau notamment par le recours au dessalement de l’eau de mer, l’interconnexion des bassins hydrauliques et la réutilisation des ressources en eau épurées. Le contexte de changement climatique accentue le stress hydrique et la compétition sur l’eau notamment entre les grands pôles urbains et les périmètres irrigués. L’expérience de ces dernières années a mis en exergue la fragilité et le manque de résilience de nos systèmes d’approvisionnement en eau par les eaux conventionnelles notamment par les barrages puisqu’ils menacent la pérennité de l’agriculture irriguée dans plusieurs bassins agricoles irrigués stratégiques tels que les Doukkala, le Tadla, le Haouz et la Moulouya. Or, ces bassins agricoles sont essentiels pour l’approvisionnement du marché national en produits agricoles de base (fruits, légumes, sucre, semences...) et le maintien des prix à des niveaux soutenables. Les véritables challenges pour notre pays consistent à maintenir un équilibre hydrique entre les villes et les bassins de production agricoles à travers une allocation des ressources en eau plus équilibrée, notamment en période de pénurie exceptionnelle et ce, à travers la diversification des sources d’approvisionnement en eau, d’une part, et l’usage rationnel et économe de l’eau, d’autre part. Cet équilibre est essentiel pour maintenir la population rurale sur place et contribuer à la sécurité alimentaire du pays notamment en situation de pénurie exceptionnelle comme celle vécue ces dernières années. Je dois assurer qu’en plus des projets de dessalement de l’eau de mer emblématiques comme celui de Chtouka qui permet de sauvegarder le bassin de production des primeurs sur 15.000 ha et le projet de dessalement de Dakhla, actuellement en chantier, qui portera sur l’irrigation de 5.000 ha, avec le recours à l’énergie renouvelable, il est prévu de développer l’irrigation par les eaux non conventionnelles à travers 9 projets supplémentaires en cours d’étude pour diversifier et sécuriser les zones de production sur une superficie de l’ordre de 100.000 ha dans les zones de Tan Tan, Sidi Rahal, Oriental, Oualidia, Chichaoua, Tiznit, Guelmim, Boujdour et Marrakech (la zone de Marrakech par la réutilisation des eaux usées traitées à des fins d’irrigation). En plus de préparer notre pays pour affronter des situations de stress hydrique et de pénurie extrêmes, ces projets auront un impact positif sur l’offre agricole exportable dont une grande partie est basée sur des cultures à haute valeur ajoutée.

Justement, quelle est la stratégie du ministère pour promouvoir et consolider une agriculture durable mais en même temps compétitive à l’export ?

La stratégie adoptée à travers le PMV et la nouvelle feuille de route (GG) visent, toutes les deux, le développement de toutes les filières agricoles en tenant compte des potentialités de chaque région tout en rationalisant l'utilisation des ressources naturelles, notamment hydriques. Cette stratégie s'est focalisée sur l'orientation et l'encadrement des agriculteurs pour choisir les bonnes pratiques agricoles adaptées aux conditions climatiques et environnementales de chacune des régions de production. Je vous signale que le ministère n’accorde plus de subventions pour l’équipement en système d’irrigation goutte à goutte pour les cultures consommatrices de l’eau comme l'avocatier et la pastèque. Toutefois, cette mesure n'est pas dissuasive et les agriculteurs qui investissent dans cette culture disposent d’assez de fonds pour se passer de cette subvention. Face à la problématique de la raréfaction des disponibilités en eau, la gestion de cette ressource est essentielle pour assurer l’adaptabilité du secteur agricole national aux changements climatiques. En effet, les services concernés du ministère organisent régulièrement des actions de sensibilisation et de formation au profit des agriculteurs notamment les producteurs des fruits et légumes, sur l'importance cruciale de la question de l'économie de l'eau d’irrigation. De plus, nous avons mis au point de nouveaux mécanismes visant le renforcement de la résilience du secteur agricole marocain face aux changements climatiques, à travers le remplacement des cultures vulnérables au manque d’eau par des espèces végétales capables de résister aux changements climatiques comme l'olivier, le palmier dattier, l'arganier, le cactus, l'amandier, le figuier et le caroubier. Nous mettons également le cap sur le développement et l’utilisation de variétés végétales génétiquement améliorées pour faire face à la sécheresse et à la rareté des ressources en eau, notamment pour les céréales et les légumineuses. Sans oublier, l’encadrement des organisations professionnelles agricoles et le soutien aux investissements, notamment en ce qui concerne l’équipement en technologies économes en eau, en plus de la promotion de l’agriculture de conservation comme le semis direct. Par ailleurs, dans le cadre de la stratégie GG et du Programme National pour l'Approvisionnement en Eau Potable et l'Irrigation (PNAEPI) 2020-2027, nous poursuivons les efforts pour rationaliser et valoriser l'usage des ressources en eau, améliorer le service de l'eau et assurer la pérennisation des infrastructures d'irrigation, à travers la modernisation et la réhabilitation des réseaux d'irrigation, l'appui au partenariat public-privé, l'encadrement des organisations professionnelles agricoles et le soutien à l'investissement, notamment en ce qui concerne l’équipement des exploitations en technologies économes en eau.

Qu’en est-il du chantier de l’efficacité énergétique dans le secteur, sachant que les techniques de pompage pour l’irrigation sont alimentées en grande partie par le gaz butane et autres carburants de source fossile ?

L’optimisation de l’utilisation de l’énergie est une préoccupation centrale dans les projets d’irrigation aussi bien à l’échelle des périmètres irrigués qu’à l’échelle des exploitations agricoles. En effet, notre modèle de modernisation des systèmes d’irrigation est conçu de manière systémique afin de réduire les pertes d’eau depuis l’origine de l’eau jusqu’à la parcelle, d’une part, et d’optimiser l’utilisation de l’énergie, d’autre part. Cette conception prend notamment en considération l’aménagement des prises d’eau directes sur les barrages pour utiliser l’énergie gravitaire, la généralisation des conduites d’eau sous pression et les technologies les plus efficientes de pompages. Par ailleurs, le programme de développement des projets d’irrigation par dessalement de l’eau de mer, qui porte sur près de 100.000 ha, est prévu avec le recours systématique aux énergies renouvelables. De même, à l’échelle des exploitations agricoles, des incitations financières sont accordées aux agriculteurs pour l’adoption des techniques d’irrigation les plus efficientes en eau et en énergie.

La stratégie GG porte sur la mobilisation et la valorisation de 1 million d'hectares de terres collectives et la formation de 150.000 jeunes aux services agricoles et para-agricoles. Quel est l’état d’avancement du programme de melkisation de ces terres ? A combien s’élève la superficie ayant fait jusqu’ici l’objet de ce programme ?

Effectivement, la feuille de route agricole ambitionne la promotion de l’investissement et le développement des filières de production autour du foncier collectif. A ce titre, l’axe relatif à la mobilisation, la melkisation et la valorisation d’un million d’hectares des terres collectives au profit des membres des collectivités, des jeunes et des investisseurs s’inscrivant dans le 1er fondement relatif à l’élément humain constitue une occasion idoine aux catégories concernées pour mettre en œuvre des projets d’investissement agricole rentables et pérennes. Dans ce sens, nous avons préparé une offre de valorisation des terres collectives axée sur le développement de 5 offres de valeur. La première porte sur la melkisation en faveur des membres des collectivités ethniques hors catégorie des jeunes. Elle concerne 250.000 ha, soit 42% de l’assiette foncière, dont 150.000 ha dans le cadre de l’opération de melkisation à titre groupé et 100.000 ha pour la melkisation à titre individuel. La deuxième a trait à la melkisation au profit des jeunes membres des collectivités qui concerne 115.000 ha, soit 19% de l’assiette foncière. La troisième, quant à elle, concerne la location longue durée pour les jeunes porteurs de projets d’investissement agricole et qui porte sur 110.000 ha, soit 18% de l’assiette foncière. La quatrième porte sur la modernisation des exploitations pour les membres des collectivités ethniques et qui concerne 75.000 ha, soit 13% de l’assiette foncière. Enfin, la cinquième offre porte sur la location longue durée pour les porteurs de projets d’investissement agricole hors catégorie des jeunes. Elle cible 50.000 ha, soit 8% de l’assiette foncière.

En termes de gouvernance du programme, la Circulaire Conjointe n°1062, entre le ministère de l’Intérieur et le ministère de l'Agriculture, signée en février 2021, est venue mobiliser l’ensemble des intervenants au niveau territorial et central autour de ce programme et de créer les synergies et les convergences requises pour la concrétisation des objectifs fixés. De plus, la Circulaire n°15/ADA du ministère de l’Agriculture, signée en mars 2021, porte sur l’opérationnalisation, au niveau régional et provincial, de la Circulaire conjointe que je viens de citer. Cette Circulaire précise notamment les principes et les orientations, le cadre de gouvernance et les points de vigilance. Par ailleurs, en matière de mesures incitatives, nous avons procédé à l’élaboration des projets de décret et d’Arrêté conjoints relatifs aux aides financières de l’Etat accordées aux membres des collectivités et aux jeunes pour la réalisation des projets de valorisation des terres collectives agricoles dans le cadre de ce programme. Le décret définissant les différentes incitations financières de l’Etat et les personnes physiques ou morales pouvant en bénéficier a été publié au Bulletin Officiel le 22 juin 2023 et le projet d’Arrêté Conjoint précisant notamment les personnes éligibles par types d'aides et fixe également les montants, les taux, les plafonds ainsi que les modalités d’octroi de ces aides, est en cours d’approbation au niveau du Secrétariat général du gouvernement. Je dois vous souligner que ces aides sont de trois types : l’aide à l’investissement, l’aide additionnelle et l’aide à la location. Cette dernière a été mise en place pour la première fois par le département de l’Agriculture. De même, une action importante a été initiée et porte sur le lancement d’un système d’information de suivi-évaluation de ce programme. Il s’agit d’une solution informatique intégrée regroupant l’ensemble des volets relatifs à la gestion du processus de mise en œuvre du programme de mobilisation, de melkisation et de valorisation des terres collectives agricoles dans les différentes régions du Maroc, à savoir la mobilisation, la gestion et le suivi-évaluation des projets validés. Ce système d’information sera lancé par le ministère de l’Intérieur et son suivi sera assuré par les deux départements concernés (Intérieur et Agriculture).

En termes de gouvernance au niveau régional et provincial, plusieurs mesures ont été entreprises par les directions régionales de l’Agriculture. Il s’agit de la constitution de 79 cellules techniques pour l’examen préalable des projets d’investissement avant de les soumettre à l’examen des Commissions Provinciales de Melkisation et de location, la désignation de 97 personnes-ressources pour représenter le ministère au sein des Commissions Provinciales de location et de melkisation et la désignation de 141 personnes ressources pour l’accompagnement des porteurs de projets. Pour ce qui est de la superficie validée par les structures du département de l’Agriculture en matière de potentiel agronomique, elle s’élève actuellement à 128.131 ha.

Le ministère s’attèle actuellement à la mise en œuvre dans les régions du programme de l’entrepreneuriat des jeunes en agriculture à travers les CRJEA. En quoi consiste ce dispositif et quelles sont vos premières évaluations sur son opérationnalisation (intérêt des jeunes à ces structures d’accompagnement, contraintes, etc.) ?

Dans le cadre de la déclinaison et l’opérationnalisation de l’axe « Nouvelle génération de jeunes entrepreneurs agricoles » de la stratégie GG, une approche d’accompagnement et de mise en œuvre ciblée, intervenant tout au long du cycle du projet, a été adoptée autour de la mise en place de Centres régionaux des jeunes entrepreneurs agricoles et agro-alimentaires (CRJEA). Leur mission : assurer une meilleure attractivité des jeunes entrepreneurs et des organisations agricoles. Ces structures constituent une plateforme de partenariats avec les partenaires de développement territorial et local, notamment l’INDH, le CRI, les Banques (GCAM et autres), les Interprofessions agricoles, les Chambres d’agriculture, les champions régionaux, etc. Le CRJEA constitue un pont fonctionnel à proximité des Instituts Techniques Agricoles du ministère, de l’OFPPT et de l’ANAPEC. Pour accomplir ses missions dans les meilleures conditions et avec succès, le CRJEA est doté des moyens et outils nécessaires, dont notamment une plateforme digitale, nommée « chababagri.ada.gov.ma », dédiée aux jeunes et permettant l’accès aux informations utiles concernant le foncier, le financement, les idées de projets, les services, la formation, le conseil, les procédures, etc. Ce Centre est doté aussi d’une assistance technique privée pour exécuter les différentes phases de l’accompagnement de manière continue et efficace ; et d’un système de suivi et d’évaluation permettant d’apprécier l’atteinte des objectifs et d’améliorer continuellement l’accompagnement. Le CRJEA fonctionne sous la responsabilité du Directeur régional de l’agriculture, et en collaboration avec tous les acteurs concernés du ministère, en plus des autres partenaires institutionnels et privés. Les principales missions du CRJEA portent sur l’accueil et l’orientation, l’organisation de campagnes de communication et de sensibilisation autour des opportunités d’entreprenariat, à travers notamment des caravanes, des forums régionaux, de la communication médias, etc. Il est également investi de la mission d’identification des jeunes entrepreneurs potentiels à travers l’organisation d’ateliers de prospection et de repérage et l’accompagnement et l’assistance des projets en pré-création, à travers l’organisation des sessions de formation et d’appui à la structuration des plans d’affaires. Le CRJEA dispense également du coaching pratique des porteurs de projets dans les démarches administratives pour la création de leurs entreprises et l’intermédiation entre les jeunes entrepreneurs et les différentes structures impliquées. Sans oublier la coordination avec les différentes parties prenantes et l’établissement de partenariats et l’accompagnement en post-création des jeunes entrepreneurs débutants en permettant un démarrage dans de bonnes conditions et en assurant la pérennité de ces entreprises. La plateforme peut, par ailleurs, procéder au lancement d’appels à projets pour des projets innovants ou des programmes à financer par des bailleurs de fonds. Les Centres de conseil agricole (CCA) et les Centres de mise en valeur agricole (CMVA) ainsi que les Arrondissements de développement agricole constituent les antennes du CRJA dans les différentes provinces de la région, en assurant les missions, d’accueil, d’orientation, de conseil, de sensibilisation et de placement des projets entrepreneuriaux.

Lors du Salon « Grains& Milling », tenu récemment à Casablanca, vous aviez rappelé le projet de mobilisation de 1 million d’hectares pour la culture céréalière moyennant une irrigation d’appoint, dans l’objectif de renforcer la souveraineté du Royaume sur cette ressource vitale et réduire sa dépendance à l’importation. Quel est l’état d’avancement de ce chantier et quels sont ses objectifs en termes de production ?

La production nationale des céréales est fortement exposée aux aléas climatiques avec alternance des années de bonnes et de mauvaises récoltes selon les quantités et la répartition spatiale et temporelle des précipitations. En vue de sécuriser et de stabiliser un niveau de production stratégique en céréales de l’ordre de 90 millions de quintaux par an, nous comptons développer un programme d'irrigation d'appoint des céréales, dans le cadre d’assolements céréales/légumineuses/cultures oléagineuses/cultures fourragères. En effet, l’irrigation d’appoint qui consiste à apporter un complément d’eau durant les stades critiques de croissance de la plante, permet d’augmenter substantiellement le rendement des céréales et d’assurer la stabilité de la production dans des conditions climatiques incertaines. Ce programme est prévu sur un million d’hectares, dont 500.000 ha existants au niveau des périmètres actuellement irrigués et qui verront leurs dotations en eau sécurisées pour couvrir les besoins d’irrigation d’appoint. Le reste, 500.000 ha, sera développé dans les zones qui présentent des conditions hydriques, pédologiques et topographiques favorables.

Les besoins en eau de ce programme seront essentiellement mobilisés grâce à l’exploitation du potentiel hydrique des bassins du nord non encore valorisé et à la valorisation des ressources en eau à dégager après interconnexion des bassins et développement du dessalement pour l’Alimentation en Eau Potable et Industrielle (AEPI) des grandes villes côtières.

Le recours massif au dessalement de l’eau de mer pour l’approvisionnement en eau des villes permettra à terme de réduire la pression sur les eaux conventionnelles qui seront progressivement libérées pour renforcer les dotations en eau agricoles et la sécurisation des cultures stratégiques comme les céréales. Je dois vous assurer qu’un portefeuille de projets prioritaire a été identifié. Il est actuellement en cours d’études, les travaux correspondants démarreront durant les mois à venir.

Le dimensionnement de la capacité de stockage des céréales figure aussi parmi les défis que devra relever l’Etat. Quel est votre plan pour renforcer l’infrastructure du stockage ?

La capacité actuelle de stockage des céréales s’élève à 46 millions de quintaux, dont 42% sous forme de silos. Elle est jugée insuffisante. Le contrat-programme de la filière des céréales prévoit de rehausser le taux de subvention de 10 à 30% pour la construction de silos. Un cahier de charges régissant les normes de stockage a été élaboré et signé avec la profession. Aujourd’hui, les minoteries disposent d’une capacité de 11 millions de quintaux. La consommation annuelle de céréales (blé tendre, blé dur, orge) est d’environ 75 à 80 millions de quintaux.

La transformation digitale du secteur agricole figure également parmi vos priorités. D’ailleurs, votre département avait retenu, en juin dernier, le groupement de cabinets Compétences Conseil et DIGIUP, pour l'élaboration de la feuille de route devant piloter ce chantier de digitalisation. En quoi consistera cette stratégie de digitalisation et quel sera son périmètre d’application ?

La transformation digitale du secteur agricole est sans conteste une priorité majeure de notre département car elle renforce la gouvernance et la coordination de nos stratégies et de nos programmes au sein du ministère tout en favorisant la participation du secteur privé, des startups, des institutions de recherche et de la formation agricole pour une agriculture moderne, efficace, efficiente, compétitive et respectueuse de l'environnement. La stratégie de digitalisation explore les opportunités d'optimisation des ressources naturelles, notamment en ce qui concerne l'irrigation et l'utilisation des fertilisants, contribuant ainsi à la durabilité environnementale en s'alignant parfaitement avec la vision de la stratégie GG. Elle représente un pilier stratégique pour guider la transformation du secteur agricole au Maroc à plusieurs égards. Tout d'abord, son périmètre d’application couvre l'ensemble du secteur agricole au Maroc, de manière à garantir une transformation globale et cohérente. Cette approche englobe les diverses entités administratives, les services déconcentrés, les établissements sous la tutelle du département de l'Agriculture, ainsi que tous les acteurs tout au long de la chaîne de valeur agricole, qu'il s'agisse des exploitations agricoles, des interprofessions, du secteur privé et bien d'autres. Par ailleurs, la stratégie de la digitalisation vise à exploiter pleinement les avantages offerts par les technologies numériques pour améliorer la productivité, la qualité et la compétitivité du secteur agricole renforçant ainsi la sécurité et la souveraineté alimentaire et permet de créer un cadre méthodologique avec des axes prioritaires afin de concrétiser notre vision pour un secteur agricole moderne, innovant, contribuant à la durabilité environnementale et pleinement intégré dans la dynamique du développement durable à l'horizon 2030.
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